Marais de glace

Bientôt 25ans que j’arpente les combes, les vallées et les sommets alpins. Pourtant, je n’en ai toujours pas fait le tour, c’est bien une chose que le COVID m’aura appris. D’incroyables paysages, recoins et atmosphères restent à découvrir à deux pas de chez moi. En prévision d’une sortie voie lactée avec des amis français, nous partons avec Loic en repérage au fin fond d’une vallée que je n’ai jamais pris la peine d’explorer. Le temps est très incertain mais nous passons à travers les goutes en esquivant de justesse les averses. Je m’entraine comme apprenti accompagnateur en moyenne montagne en expliquant l’origine des roches et pleins d’anecdotes sur les plantes que nous croisons sur le chemin. Après de bonnes heures de marche, nous arrivons enfin à l’endroit repéré. Les nuages sont bien bas et il est difficile de distinguer les sommets. Quelques gouttes tombent par-ci par-là, on enfile les imperméables et on commence à explorer le marais. Par endroit, quelques paternes intéressants guident le regard vers les sommets perçant par intermittence entre deux vagues de brouillard. Dans la rivière, le sable fin broyé par le glacier forme des dunes miniatures. C’est ce limon en suspension dans l’eau qui donne cette couleur si typique aux lacs des glaciers. Avant de revenir sur nos pas car la nuit approche, on décide de faire le tour du marais. Il s’avère que par endroit le rivage est constitué de bras morts du glacier. Nous restons vigilants pour ne pas déraper dans les zones ou la glace est apparente. Puis au bout du marais, nous traversons la langue principale du glacier. Avec ce jour blanc couvert et la nuit approchante, le bleu de la glace ressort et nous fait voyager. On se croirait dans les plaines glacées de Patagonie à petite échelle.   Les rochers profitent du glacier pour voyager tranquillement vers le bas de la vallée avec le mouvement de glisse. On profite pour repérer toutes les entrailles du glacier pour trouver une grotte de glace. Malheureusement, deux belles possibilités de grottes se sont soit récemment écroulées ou pas encore ouvertes.   Mais en cherchant bien, on en trouve une. Une petite fissure ne payant pas de mine. Difficile d’accès car un torrent coule juste en dessous, il n’y a pas beaucoup de place pour marcher. Il faut le pied sûr pour ne pas se trouver bloquer dans la fissure créée par l’eau. Plus on s’enfonce dans la grotte et plus celle-ci s’élargi. Avec la lumière tamisée, les couleurs sont splendides.   Mais la nuit se fait de plus en plus sentir, il nous reste encore pas moins de 12km à marcher. On se dépêche, on sort de la grotte et nous finissons la traversée du marais glaciaire. Sur le retour, un bras mort du glacier forme comme une vague au-dessus d’une petite flaque. L’ambiance est irréelle, on se croirait vraiment dans un autre monde. Le brouillard mystifie l’atmosphère. Le reste du chemin se fera à la lampe frontale. Avec la nuit, il n’est plus possible de raconter des histoires de plantes et de cailloux, le retour semble bien plus long. Mais quel bonheur de trouver un petit bar encore ouvert malgré l’heure tardive de notre retour (ou plus tôt notre arrivée de bonne heure (00:30)…) Une superbe découverte et une belle marche en bonne compagnie !
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Sigma 105mm f2.8 art macro

