Alpa 12 STC: Prendre le temps de prendre le temps

Prendre le temps de prendre le temps. Réfléchir à la composition avant de déclencher, vivre la scène avant de la figer. Voilà l’idée que j’avais en tête en demandant en prêt l’Alpa 12 STC. Le but étant de photographier des géants de glace glissant et sculptant le paysage alpin. La lenteur de leur mouvement collait bien avec l’esprit « slow photography » du moyen format argentique. L’appareil est visuellement très beau et bien construit avec des cadres en aluminium eloxé noir et une poignée en bois. Tout est modulaire avec des systèmes de levier. Le cadre est carré et très symétrique. Il est possible de monter la poignée, le verre de visée et le support pour le trépied dans un peu tous les sens pour photographier en vertical ou en paysage. Pour cette petite expérience, je serai accompagnée par un 23mm f5.6 qui est un ultra grand angle ainsi que le 45mm f4.5 Rodenstock. Ce sont des optiques fabriqués par Schneider Kreusach et couvrant le format 6x9. Les optiques sont aussi magnifiquement construites avec un obturateur central déclenchable avec une petite poignée câblée. Pour rester dans l’état d’esprit de l’expérience, je suis parti sur un dos argentique avec des films Kodak Ektar 100 qui saturent un peu plus les couleurs (pour faire ressortir le bleu de la glace) Il m’a fallu bien quelques dizaines de minutes pour comprendre comment mettre mon premier film dans le dos mais à chaque péloche, je me sentais plus à l’aise. Il faut dire que ma seule expérience de l’argentique, c’est une peloche 24x36 avec un leica M2. Le processus normal avec ce type d’appareil est de dégrossir le cadrage avec le viseur puis d’affiner sur le dépoli. Je dois avouer que j’ai assez rapidement lâché l’affaire de dépolis car il n’est pas évident de contrôler la netteté et surtout de bien définir les bords de l’image. Le fait de devoir à chaque fois enlever le dos pour monter le dépolis et la « chambre » est aussi très chronophage. J’étais partant pour de la slow photography mais là, c’était un peu trop slow quand même :) Tant pis pour l’option shift que je n’aurais pas l’occasion de tester car pour visualiser l’effet du shift, il faut le dépoli. Je n’ai utilisé que le viseur qui a deux cadres, l’un pour le 23mm et l’autre pour le 45mm. Ainsi, il est relativement aisé de composer et il faut ensuite faire confiance au marquage de distance sur l’objectif mais au vu des développements, ça correspond bien (contrairement aux optiques modernes…) ! Pour protéger le film dans le dos, une petite plaque en métal bloque la lumière. Pour prendre une image, une fois le ressort du déclencheur tendu, il faut retirer cette petite plaque comme un rideau puis déclencher. Le seul hic, c’est que pour pouvoir enlever cette plaque sans taper en butée contre le cadre du Alpa, il faut monter le dos à l’envers. Ça ne change pas grand-chose au niveau des photos, par contre, ce n’est pas super pratique car pour réarmer le film et pour connaître le nombre d'images prises, il faut se contorsionner un peu… Un peu dommage pour un appareil à 20k€ mais on m’a dit qu’il était plutôt optimisé pour les dos numériques. Trêve de bavardage, laissons place aux images maintenant. Les premières expositions des cristaux d’argents aux premiers photons interviennent le lendemain de la récupération du boîtier au QJ d’Alpa à Zurich. Une sympathique rivière coule non loin de là avec de belles couleurs automnales Alpa 12STC sur trépied avec le déclencheur à distance Résultat de la peloche Image scannée et traitée Puis, il est temps d'organiser la série que j'avais en tête pour ce boitier. Faire des photos dans un glacier. Mais pour l'occasion, j'ai demandé à Alyaerys si elle ne voulait pas se déguiser en "peuple primitif des alpes". Elle a accepté et l'on est monté avec son maquilleur "thousand faces" pour faire les images. J'ai aussi profité pour prendre quelques bouts de bois pour faire un petit feu (allumé avec le réchaud à gaz et laissé un peu trop longtemps dessous, il a un peu fondu (jamais faire ça, la bonbonne aurait pu péter n'importe quand...)). Ou je n'ai pas fais gaffe non plus c'est que je me suis avancé avec le trépied sans recalculer la distance de mise au point donc mon sujet n'est pas super net :S Résultat de la peloche Image scannée non traitée Images traitées Image off du Alpa Puis, vient la sortie DxD en Valais ou j'ai profiter un peu pour sortir l'Alpa et prendre quelques images lorsqu'il n'y avait pas trop de marche (c'est l'Alpa le plus léger et le plus compact mais il fait quand même son poids le pépère) Résultat de la peloche Images traitées Puis, une petite visite dans le Jura vaudois à visiter quelques cascades Je trouve l'effet flou hamilton sur le feuillage automnale des arbres très plaisant. Un résultat que l'on a pas vraiment sur le numérique je trouve. Après, il y avait une cascade super jolie mais le film était vide et j'en ai pas pris une deuxième... Du coup, j'ai juste une jolie photo du Alpa dans son environement :) Et pour finir, c'est reparti pour prendre des images dans un glacier. Il y a aussi quelques images de lac glacé sur le chemin Résultat de la peloche Alpa sur le lac glacé Image scanée et traitée Alpa dans le glacier Image scanée et traitée Bref, ce n'est pas l'appareil photo le plus efficace ni le plus léger mais une chose est sûr, on prend drôlement du plaisir à l'utiliser! Le plus excitant étant encore de recevoir les images deux semaines plus tard! Merci d'ailleur au labo Diaprint pour leur boulot. Mais malgré la super finition du boitier et de son look, je ne pense pas qu'il vaille les 20k€ mais je suis sûr qu'il doit être possible de trouver des alternatives pour un prix plus raisonnable. Une expérience que je ne regrette pas du tout et que je pense réitéré à l'avenir!
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2 nuit en bivouac sous-terre

