Retour Sony A1 le nouveau flagship

Bonjour, Il y a quelque temps, Sony m’a envoyé le alpha 1 pour le tester sur le terrain pendant 1 semaine. Le délai est relativement court pour tester toutes les fonctionnalités de ce boitier mais je me suis penché sur la partie rafale, obturateur silencieux, autonomie et robustesse. Je ne me suis pas penché sur la partie connectivité ni sur la gestion des flash ou l’obturateur mécanique. C’est un retour sur terrain et non pas un test rigoureux. Le Sony A1 est le flagship de la marque, une vitrine technologique démontrant qu’il est possible d’avoir un boitier d’action avec un capteur bien défini. Pourtant, de l’extérieur, le a1 n’est pas bien différents des autres A7 ou A9. On n’est pas sur un boitier monobloc comme le flagship des autres marques. C’est un choix que j’apprécie car cela permet un réel gain de poids mais aussi permet de faire des photos à raz le sol. Egronomie En le comparent à mon Sony A7rIII, les dimensions globales sont très similaires mais la prise en main est incroyablement meilleure. La poignée tient vraiment bien en main, la molette inclinée permet de gagner les quelques mm permettant une prise en main ferme, le petit doigt ne se balade plus sous la poignée. Les boutons répondent mieux, le joystick a une bien meilleure adhérence et peut-être manipulé de manière fiable avec des gants.

A1 en haut à coté du sony A7RIII

Comme pour le sony A9, une seconde molette de réglage dédiée pour le type d’AF et le mode entrainement (vitesse rafale, retardateur) existe. Personnellement, je préfère gérer ces réglages via des boutons personnalisés mais surtout via les modes personnalisables 1,2 et 3. Si vous travaillez aussi de cette manière, il vous faudra systématiquement adapter ces deux paramètres avec la roue. Si vous venez du Sony A9, vous aurez déjà ces automatismes.

Le viseur a vraiment un rendu très réaliste et le grossissement est très bon. On remarque surtout la qualité du viseur une fois que l’on revient sur un autre modele de boitier. Il est aussi possible de paramétrer la vitesse de rafraichissement du viseur pour améliorer le suivi en photo d’action mais aussi pour économiser de la batterie pendant les prises de vue plus posées. Les avantages du viseur électronique ne sont plus à démontrer mais la possibilité de zoomer à 100% dans le viseur pour peaufiner une mise au point en manuel ou identifier des oiseaux, le zebra pour mettre en évidence les zones cramées, le focus peaking pour mettre en évidence les zones nettes pour aider une mise au point manuelle, la possibilité de naviguer dans le menu FN sans devoir quitter l’œil du viseur et perdre l’action sont tous des avantages dont on n’arrive plus à se passer rapidement.

Dans l’ergonomie les différentes ouvertures par clapet ont été revu et sont plus weatherproof avec des joints et des fermetures fermes. Pour l’avoir testé dans des conditions très humides avec de l’eau, du limon (sable des glaciers ultra fin) et quelques éclaboussures, la tropicalisation du boitier ne m’a pas fait défaut. On est sur du robuste même s’il n’a pas la tête d’un monobloc !

Test en environnement humide et sale (spéléo)

L’appareil accepte maintenant de nouvelles générations de cartes express type A permettant de vider rapidement le buffer lors de rafale à 30 images par seconde avec 50 mégapixels. Malheureusement, j’avais mes cartes SD à 95mo/sec pour les tests et c’est extrêmement lent alors qu’avec les types A, le buffer se vide instantanément. Mais même avec des cartes lentes, ce n’est pas vraiment un problème car le buffer est immense et ce n’est pas bloquant (sauf si l’on veut faire des vidéos après une rafale). Je n’ai jamais atteint la fin du buffer malgré des rafales généreuses.

  AF L’AF du Sony A1 est simplement bluffant. La reconnaissance du sujet et son suivi n’ont simplement pas de comparaison possible pour moi. Contrairement aux autres A7, ce n’est pas gadget ni aléatoire. Le suivi d’objet du A1 est simplement stupéfiant et fiable. Si on le couple avec la détection des yeux du sujet, l’AF est un "game changer". Le point se fait sur l’œil d’une gélinotte à travers les branches sans broncher, le point suit l’œil d’un chamois en déplacement dans le cadre même s’il ferme l’œil ou si la tête est de 1/3.

Détection de l'oeil de la gélinotte à travers le branchage et environement bien chargé

Détection de l'oeil du chamoi à moitié fermé et de 1/3

Il faut cependant penser à changer le type d’AF sur les yeux en fonction du sujet (humain, oiseau et animaux) car sinon, le point ne se fera pas. Le raccourci est à mettre dans le menu FN ou un bouton personnalisé. C’est un peu dommage de devoir switcher entre les modes pour le suivi des yeux car il y a des situations où l’on photographie des oiseaux juste après un mammifère et s’il l’on oublie de changer, l’œil ne sera pas trouvé.

Œil pas trouvé car j'étais en mode animaux et non oiseaux

L’AF accroche et suit aussi bien au centre que dans les bords du cadre (le Sony a7rIII est à la ramasse sur les bords).

Suivi de la mésange malgré qu'elle soit dans le bord et à travers les branche (l'AF à croché sur les 18 images de la raffale (mais flou de bougé par 1/400ème...)

L’AF peut être personnalisé très finement selon les sujets entre la réactivité du suivi AF jusqu’à la préférence de l’œil droit ou gauche pour la mise au point. Dans tous les cas, l’AF couplé aux moteurs linéaires des objectifs Sony est ultra rapide et réactif. A voir si cette technologie AF pourra être transmis aux futures générations des A7.

  Rafale La rafale de 30 images par seconde permet de ne plus louper le moment décisif dans une action. Couplé au nouveau viseur électronique et au double processeur, le suivi se fait sans mal. Il n’y a pas d’image noire, ni de saccade dans le viseur. En étant en obturateur silencieux, si on ne met pas le bruit artificiel, on ne remarque même pas qu’une rafale est en court. Mais, la rafale n’est pas qu’utile en photo d’action, pour le paysage aussi.

j'ai pu choisir entre 4-5 photos pour chaque position

Un montage avec la rafale de 30img/sec avec le sujet passant derrière un branchage et étant extrêmement proche du bord du cadre. Le viseur sans lag m’a permis de suivre plus ou moins le sut malgré sa vitesse et son accélération.