Sigma bouscule un peu le monde de la macro dans la gamme sony E. Jusque-là, l’excellent Sony 90mm f2.8 était la référence en macro. Sigma a rapidement mis sur le marché le petit 70mm macro déjà pu tester. Cependant, 70mm reste court pour de la photographie d’insecte qui peuvent être intimidé par la proximité. Quelques marques tierces sortent des 100mm dont Firin et Laowa mais Sigma met tout le monde d’accord en remettant au gout du jour le 105mm macro sigma f2.8. Le Sigma est 40% moins cher que le Sony ce qui le rend particulièrement intéressent. La construction du Sony est plus métal et avec une meilleure finition que le Sigma. Le Sigma n’est pas non plus stabilisé ce qui ne facilite pas la prise de vue à fort grossissement ou le moindre mouvement est fortement amplifié il faudra opter pour des vitesses d’obturation relativement rapide (>1/150ème). Un autre point manquant un peu dommage sur le Sigma est l’absence d’échelle de mise au point et de distance. On ne sait pas à quel rapport de grossissement on se trouve en manuel ce qui est assez perturbant surtout sans butée sur la bague de mise au point. Comme pour le reste de la gamme ART, on a une bonne tropicalisation avec un joint au niveau de la monture. Une bague de diaphragme se trouve sur le fût. L’objectif est compact, léger et donc bien maniable. On dit souvent que la macro se fait en manuel mais sur ce boitier, l’AF est rapide et silencieux ce qui permet d’utiliser l’AF sur le terrain même pour des prises de vue rapprochée. Il y a un sélecteur permettant de limiter la plage AF (car ce n’est plus possible directement via le boitier de limiter la plage de mise au point depuis le passage en monture E). En limitant la mise au point pour les prises macro, l’AF est très efficace et permet par exemple de compenser l’effet du vent dans les feuilles faisant bouger le sujet. Ça permet aussi de suivre un insecte en mouvement sans trop de problème. La mise au point en manuelle reste cependant obligatoire pour des prises de vues spécifique comme le focus stacking car cette option n’est toujours pas automatisée dans les boitiers Sony. Le zoom à 100% dans le viseur permet vraiment une mise au point au petit oignon. Le piqué de l’optique à fort grossissement est absolument exceptionnel. J’ai rarement vu un tel rendu des détails fins. Lorsque l’image est net, en crop 100%, les détails sont au rendez-vous. (tous les crop 100% ne sont pas traité ni accentué) Le bokeh est aussi très doux, ici quelques exemples d’images en fermant progressivement le diaphragme.

f2.8

f4 f5.6 f8 f11 f16

Lors de mon utilisation, je n’ai pas rencontré d’AC ni de flaire malgré quelques images en fort contrejour.

  Conclusion Bref, une superbe qualité optique en tout point de vue. Pour moi cette optique a un excellent rapport qualité prix. Certes la stab apporte un confort supplémentaire et la bague de map sans marquage est un peu perturbant sur un macro mais la qualité optique et l’AF compense. Exemples d'images

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/125s, 160iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f5, 1/125s, 100iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f6.3, 1/60s, 400iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f5.6, 1/60s, 200iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/400s, 100iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/320s, 100iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f3.2, 1/250s, 800iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f3.5, 13s, 800iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/500s, 100iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/2000s, 100iso

Sigma 105mm art macro, Sony a7rIII, f2.8, 1/500s, 100iso

Synthèse + bonne distance de travail au rapport 1:1 pour des insectes craintifs + piqué excellent, crop 100% bluffant + flare et AC inexistant + prix doux par rapport au Sony + limiteur de plage de mise au point pratique + AF fonctionnel même à fort grossissement. Permet de photographier avec du vent. - Pas de stabilisation - Pas de marquage sur la bague de map, pas d’indication de grossissement
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Le danseur alpin, le tétras lyre

Le tétras lyre est une espèce qui me fascine depuis toujours. Petit en allant « jumeler » avec mon père au printemps, j’ai découvert leur danse et leur chant. Un spectacle dont la beauté reste gravée dans ma mémoire. Cela fait maintenant plus de 10 ans que je retourne les voir régulièrement. C’est devenu un pèlerinage, chaque année en mai, je reprends la route de la clairière. Raquettes aux pieds, je monte en début d’après-midi au sommet de la forêt. Plus de 500m de dénivelé à chaque fois pour être coupé du monde, seul avec les petits coqs. https://youtu.be/yjc03UfK-go J’installe l’affut en début d’après-midi et passe la nuit caché dans la tente pour avoir le moins d’impact possible sur le ballet des tétras. Les tétras lyre sont très vulnérables au printemps et pendant tout l’hiver. Leur nourriture favorite, les myrtilles et autres insectes ne sont plus à portée de bec. Ils se nourrissent quasiment exclusivement d’épine de sapin ou d’arole. Ce régime alimentaire très peu calorique les rend très vulnérables, chaque dépense énergétique risque de leur être fatale. Des zones de tranquillité sont mises en place dans de nombreuses forêts alpines pour diminuer le dérangement de l’espèce par les activités hivernales comme les raquettes ou le ski de randonnée. Ses zones sont généralement balisées ou sont aussi indiquées sur les cartes hivernales. Malheureusement, parfois leur tranquillité n’est pas respectée et un dérangement suffit pour achever un individu déjà extenué. C’est pourquoi, il est primordial de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas les déranger. En installant l’affut en début d’après-midi, les tétras sont encore en forêt. Le soir venu, ils remontent vers la place de chant pour défendre leur parcelle de terre. Je passe la nuit en affut car les mâles viennent sur la place de chant dès l’aube. Il faut aussi savoir que les femelles bien plus discrètes sont sur place presque une heure avant les mâles. Au petit matin, le gargouillis des mâles sur la place de chant me tire du sommeil. J’entends les tétras se déplacer autour de l’affut et même quelques prises de bec. Je guigne à travers les fenêtres, malgré l’obscurité, je peux distinguer quelques silhouettes se découper comme des ombres chinoises dans la neige. Il est encore trop tôt pour faire des images mais le spectacle est un régal pour les oreilles. La nuit se retire peu à peu révélant la danse des tétras. Leur petit saut, leur vol plané, leur course poursuite et leurs coups de bec pour défendre leur territoire, quel spectacle ! Tout ça pour attirer l’attention des femelles qui observent la scène. Si une femelle s’approche, l’activité sur la place de chant redouble d’intensité et des plumes peuvent voler ! Puis le soleil fait son apparition et l’activité sur la place de chant se fait plus calme. Les tétras les plus téméraires continuent à parader mais d’autre s’en vont dans les mélèzes pour picorer les tendres bourgeons fraîchement éclos, du pain bénis après s’être nourrit exclusivement d’épines de sapin pendant des mois.   Ici un petit album compilant des images sur plus de 10ans http://apvl.ch/tetras/
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Tourbière