Comment l’installation de huit échelons pour faciliter la traversée d’un passage délicat se transforme en véritable expédition de trois jours ? Toute la réponse est dans la « facilité » d’accès. Le passage délicat se trouve à 3 km de l’entrée de la grotte en question. Il faut en moyenne 5h à une personne expérimentée pour y accéder. Il y a quelques passages délicats avec des étroitures où il est nécessaire d’enlever son matériel vertical pour passer. Il y a aussi des parties partiellement inondées, boueuses et beaucoup de boyaux où il est nécessaire de ramper. De plus, le matériel que le GSR (Groupe de Spéléologie Rhodanien) va installer (échelons en métal) est lourd et volumineux. Dans ces conditions, il n’est pas possible de réaliser les travaux en une journée. Nous installons alors un camp de base à 4h de l’entrée. Nous partirons de là frais et dispo, après une nuit de bivouac en direction du passage critique. Cet accès se franchit en remontant sur une corde mais avec les crues régulières en été dans cette partie de la grotte, cette corde se dégrade très rapidement. Il est même risqué de remonter sur cette corde qui peut se casser sous le poids d’une personne. Pour ces raisons, nous préférons assurer le passage en y fixant des U en acier inoxydable dans la roche comme en via ferrata. La plupart de l’équipe entre dans la grotte le vendredi avec tout le matériel pour le bivouac et pour la fixation des échelons. Ces travaux sont organisés par le GSR.

L'équipe propre avant d'entrer dans la grotte. Chab, Joanna, Nicolas, Jules, Oriane, Christian, Flurin et Kilian

Quatre spéléologues viennent juste pour amener l’équipement lourd jusqu’au camp et ne resteront pas pour la nuit. Chacun progresse dans la grotte avec un kit faisant dans les 8 à 14kg.

Benjamin en train de peser les kits

La progression jusqu’au camp prend un peu plus de temps qu’habituellement. Une fois au campement, un groupe s’occupe de construire le bivouac. Un autre groupe apporte déjà une partie du matériel lourd le plus loin possible en direction du passage à équiper tandis que les quatres aides-porteurs repartent vers la sortie. N’ayant pas pu me libérer le vendredi, je les rejoins en fin d’après-midi et croise les trois spéléos porteurs, en sueur dans le fond du premiers puits. On fait rapidement le point de la journée, on note sur la feuille au fond du premier puits l’heure d’entrée et de sortie de chacun, données importantes en cas de secours. Je leur pique une petite bouteille d’eau et continue ma progression dans la grotte. La cavité étant un véritable labyrinthe, il n’est pas rare de se tromper de passage. N’étant allé qu’une fois jusqu’au lieu du campement, je suis bien content de croiser les catadioptres laissés par l’équipe du matin pour éviter de me perdre. Je rage un peu contre mon kit (sac de spéléo) bien volumineux qui se coince partout mais ce n’est rien comparé aux kits pleins de matériel transporté par les autres. Juste avant l’arrivée au camp, je croise Oriane venue à ma rencontre avec une trousse de secours au cas où. On grimpe le dernier bout à moitié dans une cascade jusqu’au bivouac. Là, toute l’équipe est posée tranquillement sur les tapis de sol et commence tout juste à grignoter des noix et fruits secs. Comme le reste de l’équipe, j’enlève ma combinaison pleine de boue et retire mes chaussures pour attaquer l’apéro. Pour diminuer un peu le courant d’air, on tend deux couvertures de survie pour fermer le bivouac. Une petite fiole de whisky de Jules ainsi qu’une fiole de gentiane de Nico nous réchauffent de l’intérieur. Ensuite, il est l’heure pour les fameuses crêpes souterraines dont Oriane a le secret. Une diversité de garnitures stupéfiante avec au choix : moutarde-poires, champignons à la crème, sauce tomate aux câpres, tapenade, raclette, fromage de chèvre, miel à Chab, confitures, sirop d’érable, sucre et cannelle. Même une flambée au whisky ! Il devait y avoir un kit de 12kg juste pour les crêpes.