Par exemple lorsque l’on fait du bracketing, le temps pour prendre une image bracketée sur 9 prise de vue se fait en un temps record, pareil pour du focus stacking. Dommage cependant que le focus stacking ne soit pas automatisé dans les boitier sony car avec la vitesse de l’AF et la vitesse de la rafale, ça pourrait être un vrai plus. La rafale peut aussi être utilisée pour augmenter le nombre d’images nette avec des vitesses d’obturations limites.

La rafale permet aussi de prendre 16 images rapidement puis de les assembler en une image de 200mgpx. Malheureusement, il vous faudra passer par un logiciel propriétaire de Sony pour finaliser l’assemblage avant de pouvoir le traiter dans votre logiciel favori.

  Autonomie L’autonomie est dans la norme des autres boitiers de la marque. Avec une batterie, on peut photographier pendant 2j si on ne déclenche pas sur tout ce qui bouge. En utilisation intensive, il faudra tout de même prévoir une batterie par jour. J’ai aussi pu le tester dans des conditions un peu plus extrêmes dans un glacier. Les températures étaient bien fraîches, -13°C et en trois heures des photographies, j’ai perdu 50% de batterie. J’étais un peu déçu de ses performances, mais je testais aussi la rafale du boitier et j’ai pris 1700 images pendant ces 3h de temps. Je trouve que ce n’est pas si mal dans ces conditions (1700 images, -13°C, 50% de batterie).   Qualité d’image Au vue des performances en vitesse décrites plus haut, on peut s’attendre à une qualité d’image un peu à la baisse. Mais les 50 mégapixel du capteur m’ont agréablement surpris. Sur le 400 GM et le 24GM, la qualité d’image en crop 100% est superbe, tous les détails sont bien rendus.

Cadrage d'origine

crop 100% La montée en ISO me semble pas forcément au-dessus de ce qui se fait actuellement. Des images propres jusqu’à 6400iso nécessitant un peu de traitement au-delà ce qui est déjà une belle performance pour un capteur aussi défini. Je trouve le bruit similaire au a7rIII et bien mieux maitrisé que le a7rIV.

6400 iso

6400iso crop 100% 6400iso crop 100% +2IL Concernant la dynamique en haut iso, j’ai l’impression que l’on tombe plus rapidement dans « la zone rouge » que le a7rIII en augmentant la luminosité de plus de 4IL. Peut-être qu’en shootant en RAW non compressé, ce phénomène disparait? Mais c’est vraiment des circonstances très particulières.

Image d'origine (éclairage par seulement 3 bougies)

+5IL (la zone rouge dont je parle se voit bien en haut à gauche dans les ombres alors que les ombres plus au centre sont assez clean (mais je pense que c'est plus dû au Craw/raw) traitement final avec récupération du maximum de la dynamique à 6400iso Obturateur silencieux De la RAM est directement accolée au capteur permettant ainsi de minimiser le rolling shutter qui est un défaut lié à l’obturateur silencieux. Le rolling shutter est une déformation d’un objet en mouvement dans l’image dû à la lecture ligne par ligne du capteur lors de la prise de vue. Avec la ram directement accolée au capteur, la lecture de ces lignes se fait beaucoup plus rapidement limitant fortement le rolling shutter. Le Sony A1 lit 1,5x plus rapidement son capteur que le Sony A9 qui est une référence dans le domaine avec pourtant un capteur de seulement 24 mégapixel. Le rolling shutter était déjà quasi inexistant sur le A9 et le A1 fait encore mieux. Je n’ai pas réussi à le mettre en défaut pendant ma semaine de prise en main malgré les photos d’actions. Cette technologie de capteur stacké nous permet vraiment d’utiliser l’obturateur silencieux en toute circonstance sans se soucier d’éventuelle déformation. Le fait de ne pas faire de bruit lors de la prise d’image est un vrai confort d’utilisation. Dans mon domaine de prédilection, les animaux ne nous remarquent pas, les oreilles ne se dressent plus et on évite de se griller dans un affut.

Exemple de photographie animalière sans dérangement grâce à l'obturateur silencieux

Pour la photographier de reportage, cela permet aussi d’être plus discret ou de manière générale, dans tous les pratiques, on évite d’user les pièces mécaniques du rideau rallongeant la durée de vie de nos boitiers.

L’obturateur silencieux vient avec d’autres avantages permettant des vitesses d’obturation assez impressionnante de 1/32'000s pour des sujets ultra rapides (battements d’ailes de papillon, balle en sortie de canon) ou aussi pour shooter à pleine ouverture malgré une forte luminosité.

Pour les utilisateurs de flash, cela permet aussi une synchronisation du flash à une vitesse de 1/500s alors que l’on est plutôt limité à 1/125 avec un obturateur mécanique.

Le Sony A1 a tout de même un obturateur mécanique. Je ne l’ai pas utilisé car pour moi, l’obturateur électronique ne peut pas être mis en défaut en photographie « de tous les jours ». Il est cependant présent et c’est un obturateur spécialement conçu pour les exigences de haut vol du Sony A1. Un rideau en carbone avec deux moteurs pour l’entrainer permettant ainsi une rafale de 10mg/s