20% de la population est vaccinée, les restrictions covid s’assouplissent partout, les restaurants rouvrent. Il est temps de retourner voir mon ami Benjamin que je n’ai plus revu depuis une éternité. Il lui faut une petite coupure, cela fait des mois qu’il a la tête dans le guidon pour l’organisation de son exposition Imag’en Ville. Cap sur Dijon pour le weekend. Je profite du trajet pour acquérir un écran Eizo d’occasion spécialisé pour la retouche graphique. Lors du passage à la frontière, la douane Française me demande de me mettre de côté pour un contrôle. Après quelques questions liées aux restrictions sanitaires, elle me demande de montrer le carton de l’écran. J’avais deux solutions, soit payer la TVA pour l’écran que j’allais ramener en Suisse le lendemain soit faire demi-tour. Je repars en Suisse déposer l’écran le temps du weekend chez une connaissance et je peux enfin rejoindre Benjamin sur Dijon quelques heures plus tard. Le temps est maussade, des averses s’abattent régulièrement : pas très motivant pour rejoindre l’affût à blaireau. N’ayant jamais rencontré de salamandres tachetées, je lui propose d’aller à leur recherche. La météo semble parfaite pour les batraciens mais la période de ponte à la mare est terminée depuis bien un mois. Un peu pris au dépourvu, on s’équipe en vitesse puis nous parcourons les forêts à la recherche de la salamandre de feu. La forêt humide est superbe avec de la mousse recouvrant les arbres et les roches. Malheureusement, pas de tache orange à l’horizon. Il y a bien quelques têtards dans un ancien lavoir mais rien à photographier… Il y a quelques escargots et limaces qui profitent de l’humidité. L’exposition que Ben prépare se veut didactique et prétend montrer la faune et la flore que l’on peut trouver dans la région de Bourgogne. On se dit que plutôt que de se tourner les pouces en attendant la nuit que les salamandres pointent le bout de leur nez humide, on peut photographier des escargots de Bourgogne pour l’expo. Pas évident de mettre en valeur ces gastéropodes mais l'endroit est magique avec ces mousses.     Il nous faudra rentrer avant la tombée de la nuit car en France, le couvre-feu est appliqué après 21h. Le lendemain, après avoir enlevé deux tiques de ma fesse droite, nous prenons la route vers la tourbière de Frasne. Sur le trajet, Fred, un ami de Ben professeur de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) nous rejoint. J’ai droit à l’histoire passionnante des traces laissées par les dernières glaciations comme des moraines contenant des matériaux calcaires (Würm - deux calottes, une sur les Alpes, une sur le Jura) ou du calcaire et du granite (Riess - avant-dernière glaciation encore plus forte où il n’y avait qu’une seule calotte glaciaire, couvrant les Alpes et le Jura et donc certaines langues allaient jusqu’à Lyon) Nous voilà au parking de la tourbière. Après avoir tiré le portrait d'un petit papillon, on enfile les chaussures et on commence le parcours fléché. Une tourbière est créée lors du retrait des glaciers. Le glacier, lors de son avancée, broie les roches les transformant en farine glaciaire (aussi appelé loess). Cette farine est étanche comme de l’argile et peut créer des lacs lors du retrait du glacier. Dans ces lacs, la vie se développe mais avec le temps, une mousse aquatique, la sphaigne prend le dessus. Cette plante a une partie morte dessous et une partie vivante émergée. Au fil du temps, la partie morte va peu à peu remplir le lac. Des milliers d'années plus tard, il ne reste plus que de la sphaigne morte qui est transformée en tourbe qui peut être extraite, séchée et utilisée comme combustible.