Benjamin retournant une crêpe

Joanna vs crêpe

Oriane au flambage de crêpe

Benjamin commence a être fatigué

Pendant que certains goûtent les différentes variantes de crêpes, Benjamin ne se sent pas très bien et ronflate déjà au fond du bivouac à côté des bougies servant à sécher les chaussettes mouillées suspendues aux ficelles de la tente. Après avoir bien mangé et avoir bu 4 thermos de thé, il est temps de débarrasser la cuisine pour installer les lits. Six personnes dans 8m cubes selon Jules ; totalement dans les recommandations COVID de l’Office Fédéral de la Santé!

Arc-en-ciel de sac de couchage

Le lendemain, le réveil sonne tôt.

Benjamin, Oriane et Jules au réveil

Il est l’heure de se lever, de manger quelques flocons d’avoine et un petit thé avant d’enfiler les combinaisons bien sales pour certains voire mouillées pour d’autres. Nous devons encore préparer les kits pour la journée avec le pique-nique. Nous nous mettons rapidement en route car le chemin d’accès est long et exigeant.

Benjamin avec une draperie de méduses

Les complications commencent dès le début de la progression : une voûte mouillante difficilement contournable.

Benjamin tentant la traversée au sec

Nicolas et Benjamin arrive à traverser sans se mouiller en escaladant sur les bords mais pour les autres, c’est une baignade qui nous attend. Sur les bords au plus profond, un peu moins d’un mètre, de quoi se mouiller jusqu’au bas du slip.

La dame du lac

Dans tous les cas, je regrette vite de ne pas avoir pris les bottes car mes chaussures de montagne pèsent 4kg de plus après ce passage aquatique. Plus l’on progresse et plus les galeries se rétrécissent. On avance accroupis mais bientôt, la hauteur est telle que nous devrons ramper. Le ramping se fait sur des centaines de mètres, cela parait interminable. Au bout d’un moment, nous arrivons devant la fameuse « étroiture Benjamin » et nous devons enlever nos baudriers.

Explication sur l'étroiture

L’étroiture est telle qu’il est difficilement possible de passer avec notre équipement. On est vraiment entre deux dalles et le passage doit faire 25cm à tout casser. On se couche sur la dalle, on met les chaussures en canard (à plat), on met la tête de profile et on se laisse glisser dans l’étroiture. Ça passe tout juste mais ça passe. On se passe ensuite le matériel en faisant une chaîne. Au bas de ce passage, on retrouve le matériel lourd amené par une partie de l’équipe la veille. On poursuit la progression, toujours en rampant avec des cailloux bien pointus jonchant le sol. Même avec les genouillères, avec le temps, la douleur se fait bien sentir. Progressivement, le plafond de la grotte s’élève et l’on continue accroupis en tirant nos affaires derrière nous. Nous rencontrons quelques petits passages à grimper et à désescalader où il faut être bien attentif car un faux pas pourrait nous faire basculer trois voire quatre mètres en contrebas.  On arrive ensuite dans le réseau actif de la grotte, c’est-à-dire que ces tubes de roches sont remplis d’eau lors des crues. Cette partie de la grotte est bien plus propre car régulièrement lavée par les eaux. La cavité devient aussi plus grande et l’on peut marcher debout, quel moment incroyable d’enfin pouvoir se dresser ! Nous voilà enfin devant le passage compliqué avec le bout de corde bien usé. On sort les huit marches en acier, la perceuse, les 12 accu, la masse, la pompe à air, les brosses et la colle des kits. Malheureusement, on ne retrouve pas les bouchons d’oreilles… Benjamin attaque le premier perçage et arrivé à la moitié de trou, l’accu est déjà vide. A ce rythme, ce n’est même pas sûr que 12 accus suffisent. Heureusement, les autres accus, - plus récents -, tiennent 2-3 perçages. Le reste de l’équipe attend patiemment dans le bruit assourdissant de la perceuse. Entre notre immobilité, la température de la grotte et nos habits humides, nous ressentons rapidement le froid. Pour éviter de trop avoir froid, on met en place une petite tente de fortune avec une couverture de survie et on allume une bougie trois mèches pour se réchauffer. Une fois tous les trous percés avec la mèche de 20mm, il est temps de bien les nettoyer à l’aide d’une pompe à air et d’une brosse. Ainsi, la colle adhérera bien mieux à la roche. Une fois la colle deux composants dans le trou, il faut taper la marche en acier à la masse et attendre que tout sèche. Pour prospecter la suite, on emprunte la corde fraichement installée en faisant bien attention de ne pas marcher sur les barreaux pour laisser la colle se durcir. Le groupe se sépare en deux avec une partie rejoignant le lieu-dit de la grotte « la rivière » alors que les autres montent une pente de boue pour prospecter une nouvelle section de grotte et la topographier (faire une première). Je fais partie de la team « balade à la rivière » qui est l'endroit le plus éloigné de l'entrée de la grotte. On commence à bien l’entendre cette rivière qui résonne de plus en plus fort dans le tunnel de la grotte qui s'élargit. Après une courte balade, nous voici à la rivière. Le débit est vraiment impressionnant !