  Vidéo La vidéo n’étant pas ma spécialité, je ne me suis pas attardé dessus. L’appareil permet de filmer en 8K, j’ai fait une petite vidéo de chamois jouant dans une falaise. La qualité d’image est impressionnante et la résolution 8K, permet des zooms numériques en post production assez impressionnante. La vidéo 8K n’est quasiment pas limitée grâce à un radiateur passif permettant une bonne dissipation de chaleur. Personnellement j’aurais préféré avec des surchauffes en 8k après 10min mais gagner en poids sans ce radiateur passif. On a un boitier sans compromis autant en vidéo qu’en photo d’où le nom du boitier, the One.   Conclusion Pas beaucoup de points négatifs à relever ici. Les performances du boitier m’ont scotché avec des performances AF d’un autre monde. Rien de vraiment nouveau mais les fonctionnalités qui marchaient pas vraiment sur les autres boitiers comme le suivi AF sur les yeux des animaux ou la reconnaissance d’objet fonctionnent vraiment même si les conditions lumineuses ne sont pas bonnes et même si l’environnement est chargé. Cet AF n’est pas «juste» une démonstration, c’est vraiment un confort d’utilisation en plus qui augmentera votre taux d’images avec une map aux petits oignons. L’ergonomie est aussi grandement améliorée, on reste dans un gabarit compact mais tout est optimisé, nos doigts trouvent naturellement une position. Le capteur est aussi impressionnant avec ses 50mgpx, tous les détails fins apparaissent. Le bruit est bien maitrisé pour un capteur de cette résolution. Le capteur est stacké permettant l’utilisation en tout temps de l’obturateur silencieux. Les problèmes éventuels de rolling shutter disparaissent et cette technologie nous permet des vitesses d’obturation de 1/32’000s et une syncro flash de 1/500s. Toutes ces belles choses viennent à un prix : 7500€. C’est un boitier cher mais excellent sur le papier mais aussi excellent sur le terrain ! Actuellement un des boitier les plus cher du marché sans être un monobloc. Il fait mieux sur le papier que la concurrence mais les autres vont se réveiller, des annonces de développement pour le Canon R3 et Nikon Z9 ont déjà été faites! C’est un boitier qui est destiné aux pro avec des specs pour l’action sans compromis (capteur très défini de 50mgpx, 8K sans surchauffe). Il vient aussi avec tout plein d’options de connectique spécifiques aux pro qui augmentent la facture du boitier pour les amateurs ainsi que son poid.   Synthèse + Bonne montée en ISO au vue de la résolution (bruit mieux maitrisé que le a7rIV) + prise en main grandement améliorée (supérieur à un a99) + joint plus sérieux et boutons plus fermes. + une multitude de boutons paramétrables + boitier compact dans la même veine que le a9 malgré les specs « monobloc » + Rafale de 30img/sec sans compromis + Obturateur silencieux sans rolling shutter visible + AF avec un excellent suivi avec reconnaissance de sujet + Eye AF grandement amélioré détectant les yeux des oiseaux, animaux et humain même si ceux-ci sont fermés + Buffer suffisamment grand pour ne pas immobiliser le boitier sur le terrain + Nouvelle carte type A permettant de vider rapidement le buffer et accepte tout de même des cartes SD + robuste, tropicalisé, fait pour durer même s’il ne plante pas des clous comme un monobloc + Grand viseur, sans latence, sans black out permettant un suivi aisé en rafale. + Pas de compromis entre résolution (gamme R), vitesse (gamme 9) et vidéo (gamme S) : THE ONE   - Le prix même s’il est dans la moyenne des prix des flagship - On paye le prix d’options que l’on n’utilise pas forcément (obturateur mécanique carbone, double antenne wifi, connectif RJ45 avec FTP, vidéo 8K sans limite avec refroidisseur passif) - Pas de focus stacking automatisé malgrès la vitesse de l’AF et la vitesse de rafale du A1. - Pour ceux qui préfèrent un monobloc, il faut ajouter un grip au A1 - Autonomie faible comparé aux batteries dédiées aux monoblocs concurrents. - Dynamique du capteur un peu en retrait par rapport au a7rIII (à confirmer avec des tests plus poussés) - Obligé de passer par le logiciel Sony pour l’assemblage des images hautes résolutions 200mgpx   Exemples d'images prisent avec le Sony A1

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/250,  f3.5, 1600iso

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/500, f5.6, 640iso

Sony A1, 400mm f2.8 GM, 1/400, f2.8, 1000iso

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/30, f2.8, 4000iso

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/30, f1.4, 3200iso

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/400,  f1.4 , 12800iso

Sony A1, 24mm f1.4 GM, 1/80, f1.4, 3200iso

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Sur les traces du plus grand gallinacé de nos alpes: le grand tétras