Trou creusé pour extraire la tourbe

Brique de tourbe en cours de séchage: lanterne

Il y a plusieurs stades de vie dans une tourbière. Elle est dite vivante lorsqu’elle est encore en formation. A ce stade, elle peut être dangereuse car sous la couche de sphaigne se cache de l’eau. En marchant à sa surface, il est possible de traverser la couche de sphaigne et d’être pris au piège. L’eau dans les tourbières est très acide à cause du métabolisme de la sphaigne. Elle appauvrit les terres afin de les rendre inhabitables pour les autres plantes. La plupart de la faune et de la flore ne peuvent plus s’installer dans un milieu aussi hostile. Seules des plantes ultra spécialisées peuvent s’y adapter. La mission du jour est justement de trouver une de ces plantes typiques des milieux pauvres et acides, la drosera. C’est une plante carnivore qui a la particularité d’avoir des petites excroissances rouges sur ses feuilles vertes sécrétant une sorte de glue.   Si un petit insecte a le malheur de confondre cette mixture visqueuse avec des gouttelettes de rosée, il sera pris au piège emplâtré des pattes aux ailes. Il sera ensuite lentement digéré pour apporter l’azote nécessaire à la synthèse des protéines pour la croissance de la drosera. Contrairement à d’autres types de plantes carnivores, seul l’azote absent des sols pauvre est capté de cette manière. Le CO2, comme pour les autres plantes, est extrait de l’air via le processus de photosynthèse. C’est pourquoi les feuilles de la drosera sont vertes grace à à chlorophylle permettant la captation du gaz.   Ces plantes carnivores ne sont vraiment pas évidentes à trouver dans la tourbière. On pourrait presque reformuler la célèbre expression en « c’est comme trouver une drosera dans une tourbière de sphaigne ». L’œil expérimenté de Fred repère une nuance de couleurs rosée trahissant les droseras au milieu des mousses vertes. Malheureusement, elles sont trop loin du chemin pour photographier les détails de la plante. On en trouvera cependant quelques-unes plus proches du chemin dans la zone non exploitée de la tourbière quelques kilomètres plus loin. La plante est vraiment minuscule, les feuilles font en moyenne 8mm de large et elles sont hautes d’à peine quelques centimètres La plante n’est pas aussi impressionnante que ce que l’on pourrait s'imaginer lorsque l’on parle de plante carnivore. Mais elles sont très étonnantes et pleines de subtilités. On peut se plonger dans ce monde miniature à l’aide d’un objectif photo macro et découvrir un univers que nous ne soupçonnons même pas au quotidien, un monde où le danger est omniprésent. Sur la boucle du retour, on s’attarde dans un petit champ de narcisses. La lumière n’est pas optimale pour de belles images mais je décide de faire quelques portraits de « cœur » de la fleur. Je m’étonne de la diversité entre chaque individu. Certaines ont des étamines énormes (appareil reproducteur mâle) mais pas de stigmate visible (appareil reproducteur femelle) alors que sur d'autres plantes, le stigmate est visible et sort passablement de la fleur. Fred émet une hypothèse concernant une stratégie pour éviter une auto pollinisation. Ainsi, en fonction de l’avancée de la floraison, un appareil reproducteur ou l’autre est plus mis en évidence pour minimiser les interactions internes à la fleur et optimiser la prise ou dépose de pollen par les insectes. C’est assez incroyable cette capacité d’adaptation de la flore autant avec la drosera dans les milieux pauvres ou les stratégies de reproduction des narcisses. Merci à Fred pour m’avoir fait découvrir ces particularités, la nature me surprendra toujours !
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Rimpfishhorn 4199m