La rivière avec une cascade au fond d'où plonge le siphon. Nicolas tentant une approche

Au fond, on voit une corde noire qui remonte une cascade. Ne voulant pas trop se mouiller davantage, nous n’irons pas plus loin. Nous voilà arrivés à une rivière souterraine sortant de nulle part après 7h de progression dans la grotte ; c’est juste irréel. Mais ce qui est encore plus fou, c’est de savoir qu’avant nous, des plongeurs souterrains sont venus ici. Ils ont emmené tout leur matériel de plongée, bombonnes d’oxygène et poids pour explorer le siphon sous la cascade. Le siphon fait plus de 300m de long et ouvre sur une galerie qui continue et aboutit à nouveau sur un siphon plus court cette fois. Ce siphon ouvre sur une galerie boueuse et étroite qui ne semble pas se terminer. Personne n’en a encore vu le bout car c’est tellement engagé déjà d’arriver jusqu’à la rivière mais ensuite de traverser des siphons... Parfois, lorsque je raconte un peu mes aventures, certains me disent que je suis un grand malade et que je fais des choses un peu hors du commun mais pas du tout… Il y en a des bien, bien, bien plus tarés et les plongeurs en spéléo en font partie ! Rien qu’imaginer l’accumulation des difficultés donne le tournis.

Joanna sur le retour dans la galerie active de la grotte

Nous, nous rebroussons chemin à la rivière. On arrive au croisement où l'on s'est séparé du reste du groupe. A ce croisement, à droite la rampe de boue, tout droit le chemin du retour et derrière nous la rivière d’où l’on vient. Pour savoir si un des deux groupes est rentré, un petit cairn a été construit. S’il est détruit alors ça veut dire que l’autre groupe est déjà en train de retourner au bivouac. On s'est donné 18h comme dernier délai avant de repartir, il nous reste encore bien 1h30 à tuer. On décide de monter la rampe de boue à la rencontre de l’autre groupe. La montée est bien glissante ce qui nous fait redoubler d’ingéniosité pour augmenter notre adhérence ou s'accrocher dans les interstices de la roche de manière acrobatique. Sur les côtés, l’humidité des parois et la boue créent un paysage miniature. Comme des petits sapins pleins de neige sont sculptés en miniature.

Joanna géante à coté de la petite foret de boue

Avec de l’imagination on peut aussi voir quelques collines et des rivières qui ruissellent. Malheureusement, je n’ai pas pris un objectif adapté pour photographier cette scène miniature incroyablement détaillée. J’essaie tout de même de l’immortaliser. Oui, vous avez bien lu, je suis en train de m’extasier devant des tas de boue au plus profond d’une grotte. Je n’ai pas honte et je le redis, c’est probablement une des plus belles choses que j’ai vues, de la boue peut être vue comme un paysage jurassien avec des sapins enneigés ! Je ne cesse de m’émerveiller de tout ce que la nature nous offre. Je reviens assez rapidement à mes esprits car la suite du chemin est bien glissant. On continue notre ascension dans une pente de plus en plus raide et glissante. Ça devient un véritable challenge de monter ne serait-ce qu’un mètre sans en dégringoler 20 dans ce toboggan. Tant bien que mal, on arrive sur un petit replat et là, plus rien, plus de suite. On n’en revient pas, où est l’autre groupe ? On a bien vu une corde en montant partant dans une cheminée, seraient-ils passés par là ? La corde semblait bien sale et connaissant Benjamin de l’autre groupe, il l’aurait probablement remplacé. On ira voir en descendant si l’on voit des traces de pas. Autant il est possible d'adhérer avec les genouillères et les mains à la montée autant pour la descente, c'est mission impossible. Parfois, les prises décrochent et il faut gérer la descente au mieux. Il faut rester très vigilant car à une telle distance de l'entrée de la grotte et vu l'engagement élevé, un accident peut très vite se révéler compliqué. Ressortir avec un bras, pied ou côtes cassées est très douloureux et il est difficile d'effectuer les manipulations sur corde. Il est quasiment inimaginable de sortir quelqu'un en brancard aussi profondément dans la grotte (ce compterais en semaines d'intervention intensive). On croise aussi quelques excentriques

Petites stalactites ne tombant pas à la verticale se nomment des excentriques

Nous voilà arrivés à la fameuse corde. Nico y grimpe, jette un œil et nous dit que ça vaut pas le coup, c’est que de la boue avec un puits, pas de traces. Bizarre, où ont-ils bien pu passer ? Nous voilà de retour au croisement, le cairn est toujours là. On décide de le casser et de retourner au bivouac. On leur laisse les affaires pour équiper et l’on prend le reste. Le retour est aussi horrible que l’aller avec la difficulté en plus que les « expérimentés » en spéléo ne sont pas avec nous. On doit retourner sur nos traces selon nos souvenirs et en repérant les catadioptres qui ont été placés la plupart du temps à des endroits stratégiques.