Le grand tétras est l’espèce qui comprend de loin la population la plus fragile. Il est en voie de disparition dans l’arc alpin où le nombre d’individus décroit d’année en année à cause du morcellement de leur territoire. On trouve de bonnes populations dans les forêts scandinaves où les grandes et vieilles forêts bien préservées leur sont propices. On en trouve aussi dans les forêts jurassiennes mais la population est très précaire. Certains coqs deviennent malheureusement « fous », sans doute à cause de la trop faible densité de leur population et du dérangement humain. Il devient de plus en plus rare de trouver de larges forêts dans nos régions (en Suisse), quelques petites populations subsistent encore dans les forêts grisonnes. N’ayant jamais vu cet oiseau, tout commence par une phase d’apprentissage. J’écume des livres à son sujet ainsi que quelques documents trouvés en ligne. Avec les cartes de recensement de l’espèce en Suisse, je délimite les zones avec le plus de probabilité de rencontre avec celui qui est aussi appelé le « coq de Bruyère ». Je prends aussi contact avec l’ami Célestin qui a pas mal fait de recherche dans la région. Il y avait encore quelques 1800 grand tétras en Suisse avant les années 2000. La population est en chute libre depuis et ateinds le nombre tristement faible de 500 individu (source atlas des oiseaux nicheurs Suisse) C’est une espèce qui est déjà fragile, il ne faut pas que le dérangement sur le terrain ne la mette encore plus en péril. La discrétion et la préservation de leur tranquillité est une règle d’or pour le photographe ou le naturaliste. Un premier repérage pour dégrossir les zones intéressantes repérées sur cartes à lieu en octobre 2020 avec un ami photographe, Antoine. Armés de nos jumelles, après avoir passé la nuit sur le matelas à l’arrière de la voiture, nous partons sur les traces du grand tétras. Les forêts sont incroyables avec de gros arbres parsemés de clairières. On trouve même quelques traces d’ours imprimées dans de la boue gelée. Après quelques jours de prospection, on repère plusieurs zones où on a pu observer des grands tétras perchés sur les arbres. On profite du reste de la semaine pour passer quelques nuits en affût dans des tentes posées pour l’occasion, et pour mettre en boîte le profil du gallinacé. Malheureusement, en cette période, ils changent souvent de zone. Un matin, alors que je suis en affut, je vois surgir d’entre les arbres un mal qui plane dans ma direction. Il frôle l'affût avec ses 1m20 d’envergure et se pose à 2m à côté de mon affût dans les myrtilles. Je viens de vivre une de mes scènes naturalistes les plus incroyables. De la fenêtre de mon affût, j’ai pu voir de près la petite barbiche hérissée du mâle ainsi que le souffle d’air après son passage. J’ai entendu pendant plus de 15min l’oiseau se nourrir juste à côté de l'affût, totalement invisible à cause de la hauteur des plantes. Pas d’images mais des souvenirs plein la tête. On aura même la chance d’avoir la visite de la chouette chevêchette pendant que l’on faisait chauffer de l’eau pour le lyophilisé de midi. Il est temps de rentrer, après avoir dû pousser sur quelques mètres la voiture, utilisée comme camp de base depuis 1 semaine, pour la démarrer. Bye-bye les grisons, nous reviendrons à la période des pariades du tétras. Nous voilà en avril, selon la littérature, la pariade du grand tétras commence mi-avril et se termine en mai. On remet le cap vers la zone prospectée 6 mois plus tôt. Tous les cols ne sont pas encore ouverts, le temps de voyage passe de 4h30 à 5h30. Sur place, la neige est encore bien présente, impossible de monter en voiture comme en octobre, il nous faudra transporter tout le matériel à dos d’homme. Nous sommes bien chargés avec la tente, les affûts, le matériel de bivouac, les appareils et pièges photo. Trois aller/retour seront nécessaires pour amener le matériel sur les 3km et 400m+ de montée dans la neige qui séparent la voiture du camp de base. Une fois le camp de base installé, nous partons sur les spots repérés 6 mois plus tôt. Nous restons à bonne distance mais malheureusement, les coqs ne sont plus dans leur zone d’estivage. Le camp de base nous permet de passer les premières nuits sous tente, le temps de trouver les places pour les tentes-affûts. Le camp permet aussi de manger à midi avec Antoine avant de repartir chacun sur son spot. Les nuits sont bien fraîches, les températures sont négatives la nuit (environ -3°C). Après quelques jours, nous repérons grossièrement une zone avec une bonne densité de coqs. Les traces dans la neige nous aident beaucoup. Les trois doigts du tétras se voient bien et parfois on peut même voir l’empreinte des plumes des ailes dans la neige. Pour éviter le dérangement, il est évident que l’on ne peut pas faire de billebaude (se promener dans la forêt à découvert pour photographier les animaux). On ne sort pas des chemins/routes pour éviter le dérangement au maximum et nous rentrons bien avant le lever du jour dans les tentes (vers les 4h du matin) et nous en sortons vers les 12h pour y retourner vers 15h. Pour augmenter les chances d’apercevoir des tétras et pour couvrir une plus grande zone, Antoine et moi sommes en affût dans des zones différentes, toutes potentiellement intéressantes. Les matinées sont magiques, au petit matin vers 5h30 on entend des petits « pouc » un peu partout autour de nous. Le bruit ressemble à une goutte d’eau tombant dans un évier. On se croirait dans une forêt enchantée. Puis on entend les individus parader au loin. Malheureusement, les affûts restent infructueux. Les individus paradent non loin de l'affût, « juste » derrière une bosse ou « juste » plus bas dans la pente. Le terrain est relativement accidenté avec une forte pente (normal dans les Alpes), il est assez compliqué d’avoir une zone très dégagée. Un matin, il me semble qu’il chante à côté de moi. Une fois les parades terminées vers 12h, je décide de sortir de l'affût pour aller repérer les traces de l’individu entendu. Je trouve quelques crottes non gelées et des traces de parade dans la neige. Manque de chance, il y avait juste un arbre entre lui et moi… C’est très frustrant de les entendre matinées après matinées mais de ne jamais vraiment les voir devant l'affût. Contrairement aux tétras lyre où tous les individus ont leur petit territoire d’environ 50m^2, les territoires pour les grands coqs, comme leur nom, sont beaucoup plus grand : je dirais dans les 25’000m^2. Il est impossible d’avoir un affût avec une vue sur tout le territoire d’un individu à cause de la pente et des arbres, il faut donc faire des compromis et compter sur beaucoup de chance. La chance sourit à Antoine au 5ème jour d’affut, il a la chance de voir 3 individus devant sont affut avec des parades et des intimidations. De mon côté, 50m plus loin, je n’ai pas eu une seule image. Il s’avère que ce spot est une zone entre 3 territoires avec un individu au-dessus de la route, un en dessous et un sur la droite. Ce fût très frustrant de savoir que le collègue a 600 images sur sa carte et que la mienne a 0 images en 5j. Depuis ce soir-là, j'affûte sur cette zone 22h sur 24 pendant 3 jours. Les nuits sont un peu acrobatique dans la pente dans l'affut avec le sac de couchage. C’est seulement l’avant dernier jours qu’un grand tétras fait un passage devant l'affut. Il ne fait que traverser le chemin en position de parade. Je suis en rafale silencieuse et je ne lâche pas le déclencheur, je suis complètement euphorique, voir l’oiseau que j’attends depuis maintenant 6 jours. A chaque gloussement, le coq ferme sa paupière nictitiante par reflex pour protéger son oeil en cas d'attaque. Cette membrane protège et humidifie l'oeil chez la plupart des oiseaux. Chez nous, seul un petit bout subsiste dans le coin de notre oeil. La photographie animalière, c’est un peu de frustration, beaucoup de patience et de cours instants d’euphorie. 1 semaine de repérage en automne et une semaine d'affût pour un passage du plus gros et plus rare gallinacé des Alpes. Quelle joie d’avoir pris quelques photos, évidemment, j’aurais préféré en faire plus, faire plus d’images d’ambiance où l’on voit le grand tétras dans son environnement alpin, faire plus d’images de confrontation entre tétras. Mais je suis tellement content d’avoir pris ne serait-ce qu’une image ! Et même sans image, l’ambiance matinale, entendre leur chant, entendre leur vol lourd, toutes ces sensations valent déjà les heures d’attente. Il vaut mieux avoir peu d’images, même imparfaites mais en prenant toutes les précautions pour ne pas déranger l’espèce car pour moi, la photographie animalière est là pour montrer au monde la beauté qui nous entoure.      
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Spéléo hivernale

Avec la crise des vaccins et la propagation impressionnante du variant Anglais, l’Allemagne ferme ses frontières aux pays européens pour une durée indéterminée et la France exige une quarantaine et un test PCR pour tous les étrangers. Nous voilà définitivement bloqués en Suisse. C’est l’excuse parfaite pour mettre à profit ce nouveau lockdown pour découvrir de nouvelles régions à quelques kilomètres de là. Ce weekend sera sur le thème des grottes. Les alpes sont un vrai gruyère emmental, l’eau de la fonte des neiges s’infiltre dans des failles et crée des réseaux de galeries souterraines plus ou moins grandes. La diversité des grottes est remarquable. On a pu découvrir ensemble des réseaux immenses dans le Jura, des mondes immergés ou encore des failles dans des lapias. Cette fois, intéressons-nous à deux autres grottes visitées ce weekend. Une a été découverte et explorée depuis plus de 100 ans alors que la seconde est bien plus petite est a été découverte dans la dernière décennie.