Le beau temps et les températures estivales font leur retour. Les conditions sont parfaites pour tenter de rajouter un 4000 à la liste. Gabriel Payen se joint à la cordée pour ce nouveau sommet. C’est un des étudiants de l’école d’ingé super aéro qui était au Svalbard en même temps que ma petite visite en 2019. Si je fais ces 4000, c’est avant tout pour revenir avec des images pour garder une trace de ces aventures, c’est pourquoi, on part généralement sur plusieurs jours pour profiter des belles ambiances de fin et début de journée. Gabriel est plus dans une optique de performance et part plutôt faire des courses à la journée. Le compromis mettant tout le monde d’accord est de partir très tôt le matin. On campe sur le parking de Täschalp pour partir à l’aube. J’ai profité de la venue de Stéphane de Zurich pour lui demander de récupérer une tente 4 saisons que je venais d’acquérir par enchère. C’est une tente faite pour les expéditions, ultra légère. Elle est totalement surdimensionnée pour dormir sur le parking avec ces températures tout juste négatives la nuit. C’est l’occasion de la monter une fois dans de bonne condition pour ne pas être pris au dépourvu lorsque les conditions seront plus difficiles

Le Rimpfishhorn, le sommet que l'on veut gravir se voit au loin au dessus de la tente

Le réveil sonne à 3h30 du matin. On se lève, il y a un peu de givre dans la tente. On plie la tente et dépose le tout en vrac dans la voiture en vitesse avant de prendre la route vers le Rimpfishhorn.Rangement en vrac dans la voiture et départ surplombé par le Weishhorn

Ski sur le dos, on remonte le chemin en direction de la Täschhütte, chaussures de ski au pied. Une fois arrivé à la neige vers 2800m d’altitude, on chausse les skis. La neige est trop dure pour que je tienne avec les peaux de phoques. Une fois les couteaux installés sur les skis pour ne plus glisser, on continue l’ascension.

Le jour se lève doucement, il n’y a pas un nuage pour capturer les premiers rayons de soleil mais l’humidité de l’air nous fait tout de même profiter de l’ambiance rosée matinale.

Une fois passé le premier col, nous progressons sur le glacier.

Stéphane sur fond de 4000

Gabriel dans la direction du Rimpfishhorn

C’est un long faux plat. Sur la gauche bifurque la voie pour l’Alphubel, un sommet fait l’été passé. Il nous faudra enlever nos peaux de phoque pour une petite descente avant de remonter sur le glacier.

(je devais avoir perdu mon sens de l'équilibre pour cette image...)

Sur le glacier, le soleil est de la partie de quoi réchauffer les -9°C qui nous ont gelé les gourdes d’eau. La vue à 360° est splendide, c’est l’occasion de réviser un peu le nom des 4000 qui nous entourent. On continue notre progression jusqu'au sommet d’hiver du Rimpfishhorn qui culmine à tout juste 4001m.

 

C’est un dôme de neige assez facile d’accès malgré les rafales de vent intermittentes.  La lumière est très dure, c’est le désavantage des sorties à la journée par contre, ça nous permet de partir très léger. Du sommet d’hiver, on a une belle vue sur tous les 4000 que j’ai déjà gravi comme l’Alalinhorn, le Stralhorn, l'Alphubel, la Signalkupe avec la cabane Margarita ainsi que le Breithorn.

Il est temps de passer au chose sérieuse, le sommet d’été du Rimpfischhorn.

On reprend des forces en mangeant quelques barres de céréales puis nous délaissons nos skis sur le col et attaquons la montée crampons au pied. Nous ne sommes pas les seuls, un autre groupe progresse lentement dans une petite goulotte (côté M1). Plutôt que d’attendre que le passage se libère, nous suivons les traces de Gabriel qui nous a convaincu de passer sur la droite, ça doit passer qu’il dit. Nous progressons dans la pente en traçant une nouvelle voie, la voie « Payenne ». Une fois bien engagé, on se rend compte que l’on va devoir bifurquer sur la gauche pour rejoindre le chemin officiel. On improvise un peu dans des pentes extrêmement raides entre neige et roche. Gabriel assure le passage tant bien que mal avec son expérience en arrêt et grimpe. Il coince des sangles dans des interstices de roche dans les passages clefs, on progresse avec la corde tendue pour réduire la dégringolade en cas de chute. C’est bien quelques frayeurs plus tard et quelques passages pas évident que l’on arrive à rejoindre la voie officielle. Elle nous paraît tout de suite plus facile en comparaison à la voie payenne :) On continue la progression avec les crampons sur l’arrête, j’ai un peu de peine pour mes crampons en alu qui s’usent prématurément sur la roche. Cela fait maintenant quelques heures que l’on progresse au-dessus de 4000m, je me sens un peu plus étourdit avec cet air plus fin. En voulant faire une petite vidéo, je laisse échapper mon gant qui dégringole la paroi et disparaît de ma vue. Je commence à penser que je suis maudit car j’ai déjà perdu un de mes battons au fond d’une crevasse lors de la dernière sortie. La dernière arrête avant le sommet est superbe, le vide sur la gauche et sur la droite, la vue est superbe. Une petite pensée pour le plateau Suisse qui semble être sous le brouillard.