Joanna passant devant une fusion d'une stalagmite et d'une stalactite. Une stalagmitetite?

On escalade, désescalade des puits et on traîne nos kits dans les boyaux de la grotte qui semblent interminables. Mes bras sont en feu, je vais avoir des courbatures toute la semaine, c’est sûr. Après quelques galères, nous voilà arrivés au camp de base. Il est 21h, on décide de nous inquiéter si l’on ne revoit pas le deuxième groupe d’ici minuit. Mais heureusement, ils arrivent vers 22h, juste au moment où l’on s’est bien mis à l’aise dans le bivouac avec quelques biscuits en apéro et le thé qui chauffe sur le réchaud. Visiblement, ils étaient bien partis sur la corde que l’on est allé repérer et ils sont bien partis dans ce puits plein de boue qui ne semblait pas super accueillant. Le groupe d’exploration nous confirme que c’était bien dég avec plein de boue et bien serré aussi. Finalement, pas mécontent d’être allé visiter cette rivière et avoir fait du toboggan :) Après avoir mangé un lyophilisé, on se couche assez tôt car demain on se lève aux aurores (même s’il n’y a pas vraiment d’aurore dans la grotte) pour sortir vers 14h.

Bivouac éclairé par les frontales au petit matin (les couvertures de survie deviennent translucide)

Le lendemain, on plie tout le camp, on range le bidon à caca et l’on se met en route chacun avec deux kits.

L'équipe bien boueuse avant de se mettre sur le chemin de la sortie. Lionel, Joanna, Oriane, Benjamin et Nicolas

Nous progressons lentement vers la sortie en traînant cette fois deux kits avec nous lorsque l’on rampe. À 1/3 de la sortie, on trouve Fred et trois amis à lui qui viennent dans l’autre sens pour visiter la grotte. On leur laisse deux kits qu’ils ramèneront lors de leur retour. On continue vers la sortie en se passant les kits à la chaîne dans les passages plus délicats. On arrive enfin au dernier puits ou Benjamin met un place un système de balancier pour monter 6 kits rapidement. Avec une poulie micro-traction, il se laisse descendre dans le vide et avec son poids, les sacs remontent. Et nous voilà dehors après plus de 50h sous terre pour équiper un passage risqué au fin fond de la grotte qui facilitera probablement les futures expéditions du GSR.   Merci à Joanna pour la plupart des vidéos illustrant l'article. Merci à Benjamin pour l'organisation de l'expédition. Merci au GSR pour le matériel installé et le matériel de prêt. Merci à tous les participants pour leur aide dans le port du matériel mais surtout pour leur motivation et bonne humeur! Absolument vital d'être une bonne équipe lorsque l'on reste trois jours dans un milieu aussi hostile!   A la prochaine pour de futurs expéditions
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Un Bordelais en Suisse

Habituellement, en cette période de l’année, nous nous retrouvons avec certains forumeurs d’Alpha DxD au Creux du Van. C’est devenu un peu un rituel et nous sommes en général une trentaine. Malheureusement, avec les restrictions covid entre les quarantaines imposées à l’allée et au retour ainsi qu’aux tests PCR à faire tous les 2j, il a judicieusement été décidé d’annuler la sortie.

Mais, Clément de Bordeau avait déjà pris ses billets d’avion (non remboursable) pour Genève. De quoi organiser une sortie découverte de la région dans la neige. Une belle excuse pour aller brasser les cm de poudreuse tombé ces derniers jours.

Après l’avoir récupéré jeudi soir à la gare, on monte tester les raquettes en vitesse sous des mélèzes.

 

Le jeu d’ombre et de lumière contraste bien avec le relief de l’Obergabelhorn

Obergabelhorn avec ses 4063m

Un peu à court d’idée pour le lendemain matin, je scrolle sur Instagram et voit passer une vidéo d'une cascade avec pleins de petites billes gelées formant des structures intéressantes au pied de la cascade. Je me dis que ça peut être une bonne idée d’image et comme la température avoisine les -6 en ce moment en plaine, il y a peut-être des chances d'avoir de jolies structures gelées. Malheureusement, pas de structure gelée à la cascade en question mais tout de même une chouette ambiances !

En montant l’après-midi sur le spot suivant, on fait un petit détour par les pyramides d’Euseigne. Ces demoiselles coiffées sont impressionnantes mais dur à photographier. Ce coté brumeux et neigeux aide peut-être à ajouter une ambiance plus mystique ?

Puis arrive la partie un peu plus challenge du weekend, partir en bivouac en condition hivernal. Le bulletin d’avalanche n’est pas très réjouissant, danger 4 sur 5 dans la plupart des alpes. J’ai pu trouver un coin avec relativement peu de neige fraiche (40cm) avec un danger de 3 sur 5 ce qui reste élevé pour ce type de sortie. Nous n’allons pas empreinter des pentes raides mais il y aura quelques passages avec des expo à avalanche. On s’équipe chacun d’un DVA pelle et sonde. Raquettes au pied, on progresse en direction du glacier.