Après avoir ouvert le grillage protégeant l’accès à la grotte avec la clef du club de spéléologie des Rhodaniens, nous descendons vers l’entrée de la cavité par les échelles fixes. Après avoir monté le descendeur et descendu en rappel dans le puits, on décide de faire la « petite boucle ». Il y a plusieurs itinéraires qui ont été découverts allant de quelques kilomètres à plusieurs dizaines de kilomètres. Certains passages sont d’ailleurs encore en cours d’exploration tant le réseau est immense.

Dans un resserrement s’érigent des stalagmites, certaines sont même devenues des colonnes en atteignant le sommet de la cavité. Selon l’angle de vue, on voit le reflet des stalagmites dans les petites flaques d’eau. Sans vent dans la grotte, les reflets sont comme des miroirs et paraissent irréels.

Nous voilà au bout de la première boucle, on mange en vitesse dans la grande salle avant de se mettre en route pour le chemin du retour. Une partie des galeries du retour sont inondées. Le niveau d’eau varie en fonction de la fonte des neiges. En hiver, le niveau est assez bas permettant de traverser la zone. Certains d’entre nous ont réussi à la traverser à sec mais la plupart finissent avec de l’eau plein les bottes.    

Le lendemain, on part en direction d’une grotte bien moins connue et découverte que récemment par hasard. La grotte est plus petite et n’a pas vraiment de structures rocheuses très intéressantes. Mais en hiver, avec le froid et le tirage d’air, des stalagmites de glace se forment transformant la grotte en royaume de glace. Benjamin a trouvé ces structures glacées deux semaines plus tôt. C’est avec lui et Joanna que nous nous mettons en route en espérant que ces structures n’aient pas fondue depuis. La grotte se trouve à quelques mètres du domaine skiable, Benjamin profite du magic pass pour amener les affaires de spéléo de toute l’équipe à la grotte pendant que Joanna et moi remontons les pistes en ski de rando. Pris un peu au dépourvu par une tempête de grêlon/vent, on arrive juste à temps à la grotte avant de tomber malade. Vite, sortir la veste et les gants qui étaient dans les sacs.

La grotte se resserre rapidement et ressemble plus à un toboggan avec cette neige. Les sacs sont transvasés de haut en bas par chaîne humaine. Ce sera encore plus drôle de les remonter une fois l’exploration terminée… Après s’être équipé, on commence par explorer la plus grande cavité de la grotte qui est gigantesque. Je positionne les éclairages de manière à faire ressortir l’immensité de la cavité en mettant mes compères troglodytes dans l’image pour échelle. Au fond de la grotte coule une rivière mais difficile à la mettre en valeur. Au- dessus de celle-ci, un caillou coincé entre les parois est tiens en équilibre. En faisant monter Benjamin sur le rocher en équilibre, de plus petits cailloux dégringolent et finissent dans le lit de la rivière. Les gerbes d’eau s’illuminent comme un feu d’artifice avec la lumière en contre-jour. Il est temps de remonter vers la sortie pour retrouver les formations gelées. Malheureusement, en l’espace de deux semaines, les structures ont quelque peu fondue. Mais les restent permettent tout de même quelques images avec des ambiances inhabituelles. $

Il reste maintenant à se faufiler hors de la grotte en faisant passer les kits dans les étroits passages. Contorsionné dans les trous ou au bord du vide, l’exercice n’est pas évident mais tout le matériel est à l’extérieur.

On redescent les pistes de ski équipé en spéléo de la tête au pied. On dirait un bug spatio-temporel dans les années 60' avec mon équipement Il est temps de prendre un apéro bien mérité sur le chemin du retour et se plaindre des courbatures aux bras les jours suivants ! Instagram de Benjamin, Instagram de Jolagaffe Bonne journée,
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Signalkuppe 4554m

42h à 4554m Signalkuppe: Capanna Margherita

 

Après avoir passé une nuit presque sans fermer l’œil au bivouac Rossi e Volante (3878m), il est temps de dissiper le doute. Est-ce que le mal d’altitude est une légende ou juste une coïncidence ? De plus, cette fin de semaine s’annonce très prometteuse, pas le moindre nuage à l’horizon. Sans nuage, la chaleur n’est plus retenue la nuit et les températures deviennent glaciales. De quoi tester mon nouveau sac de couchage Cumulus d’expédition avec une température confort de -25°C.

Les jours de congé sont posés, il est temps de partir pour 4 jours en autonomie dont 2 nuits sur le toit de la Suisse. Après 4027, 4164, 4195 et 4206m, il est temps de monter un cran plus haut à 4554m !

Image prise par Stéphane

Une fois le masque covid en place, avec nos sacs chargés à 19kg, on se dirige vers la station de Zermatt. L’ascension du Breithorn ayant déjà été faite depuis la station, le trajet Zermatt-Furi n’est plus à faire. On profite donc des remontées mécaniques sur la première partie puis les peaux sont collées à 1800m. La montre GPS est enclenchée et les premiers mètres de dénivelé derrière nous. Avec Stéphane, nous nous faufilons dans la vallée du glacier du Mont Rose.

Après quelques resserrements, traversées de rivière et montées de rampes en bois, nous voilà au pied du glacier. La température est passée de +3°C au soleil à -11°C. Elle ne passera plus au-dessus de la barre les -10°C pour les 4 prochains jours.

Au pied du glacier, la fonte de l’été passé révèle une grotte. On se permet un petit détour pour visiter ce palais glacé. Les températures glaciales ont transformé le sol de la grotte en cascade de glace.

Au bout du tunnel, on aperçoit le Breithorn qui nous toise du haut de ses 4164m.

Mais l’horloge continue de tourner. Si l’on veut atteindre l’étape intermédiaire, la cabane Monte Rosa avant la nuit, il faut nous remettre en route. La trace slalome entre les séracs et les crevasses et 5h plus tard nous voici au local d’hiver de la cabane de Monte Rosa.