On ne restera pas longtemps au sommet à 4199m car nous ne sommes pas seuls (c’est aussi un autre problème d’un sommet à la journée).

Sur la descente, on fait un rappel pour tenter de dépasser d’autre alpinisme mais sans succès, le temps de tout mettre en place, on n’y arrivera juste pas. Après de nombreuses descentes sur demi nœud de cabestan, nous revoilà au col. On mange deux morses, chaussent les skis et entamons la descente. Juste par acquis de conscience, je longe le glacier sous la falaise de Rimpfishhorn et là, je n’en reviens pas, je retrouve mon gant perdu plus tôt. Il a dégringolé sur plus de 100m dans les falaises. Heureusement que ce n’est pas nous qui avons dévalé la pente dans la voie payenne…

La descente à ski est un pur bonheur sur le glacier. La neige dure en début de journée à fondu juste ce qu’il faut. C’est comme glisser sur du velours. On descend dans une autre vallée de que la montée, celle-ci est moins exposée ce qui nous permet de descendre jusqu’au fond du vallon soit 2000m de descente à ski.

Pour boucler la boucle, il nous faudra encore porter les skis sur le dos tout le fond de la vallée pour rejoindre la voiture. Une superbe sortie plus technique qu’habituellement et un nouveau record pour moi, 2200m+ en une fois!

Bonne journée et merci pour la lecture :)
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Grotte aux Fées – Jura Vaudois