Sur la montée, on croise une vieille femelle de bouquetin avec un comportement un peu bizarre. Elle ne semble pas marcher sur les arrêtes ou la neige est plus soufflée mais semble marcher avec peine dans les combes enneigées. On prend quelques images (on n’a pas vraiment pris les objectifs photos adéquats) et l’on fait un petit détour pour éviter de la déranger inutilement.

Bizarre une femelle bouquetin toute seul en période de rut. Ces derniers jours ne doivent vraiment pas être très loin…

Nous avons encore quelques km à parcourir et quelques mètres cubes de poudreuse à brasser avant d’arriver à notre destination avant la nuit !

La grotte de glace semble proche mais est encore loin… Mais à force de mettre une raquette devant l’autre, nous y sommes. Bien content de pouvoir montrer ce joyau de glace à Clément. Pour moi, c’est une des choses à voir avant de mourir (je ferais peut-être, un jour, la liste complète dans un autre article).

La grotte c’est encore effondré depuis la dernière fois. Tout un pan à l’intérieur c’est effondré recouvrant le sol d’un tapis de glaçon. C’est très esthétique mais ça indique à quel point c’est dangereux. J’étais venu la dernière fois, 1 mois de cela et cet effondrement n’y était pas !

Cet effondrement créer quelques structures originales, de quoi tenter quelques images qui changent un peu de l’ordinaire.

On profite aussi pour explorer une petite grotte annexe Un trou dans le plafond du glacier laisse entre un peu de lumière et de neige. Ca me fait penser à un sablier indiquant que le temps s'écoule dangereusement pour les glaciers qui fondront quasi tous dans le siècle

Puis vient rapidement la nuit, vite monter la tente et tenter de réchauffer les pieds frigorifié de Clément. Malheureusement, j’ai oublié que mon piezo de réchaud ne fonctionnait plus… J’ai tenté plusieurs techniques pour enflammer le gaz à base d’étincelle avec la barre en métal d’un masque covid et ma pile de frontale. Malheureusement, les étincelles produites ne semblent pas assez chaudes pour inflammer le gaz. On se contentera de quelques barres de céréale pour la nuit.

Bien tout cosy dans mon sac, je me tourne vers Clément pour lui demander s’il a aussi eu bon chaud. Visiblement, ce ne fût pas tellement son cas… Bon, il se vengera car il me faudra plus de 20minutes pour enfiler mes chaussures en cuire imbibée d’eau la veille totalement congelée ce matin… Il a tout de même fait -7° cette nuit là !

On n’a pas vraiment le temps de profiter du lever de soleil qui est de toute façon inexistant avec cette brume omniprésente.

Il nous faut plier le camp fissa car à 11h, on a rendez-vous avec Lionel Fellay et Fabrice Pettruzi pour une petite sortie raquette dans la région d’Ollon.

Une fois le tout pacté dans les sacs, on entame la descente pour réchauffer doucement mais surement les oreilles de Clément. Sur la descente, on retrouve les traces du bouquetin dans la veille et là le verdict est sans appel. Les traces tournent en rond, plus de doute, elle est bien atteinte de keratokonjonctivite.

Une maladie transmise d’individu à d’autre individu via les mouches et qui rend opaque le cristallin. Notre bouquetin a donc une vue sacrément diminuée et passera probablement pas l’hiver…

Une fois à la voiture, celle-ci ne démarre pas. Heureusement, un tracteur s’occupant du déneigement de la route nous ponte la batterie et nous pouvons rapidement descendre en plaine.

Nous nous retrouvons toute l’équipe dans la région de Villard sur Ollon pour entamer une petite sortie raquette en forêt. L’ambiance est toujours très brumeuse mais se marrie bien avec ces arbres pleins de neige.

Ici, quasiment le double de neige est tombé. Malgré les raquettes, en faisant la trace, on a de la neige jusqu’aux anches, on ne voit même pas ses raquettes émerger de la poudreuse. L’exercice de cardio parfait ! KO après 100m si on sort de la piste principale.

Après avoir photographier quelques arbres brumeux, il est temps d’aller se réchauffer au gite de Solalex en mangeant une bonne fondue ! On profite aussi pour dormir bien au chaud.

Le lendemain, l’ambiance est tout autre ! Plus de brouillard, plus de nuage, tout c’est découvert. On voit maintenant distinctement le sommet des Diablerets ainsi que le miroir d’Argentine.

Quelques dizaines de minutes avant le lever du soleil, le sommet des montagnes prennent une teinte très rosée contrastant bien avec le bleu froid des arbres de l’alpage. Un fort vent souffle sur les crêtes donnant un coté apocalyptique aux sommets.

Puis, le soleil se lève et les couleurs sont encore différente, les montagnes semblent prendre vie avec un aspect 3D impressionnant.

Une petite avalanche dévale une pente à notre gauche nous rappelant que nous sommes dans une zone à danger d’avalanche 4/5.

On devrait être protéger par l’épaisse foret faisant office de par avalanche naturel mais on n’est jamais trop sûr !