On profite de l’altitude modérée pour passer une dernière vraie nuit reposante à 2800m. Le lendemain, on rechausse les skis avant le lever du jour pour gravir les 1700m nous séparant de la seconde cabane, la capanna Margherita.

Le ciel est trop couvert, le lever de soleil ne nous incite pas à sortir l’appareil photo. La seconde partie du glacier est moins stable, il faut bien choisir par quel côté passer pour ne pas être bloqué par les crevasses. Encordés, on traverse ces paysages incroyables avec des blocs bleu glace de tous côtés.

L’ascension continue jusque dans les nuages et perturbe notre orientation, on ne voit plus à 3m. Stéphane corrige ma trajectoire régulièrement basée sur sa montre gps pour passer par les bons cols et éviter le gros des crevasses. Voilà une éternité que nous avons quitté la cabane du Mont Rose et chaque pas devient un combat. Je m’essouffle rapidement et dois m’arrêter régulièrement pour reprendre mon souffle. Suis-je fatigué ou est-ce le manque d’oxygène lié à l’altitude qui se fait sentir ? Stéphane me dit que l’on est à 3900m d’altitude, on est encore loin des 4500 que l’on doit atteindre.

Je décide de forcer ma respiration en inspirant à fond de manière bien exagérée et ça marche. La fatigue disparaît et me voilà comme avec un second souffle.

On continue la montée qui semble interminable mais nous voilà bloqués, une longue crevasse nous empêche de continuer. On la longe pour trouver un endroit plus facile à traverser. Un passage semble faire l’affaire mais nous oblige à défaire nos skis pour continuer en crampons, c’est "vive glace".

On continue ski au dos et un court instant, le brouillard laisse apercevoir la fameuse capanna Margherita. Hourra, nous touchons au but, encore une petite centaine de mètres et nous y sommes.

Avant d’arriver au sommet, dans la pente glacée, les crampons automatiques tout neufs de Stéphane se décrochent. Ils n’ont pas bien été serrés et le voilà bloqué dans la pente dans une position bien inconfortable. Je le rejoins et lui refixe les crampons après les avoir raccourcis d’un cran. Après une petite pause pour réchauffer mes doigts, on attaque la dernière montée aux crampons et piolet nous voilà arrivés sur la terrasse de la cabane. La vue est ? blanche ? Espérons que les nuages se dissiperont pour que l’on puisse apprécier le paysage. On entre dans le local d’hiver de la cabane, quel plaisir de ne plus avoir de vent, on a l’impression de gagner 10 degrés d’un coup alors qu’il fait -17°C.

Avant de partir, on avait fait le choix de partir avec uniquement 600ml d’essence pour le réchaud au risque de ne plus pouvoir faire fondre la neige sur la fin (et donc devoir redescendre de manière prématurée). Mais le local d’hiver de la capanna Margherita est juste incroyable, une petite cuisinière avec du gaz est mise à disposition avec quelques sachets de thé.

Sans perdre un instant, la neige fond dans la casserole et les sachets de thé attendent sagement l’infusion. C’est fou la différence de mentalité de cette petite cabane Italienne avec une cuisinière, des statues de la sainte Margherita partout et une radio de secours pour 0.- la nuit !

On profite de la fin de l’après-midi pour s’installer dans les dortoirs et se réchauffer dans nos sacs de couchage. Rapidement le mal de crâne surgit, forcément, la sieste à 4550m d’altitude n’est pas si évidente même si Stephane dit m’avoir entendu dormir O:)

La sieste arrive à son terme et le mal de crâne dû à l’altitude se fait de plus en plus pesant. Il est temps de sortir du sac de couchage pour photographier le coucher de soleil. Malheureusement, on a encore la tête dans les nuages, rien à mettre en boîte ce soir. Juste le temps de manger un Lyophilisé avant de se remettre sous la couette. La nuit fut un cauchemar avec quelques dizaines de minutes de sommeil consécutives, maintenant c’est sûr, l’air est plus fin à 4500m.

Le lendemain matin, les premières lueurs du jour nous font ressortir de nos sacs. Un coup d’œil par la fenêtre pour s’assurer que les nuages ne sont plus là.

On n’aperçoit pas grand-chose mais les couleurs sont prometteuses. On superpose les couches de doudoune, enfile le pantalon de ski par-dessus le pantalon thermique et on sort de la capanna.

D’un coup, le mal de crâne, la fatigue de la montée disparaît. Autour de nous, à 360°, les Alpes. De Milan, Berne, des dents du midi à pic Visio, on voit tout.

Toutes les montagnes, même les 4000 semblent petites. La sensation de voir les montagnes depuis en haut est vraiment étonnante pour nous qui vivons habituellement à leur pied. L’effet est encore plus marqué par la mer de brouillard s’étendant dans la plaine, on se croirait en train de survoler les Alpes en avion.

La beauté du paysage nous fait presque oublier le vent qui fouette les arêtes. Des bouts de glaces sont arrachés dans les pentes raides et viennent nous fouetter le visage.

Par moment, il faut même se rouler en boule pour éviter de basculer. Avec ce vent, tout devient plus difficile, la respiration mais aussi la sensation de froid qui gèle rapidement les extrémités.

On avait prévu de réaliser l’ascension de 3 autres 4000m aujourd’hui mais il est trop risqué de tenter les sommets avec ces rafales de vents imprévisibles et violentes. On passera la plus grande partie de la journée cachés au chaud dans le sac de couchage à essayer de survivre au manque d’oxygène.

Ici un petit panorama des montagnes nous environant

On ressort affronter le vent lors du coucher de soleil.

Une fois le soleil disparu derrière l’horizon, avant de tenter quelques photos de ciel nocturne, il est temps d’allumer le réchaud à essence pour fondre de la neige et manger quelques lyophilisés. Mais avant ça, on recouvre le détecteur d’incendie avec une balaklava pour éviter de faire déplacer les secours inutilement.

Pourquoi utiliser notre réchaud à essence si nous avions un réchaud à gaz à disposition dans la cabane? C'est pour faire un test en condition réel (froid et fonte de neige) pour mieux estimer notre consommation d'essence pour les fois ou n'aurons pas une cuisinière à gaz à dispo.

Le mini croissant de lune est sur le point de se coucher aussi, il est l’heure des prises de vue nocturnes. Appuyés sur la rambarde de la cabane, il faut attendre quelques secondes d’accalmie du vent pour tenter de prendre une image pas trop floue. Le vent est tellement fort que l’appareil a failli glisser entre les moufles quelques fois.