Pour préparer les 4000m, il faut s’entrainer à avoir les bons gestes pour faire une remontée sur corde. Benjamin organise un petit cours clandestin dans une grange d’un ami. J’invite Stéphane, mon compagnon de cordée pour le projet de la liste des 4000. Il y a aussi Emma, une alpiniste, et en cours de route, Joanna, une autre grimpeuse, ramène du matériel et se laisse convaincre de rester avec nous pour faire les exercices. Au programme : remontées sur cordes ainsi que mouflages avec facteurs de multiplication de force de 3, 5 et 7. Nous faisons une courte pause à midi avec un burger king à l’emporter, (aucun restaurant ne livrait après 13h). La journée fût bien remplie et le refresh des manipulations de base était bienvenu. Au détour d’une discussion, Benjamin annonce qu’il va visiter une grotte le lendemain dans le Jura Vaudois et demande si quelqu’un voudrait venir. La grotte en question est une succession de puits qui descendent jusqu’à -150 mètres sous terre. Tout fou et ne sachant pas du tout dans quoi je m’embarque, je suis partant pour l’aventure. Benjamin, imaginant déjà la catastrophe, n’ose pas me dire non et voilà que le lendemain, nous sommes sur la route pour la Grotte aux Fées, à Vallorbe. Dans la voiture, deux spéléologues chevronnés, Oriane et Léonard, sont de la partie. Un 5ème spéléologue nous rejoint sur place.   Grotte aux Fées, partie 1: Galerie des Nymphes La température extérieure est négative et le sol est recouvert d’au moins 30 cm de neige. Un peu frileux, nous décidons d’entrer plus ou moins légalement dans l’appartement d’un de leur collègue spéléologue de la Vallée de Joux. J’apprends de plus en plus à connaitre cette sphère très étrange des spéléologues qui se révèlent être très ? ouverts ? Je profite de la halte pour emprunter une paire de chaussons néoprènes au propriétaire absent. Il est prévu de faire quelques brasses dans l’eau et ma combinaison néoprène est quelque peu poreuse au niveau des orteils. La Grotte aux Fées est gigantesque et de nombreuses galeries restent à ce jour inexplorées. Bien que voisin, le réseau des Fées est distinct de la Grotte de Vallorbe, connue et aménagée pour le tourisme. C'est un réseau de grotte qui est immense. Ci-dessous, la topographie de l'ensemble du réseau de la grotte au fée avec en jaune, la partie que l'on a explorée lors des deux sorties (deuxième sortie décrite plus bas) Une fois équipés pour l’exploration de la grotte (transformé en Télétubbies violet avec ma combinaison), nous remontons une route enneigée où nous croisons quelques personnes et passons pour des fous en combinaisons. Après quelques difficultés pour trouver l’entrée de la grotte sous la neige, nous y entrons. À quelques mètres de l’entrée nous trouvons un petit carnet d’informations à remplir, permettant aux secours de savoir combien de corps ils peuvent espérer retrouver. Rapidement, la grotte continue à la verticale. Huit puits pour un total de 154m de descente.   À l’entrée, Léonard m’explique comment passer la corde dans mon descendeur puis, c’est parti pour la descente dans le vide et l’obscurité. Au fur et à mesure de la descente, les gestes deviennent automatiques mais je fais tout de même systématiquement contrôler mon matériel à mon mentor, Léonard. Sur la descente, nous croisons deux chauves-souris en pleine hibernation. Les chauves-souris ne sont pas tellement dérangées par nos bruits mais plutôt par l’air chaud de notre souffle et de nos lumières. Elles sortent de leur hibernation lorsque la température augmente, signe de la fin de l’hiver. Il faut donc éviter de leur souffler dessus. Une fois au fond des puits nous avançons dans une partie horizontale et labyrinthique tant il y a de boyaux creusés par l’eau dans la roche calcaire. Nous nous déplaçons en rampant ou à quatre pattes lorsque la hauteur le permet. Nous marchons dans un mélange d’argile visqueuse avec 5 à 10cm d’eau. Pour ceux qui ont vu la scène, on dirait les déplacements du basilique dans Harry Potter. Après s’être perdus une fois, on ne trouve pas Voldemort au bout du labyrinthe mais la salle dite « des épées ». Avec le temps, l’eau a sculpté la roche, laissant place à des formes d’épées, de fines lames de roche fragile. Nous nous efforçons de poser les pieds sur les plus épaisses d’entre elles afin de ne pas les endommager. Quelques mètres plus loin, la grotte est inondée, la suite devra se faire à la nage dans une rivière et des lacs (galerie des Nymphes). Avant de changer d’équipement et de mettre nos combinaisons néoprènes, nous en profitons pour manger un morceau et prendre quelques images. L’humidité et la température sont telles que nous fumons de toutes parts. Une fois le ventre plein, il est temps de se jeter à l’eau glaciale. Il n’est franchement pas évident de nager avec des bottes aux pieds et un appareil photo dans un caisson étanche dans la main. Les quatre autres semblent relativement bien le prendre, je dois être le seul à ne pas nager dans des eaux à 4°C toutes les semaines ? Tout est absolument sublime ici-bas mais le temps vient à manquer, je ne peux pas photographier tout ce qui devrait l'être. Pour bien faire, il faudrait installer un bivouac et y passer plus d’une journée. Ce sera pour une autre fois. En plus des épées, on trouve aussi des concrétions de calcite prenant des formes de « champignons » ainsi que des vasques (ou gours) remplis d’eau. Manu avec sa lampe old school à l’acétylène prend la pose pendant que les autres éclairent le lac avec des lampes étanches. Pas évident de gérer tout ce monde pour réaliser l’image en tête. L’endroit est magnifique, nous sommes face à un lac souterrain entouré de colonnes de roche et des concrétions. Au milieu de ce lac se trouve un profond siphon, soit, une sorte de puits descendant à la verticale sous l’eau. Jamais personne n’y est descendu et nous sommes loin d’être équipés pour une telle aventure. En m’approchant du précipice sous-marin, j’entends Oriane crier « au feu, au feu », en me retournant, je vois Manu littéralement en proie aux flammes. Sa lampe à acétylène a commencé à bruler de manière incontrôlée. A peine le temps de le voir bruler qu’il saute dans l’eau dans un énorme fracas. Une odeur de poils brulés remplit la salle et l’eau se trouble rendant la vue sur le précipice impossible. Le temps passe et le plus dur reste à venir: la remontée. Nous rebroussons chemin, retraversons les canyons remplis d’eau glaciale, rangeons notre camp de base et changeons nos combinaisons. Nous rampons à nouveau dans la glaise puis, c’est la remontée sur cordes. Nous ne sommes pas les premiers à passer par ici, au fond du puits, il y a pleins de fossiles d’escargots de quelques millions d’années. Alors que la descente n’était pas trop compliquée, remonter 150m sur corde avec son kit (sac de spéléo) suspendu à la taille est une autre paire de manche! Il y a aussi quelques fractionnements de corde à faire dans le vide où il vaut mieux ne pas trop se tromper pour ne pas rejoindre les fossiles. Une éternité plus tard, me voilà en haut. Nous saluons les deux chauves-souris hibernant à l’entrée de la grotte et nous voici de retour à l’air libre. Nous marchons de nuit dans 30cm de neige et je suis au bout de ma vie. Un grand merci à l’équipe de choc pour avoir rendu cette aventure possible! Reste plus qu’à bivouaquer au fond la prochaine fois pour réaliser plus d’images rendant hommage à la beauté de cette grotte ! Pour retrouver les images d'Oriane,  Léonard, Benjamin   Grotte aux Fées, partie 2: galerie des Epées et Viviane En décembre, nous étions allés explorer une petite partie de l’immense réseau souterrain des Fées dans le Jura Vaudois. On y retourne pour explorer une autre partie de la grotte. L'excuse est aussi toute faite car j’ai toujours le nouvel appareil Sony en test et quoi de mieux pour mettre à l’épreuve son étanchéité et sa robustesse sous terre ? Pour éviter de laisser tomber dans l'eau un appareil à plus de 7000.-, on bricole une petite sangle de fortune avec une cordelette en Dyneema®. La première partie est constituée de plusieurs puits successif. Voici la topographie des puits (merci au site de spéléo Lausanne pour les sources). Sur la descente des puits, on profite pour prendre quelques images des puits impressionnants. Sur la descente des puits, on profite pour prendre quelques images des gouffres impressionnant. Arrivé au fond des puits (chemin vert), le chemin se sépare avec à gauche la zone explorée la dernière fois, la galerie des Nymphes (chemin bleu) et à droite une nouvelle zone inondée, la galerie des Epées (chemin orange) Mais avant ça, une petite pause casse-croûte au milieu des concressions s'impose. Puis, on explore la galerie des Epées inondée sur la droite. Certains passages nécessitent de passer totalement dans l'eau, l'occasion de tester la nouvelle néoprène achetée quelques heures plus tôt. Contrairement à la dernière fois, la combinaison est à ma taille et je ne sens quasiment pas la fraicheur de l’eau, je pourrais rester ainsi des heures. Pleins de petits lacs souterrains magnifiques et de petits canyons inondés se succèdent. On traversera même une petite rivière souterraine avec un fort courant (rivière Lanceleau sur la carte). La galerie semble sans fin mais comme d'habitude, le temps est notre pire ennemi et nous devons faire demi-tour, la suite sera pour une autre fois. On retourne sur nos pas après quelques images dans la salle Baudegamu. Sur le retour, on fait une courte pause à la bifurcation et j’insiste un peu pour retourner voir le petit lac avec les deux piliers de la dernière fois. Pendant qu'Oriane se réchauffe sous le poncho avec trois bougies, on repasse rapidement dans les galeries explorées la dernière fois, la galerie des Nymphes. Le petit lac est toujours là mais semble moins impressionnant que la première fois. C’est d’ailleurs souvent ainsi en spéléo, on se laisse émerveiller par ce que l’on découvre puis on s’y habitue. On triche un peu pour la photo avec les deux piliers, avec uniquement Benjamin comme model, je fais un panorama mais pendant les prises de vue, il se déplace d’une arche à l’autre permettant d'apparaître à double dans l’image finale. Au retour, Oriane est bien au chaud sous son poncho, mais il nous faut remonter. Voilà qu’une crampe apparait pendant que l’on se change, il faut la détendre. Les bougies sont soufflées et on remonte à la surface après pas mal de sueur avec les 150m de puits à remonter. Cette fois-ci, j’utilise un Pantin® prêté par Oriane me permettant de toujours avoir une corde tendue sous moi pour faciliter la remontée avec le Croll® .
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