Puis, il est temps d’aller déjeuner avant de redescendre et de se quitter laisser Clément repartir au bord de l’océan !

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Spéléo 4×4 bivouac

Une sortie spéléo pas comme les autres... Pluie, neige, galère en voiture, bivouac sous terre et remontée aérienne sur corde au programme! 70mm d'eau prévu sur le weekend avec une moyenne de 3mm/h. Si ces précipitations tombaient sous forme d'eau, ils seraient exclu de partir en exploration spéléologique car le risque d'être coincé sous terre bloqué par une crue soudaine serait bien trop élevé. Mais la magie de l'hiver est avec nous, avec le froid, c'est un max de poudreuse qui nous attend. Et vous s'avez que l'on adore la poudre blanche! Pour estimer grossièrement le paquet de neige qui va nous attendre, on peut multiplier par 10 les précipitations de pluie pour un équivalent neige ce qui nous donne passé un demi-mètre de neige et 3cm de neige à l'heure. Deux possibilités s'offrent à nous dans ces conditions (en excluant le fait de ne pas y aller). Premièrement, porter tout le matos de spéléo (3 sac, environ 30kg) à dos d'homme ou en tirant une pulka sur 7km dans plus 30-40cm de neige sous la neige/pluie battante. Soit, tenter de tracer dans la haute neige avec un 4x4! Je vous laisse imaginer laquelle des solutions a été retenue. J'ai préparé cette petite virée la semaine avant en prévoyant que l'on allait sérieusement se planter dans la neige. J'ai fais fabriquer au père deux petites rampes en bois rainurées pour améliorer l'adhérence des roues. Je me suis entraîné à mettre les chaines et j'ai pris de l'équipement en corde s'il faudra crocher le vehicule. La veille du départ, on s'organise un petit apéro avec des collègues du boulot et au fils d'une discutions je leur explique que je vais surement me planter dans la neige. Ils me donnent quelques pistes pour m'aider à m'en sortir en cas d'embourbement (important pour la suite). Le lendemain, réveil aux aurores pour partir en direction du Jura Vaudois avec Oriane. Un petit arrêt au QG du SCVJ (Spéléo Club Valais de Joux) pour préparer le matériel, manger un croissant et discuter avec d'autres groupes partant sur d'autres gouffres. On parle un peu de la météo pour anticiper au mieux. Les deux autres groupes font une sortie à la journée et l'un d'entre eux sera contraint de rebrousser chemin car les passages sont trop humide. C'est aussi au local que l'on récupère le reste de l'équipe: Lucien et Bertrand, deux joyeux lurons bien expérimenté en spéléo (et alpi). On prévoit de partir sur deux jours avec un bivouac sous terre. On se réparti le matériel commun pour équilibrer un peu les poids des trois sacs. On entasse tout le matériel dans la voiture. Après une 20ène de minutes de route, on arrive devant la route non déneigée. Il est l'heure de continuer avec une seule voiture. Je suis les conseils avisé de Bertrand qui dit: "est-ce que l'on ne mettrait pas déjà les chaines avant qu'on soit trop dans la merde?".

Mise en place des chaines sur l'essieu arrière (avec des chaussures pas du tout adaptées)

Une fois les chaines fixées, quelques aller-retour sur la place pour pouvoir les tendre au mieux. Puis, on s'élance dans la fraîche poudreuse. Tous semble rouler à merveille, le premier km se fait relativement bien sans trop de grosse frayeur. Le fais d'avoir mis les chaines à l'arrière fait dévier un peu l'arrière de la voiture mais surtout, il est plus difficile de diriger. Sur un petit passage où la route est surélevée par rapport aux champs aux alentours, la voiture dévie tout doucement sur la gauche. Je tente de la ramener sur la route mais j'ai beau tourner le volant, la voiture continue son chemin hors de la route. Voila que l'on glisse sur le bas-coté et que l'on bascule complètement hors de la route. L'effet de balancier est vraiment impressionnant, je pensais vraiment que la voiture finirait sur le toit. Mais tout se passe bien, la voiture est au milieu du champ plein de neige, on ne sait pas s'il y a des cailloux qui se cachent sous l'épaisse couche de neige. A l'instinct, on remonte la pente pour revenir sur la route plein gaz. Maintenant, une chose est sûr, tout le monde à bon chaud! Pour éviter une mésaventure similaire dans un endroit moins hospitalier avec une plus grosse pente ou des arbres, on décide de changer les chaines de l'arrière de la voiture à l'avant pour gagner en maniabilité.

Bertrand en train de monter les chaines sur l'essieu avant

Plus on avance et plus la hauteur de neige augmente. La neige est très humide ce qui est l'une des pires conditions possible pour progresser. Je me jure d'investir dans une deuxième paire de chaîne car la voiture dandine dans tous les sens.