Sur cette photo, j'ai surpris Stéphane en train de s'alléger. Pour ne pas laisser de traces, il faut creuser dans la neige puis recouvrir le champ de bataille. Il faut aussi être particulièrement rapide pour faire son affaire car il ne faut pas oublier que l'on est en proie a des rafales de vents et qu'il fait dans les -20°C.

Lorsque je parle de pollution lumineuse, j’explique souvent que la principale cause de pollution du ciel au sud des Alpes nous vient de Milan. Généralement, on a de la peine à y croire car Milan nous paraît si éloigné.

J’ai profité d’être au sommet de nos Alpes pour photographier en direction du sud. Le champ étant libre depuis ce point de vue, j’ai une vue directe sur Milan démontrant l'éblouissant éclat de la ville italienne.

Il est temps de retourner se coucher en espérant que le vent se sera calmé le lendemain matin pour que l’on puisse enfin gravir les sommets prévus. Mais la seconde nuit est pire que la première, en plus du mal de crâne, quelques nausées s’invitent m’obligeant à faire des pauses pendant la nuit en me redressant et en forçant ma respiration pour me réoxygéner. L’air est maintenant à -20°C à l'intérieur. Plus l’air est froid et moins il peut contenir d’humidité, il me faut donc me réhydrater très régulièrement pour éviter d’avoir une gorge extrêmement sèche. Évidemment, il faut dormir avec la gourde d’eau dans le sac de couchage car elle ne resterait pas liquide après 1h au froid. Le vent souffle encore plus fort qu’auparavant pendant toute la nuit, on entend des bouts de glace s’écraser contre les parois de la cabane et tout le cabanon vibre au rythme des rafales de vent. Je me rassure en disant que ce n’est pas le premier hiver que la cabane doit traverser. Je commence à comprendre pourquoi la plupart des alpinistes choisissent cette destination en été…

Au petit matin, la vue est toujours aussi splendide et nous fait vite oublier cette nuit à nous battre contre nous-même. Le vent est plus fort que jamais et on se rend à l’évidence, sur les 4 4000 prévus, nous ne ferons que le Signalkuppe 4554m qui est le sommet où nous venons de passer nos dernières 42h !

Je profite de faire un panorama à 360° du sommet de nos alpes, même 4-5 panoramas car le taux d’images floues sera élevé avec ces rafales de vent.

Tous les sommets deviennent roses sauf le Cervin. Malgré ses 4478m de haut, le Cervin est dans l’ombre d’un autre géant, le massif de mont Rose avec la pointe Dufour qui est le plus haut sommet de Suisse avec ses 4634m. Incroyable de se dire que l'on fait de l'ombre au Cervin!

Il est temps de dire au revoir à cette cabane qui nous aura été d’une grande aide dans ces conditions difficiles. J’ai porté une tente "exped" pour tenter un bivouac à l’extérieur mais les conditions auraient été trop extrêmes pour l’armature.

Le sac est compacté au maximum, les skis sont fixés au sac car la première partie doit se faire en désescaladant en crampons et piolet. La prise au vent avec les skis dans le dos est massive, la descente se fait prudemment car les rafales de vent ont tendance à nous décrocher. Les temératures atteignent maintenant les -24°C! La vue est bien dégagée et une fois quelques centaines de mètres plus bas, le vent se fait quasiment inexistant. La descente se fait sans encombre dans un paysage magnifique... C’est ce que je voudrais dire mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Pour prendre une image de Stéphane en ski avec les glaciers, je prends un peu d’avance. Je ne fais pas très attention et quelques contours plus tard, je passe sur un pont de neige qui se dérobe sous mes skis. Je ne vois rien venir, avant de comprendre ce qui se passe, me voilà couché face contre la neige. La moitié de mon torse est en équilibre sur un faible pont de neige et je sens que mes deux skis sont dans le vide ainsi que mon bras droit. A la manière d’un phoque sur la banquise, je me hisse hors de la crevasse et rampe sur le côté.

Je dois lever mon pied droit assez haut en le tordant un peu pour sortir le ski qui bloque contre les parois de glace. Me voilà sur la glace ferme, je vois que Stéphane m’observe quelques mètres plus haut. J’enlève mon sac et observe les lieux du sinistre. Après comptage, un de mes bâtons est manquant. Je me couche et rampe à nouveau près de la bouche de glace, j’observe l’intérieur de la crevasse mais je n’aperçois pas le bâton. A vrai dire, je n’arrive même pas à déterminer la profondeur du trou. Si le pont de neige n’avait pas réussi à soutenir la partie haute de mon corps, je n’ose imaginer l’état de mon corps au fond de cet abîme.

Après avoir fait le deuil de mon bâton, j’envoie un bout de la corde à Stéphane, on s’assure et on traverse la crevasse et les suivantes encordés. La descente se fera avec un bâton dans la main droite et le piolet dans la main gauche. Sur le retour, on croise des groupes faisant des descentes en héliski ainsi que quelques guides. L’un d’entre eux me demande ce qui s’est passé à mon deuxième bâton après lui avoir expliqué la mésaventure il me répond :  « des bâtons, on en fabrique tous les jours ».

Sur ce, je vous souhaite une bonne journée en toute sécurité.

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Sur les traces de l’hermine

Chaque début d'année, il était coutume de se rencontrer avec quelques amis photographes dans les plaines jurassiennes à la recherche de la faune locale. Vous pouvez d'ailleur retrouver l'ensemble des images ici. Malheureusement les rencontres en ce début d'année 2021 sont à proscrire en raison des conditions sanitaires liées au COVID-19. C'est pourquoi, cette année, ce fut en petit comité, mon ami photographe Benjamin et moi même. Il avait déjà repéré la région la semaine d'avant et avait pu observer une hermine à tête marron. Un phénomène particulier car les hermines devraient déjà être entièrement blanches depuis bien plusieurs semaines maintenant (début janvier). Bien que la neige ne soit tombée que récemment, l'hermine change de couleur de pellage en fonction de la durée du jour. Pourquoi la tête de cette hermine en particulier est restée brune reste un mystère (article de la cscf qui en parle). Je vais aller me renseigner pour en savoir plus, peut être que comme certains renards polaires, une partie des individus ne muent pas totalement (renard polaire restant brun toute l'année sont surnommés "renards bleus"). Pensez à partager vos observations d'hermines à pelage intermédiaire sur l'application NaturaList (en mode caché) pour que des études plus poussées puissent être menées. Avec les restrictions françaises liée au COVID, il n'était pas possible de dormir dans ma voiture ou de circuler de nuit. Le couvre feu en place dans la région interdit d'être hors de son domicile entre 18h et 6h. Il a fallu se lever tôt pour passer la frontière française à 6h du matin pour chercher l'hermine à l'aurore. Pour ne pas trop attirer l'attention, nous avons rouler les deux kilomètres avec une seule voiture en s'équipant du masque adapté! Nous voila parqués pas loin des champs préalablement repérés. La température dans la voiture affiche -9°C, c'est le moment d'enfiler toutes les couches pour rester couché dans la neige sans bouger pendant de longues heures. Avec toutes ces couches, j'ai l'impression d'être un bonhomme Michelin. Mais mieux vaut perdre un peu de mobilité que de devoir quitter l'affut à cause du froid glacial. Nous voila couchés dans la neige à quelques mètres du terrain de chasse de l'hermine. Les minutes passes, le jour se lève, le froid pénètre au travers des couches mais l'hermine ne semble pas se montrer. Est-elle encore là? En une semaine, elle peut avoir changé de champs potentiellement plus fourni en campagnol? En jetant un coup d'oeil par dessus mon épaule (difficilement du fait de mes 43,2 couches), j'apercois un petit point brun à une 40ène de mètres de là. Je me tourne vers Benjamin, l'hermine, elle est derrière nous! Au début, timide, elle sort juste la tête pour observer les alentours. On se tourne un peu pour être face au petit mustélidé. Après quelques minutes, elle commence à tendre, l'oreille, tourner la tête, renifler l'air. Elle passe en mode chasse, saute de trou en trou à la recherche de campagnol. C'est le bon moment pour nous de nous avancer pendant qu'elle nous calcule pas. Le soleil s'est levé, le ciel est un peu couvert diffusant la lumière. L'ambiance est juste magique! On en oublie presque les doigts et les orteilles endoloris par le froid. La magie opère, l'hermine court dans tous les sens. Plonge, disparait, soulève la croute de neige sur son passage. Elle se déplace avec une telle agilité, c'est renversant. Le nez touchant la neige, les oreilles dressées, tous les senses du prédateur sont utilisés pour trianguler sa proie sous la neige. Les campagnols n'ont qu'à bien se tenir, ils sont sur écoute! Les efforts ont payé, la voici ressortant avec un campagnol. Pas le temps de le manger, elle va le cacher dans son garde manger non loin de là et repart en chasse. Il lui arrive aussi parfois de faire des cabrioles. Des moments de folies particulièrement durs à mettre en boite de part la vitesse de déplacement de l'hermine et de son coté très aléatoire avec des changements de direction très brusques.   Je vous propose pour terminer l'article en regardant ce petit montagne de moments passés avec l'hermine: https://www.youtube.com/watch?v=tnJkYxfTLrA&feature=youtu.be Merci pour votre passage, bonne journée :=)    
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Le chamois

Le chamois, Tous le monde l'a déjà vu mais peut de monde s'y intéresse vraiment. Ses cornes sont bien moins impressionnantes et photogéniques que celles du bouquetin ou la ramure d'un cerf. Contrairement au bouquetin, il est aussi bien plus craintif et mise sur la course pour semer ses adversaires alors que le bouquetin mise plus sur la complexité du terrain. Son rut est aussi bien moins spectaculaire que le cerf ou le bouquetin. Pourtant, notre petite chèvre des alpes à pleins de spécificités bien à elle mais éclipsée par les plus gros. Finalement, le chamois reste méconnu. Je vais profiter de ce petit article pour partager mon expérience terrain avec cet animal fascinant et peut être vous apprendre deux-trois choses. Le chamois est un mammifère typiquement montagnard mais on peut le trouver en forêt à basse altitude comme il peut y en avoir au sommet des arrêtes à 3000m. Les chamois de forêt sont généralement plus trapus et plus sombres que leurs homologues des montagnes plus athlétiques. Les chamois des montagnes comme les bouquetins se nourrissent sur les arrêtes dont la neige est soufflée par le vent. Les chamois de forêt se protègent de l'hiver cachés dans les arbres. En forêt, ils ont l'habitude de frotter leurs cornes contre les arbres, la poix peut donner une apparence plus volumineuse aux cornes, il est aussi plus difficile de conter l'âge d'un individu dû à cette surcouche. Parfois cette poix mélangée aux poils peut créer de grosses boules dans leur estomac appelées bézoard, autrefois utilisées comme porte bonheurs ou comme « médicament ». Avec la modernisation la mode est plus aux cornes de rhinocéros de nos jours.

Novembre débute, les couleurs d'automne sont bien présentes ainsi que le covid...

La nature commence à se mettre en pause, les températures baissent, la durée du jour diminue et les restaurants sont fermés. Les marmottes sont cachées dans leur trou et hibernes, les reptiles et insectes commencent aussi à se faire beaucoup plus discrets. Tout semble se mettre en pause sauf pour nos amis chamois. Pour eux, c' est l’heure du rut !

Les mâles avec la barbe du dos hérissées sont aux aguets. Si un concurrent s’approche un peu trop prêt de son troupeau, il n’hésitera pas à le courser à vive allure en traversant des pierriers dans un bruit assourdissant. Le mâle dominant se promène régulièrement à travers le troupeau avec les lèvres retroussées en faisant des petits couinements pour flairer si une femelle est en chaleur. La période est très courte, il est donc vital pour le mâle d’avoir sa harde sous contrôle et éloignée de tout autre mâle pouvant profiter d’une seconde d’inattention.

   

A force de persévérance, lors d’une des prospections, le museau contre le sol, le mâle sent qu’une nouvelle phéromone se promène. Une chèvre est en chaleur, le mâle lève la tête, retrousse les babines pour identifier la femelle en question. Quelques instants plus tard, madame accepte les avances de monsieur. Rendez-vous au printemps prochain pour voir les jeunes cabris jouer dans la neige ;)

En attendant, le soleil se lève sur la hard et la rosée se met à briller de mille feux.

Ci-dessous un petit album des images en HD pour le plaisir des yeux :) http://apvl.ch/album-chamois/
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