Patinage des roues avant

Une légère pente commence à se faire sentir. Il faut maintenant se reprendre à plusieurs fois pour avancer avec un peu d’élan donnant place à quelques gerbes de neige.   On avance doucement mais surement: 2-3m par 2-3m. Malheureusement, lors d'une manœuvre de recule, les deux roues coté droit se retrouvent en dehors de la route un peu dans le vide. Je n'ai malheureusement pas de blocage de différentiel sur les essieux et nous voila bloqué sous une pluie battante. Je tente la technique du blocage de différentiel "du pauvre" en augmentant le frottement sur les roues avec le frein à main pour tenter sans succès de repartir. Il est temps de sortir les planches en bois à glisser sous les roues.   Sans succès non plus, pas moyen d'avoir assez d’adhérence avec la planche pour sortir de ce pétrin. Libérer tout le châssis de la neige ne suffit pas non plus. Par hasard, j'avais mon équipement d'alpi dans la voiture et on tente même un mouflage x7 pour tirer la voiture hors du trou (ou du moins, qu'elle n'aille pas plus bas).   Mais aucune chance, même en s'y mettant à 3, la voiture ne bouge pas d'un pouce... On abat deux sapins aux alentours pour les mettre sous les roues     Mais le résultat est le même, le vehicule ne bouge pas d'un pouce et les branches de sapin se font aspirer sous les roues en moins d'une seconde. On commence vraiment à venir à cours d'idées après plus de 2h de débâcle trempé de la tête au pied en passant par le slip. On ne voit plus que deux possibilités: attendre le printemps ou demander un assistance de l'armée de l'air avec un super puma '^^ Puis, la discussion de la veille au bar me revient. Le collègue m'avait expliqué comment faire un treuil sans avoir de treuil sur la voiture. Il suffit d'accrocher une corde à un arbre et enrouler l'autre bout plusieurs fois autour d'une roue qui patine. En patinant, la roue va tendre la corde et une fois tendue, la roue en tournant va treuiller d'elle même la voiture hors du trou.   Par miracle, l'auto-treuillage marche à merveille, nous revoilà sur la route. Plus question de continuer, il nous faut faire demi tour et préparer la voiture à redescendre pour le lendemain, le reste du trajet se fera en raquette. Ne pouvant pas faire demi-tour directement sur place, on recul avec la porte du coffre ouverte sur 200m avant de tourner la voiture. Il reste plus qu'a prier qu'il ne neige pas trop pendant la nuit pour pouvoir repartir. On part avec nos 3 sac sur le dos en direction de la grotte. Je ferme la marche car ayant oublié mes raquettes, je profite que les trois collègues me tassent un peu le chemin. Evidement, on se paume un peu dans les forets. Chaque arbre se ressemble mais pas de trou en vue pour l'instant. Les zig zag continuent mais finalement, le voila, après 2,6km d'errance!   On trie les affaires détrempée du reste et on préparer les kit avec les cordes pour descendre explorer un embranchement particulier du gouffre. Ca commence directement avec un premier puits avec un fond à 75m. C'est une grotte très aérienne avec quelques passages techniques. On ne descend jamais complètement un puits mais on pendule directement dans le suivant. Lors d'un passage, il faut descendre et remonter sur la même corde, attention de ne pas s'eméler les pinceaux. Après avoir mangé un sandwich, on arrive vers l'un des premiers objectifs: la salle des seins. Le passage pour y arriver est sublime avec des concrétions et des salles immenses.

Une des nombreuses concrétions décorant le chemin jusqu'à la salle des seins

Une fois à la salle des seins, on continue notre progression pour aller équiper le puits à explorer.

Salle des seins avec Oriane remontant une paroi vers la suite du gouffre

En suite quelques passages plus serré et boueux nous attendent. Puis Lucien prend les devant et part équiper les puits suivants. En attendant, on découvre non loin de là une chauve souris en hibernation. Incroyable qu'elle soit descendue aussi bas pour passer l'hiver. Elle est juste à coté d'une petite cascade, on voit quelques goûtes en suspension dans son pelage. Il faut faire particulièrement attention de ne pas les sortir de leur état ralenti. Il faut éviter de faire du bruit, de trop les éclairer et surtout d'expirer de l'air chaud dans leur direction. Finalement, après être descendu une bonne 50ène de mètres, il nous faut faire demi-tour car le puits suivant est pris dans les eaux. Ca tombe bien car il commence à se faire tard et on a encore un bivouac à mettre en place pour la nuit! Le bivouac est installé dans la cavité dite Kolos-salle

Cavité Kolos-salle avec de gauche à droite: Oriane, Lucien et Bertrand

On installe des câbles pour faire "sécher" nos affaire de spéléo     Puis, on décide de fermer une petite zone de la grotte à l'aide de câbles et de couvertures de survie pour se créer un petit coin cosy pour le bivouac.

Perçage des trous pour les câbles tenant les couvertures de survie

Mise en place des couvertures de survie pour le bivouac de la nuit

  L'emplacement du bivouac est optimal: une pente à 20° qui nous fait glisser avec nos matelas, un plafond à 30-50cm nous empêchant de nous mettre assis, des stalactites qui te goûte dessus à intervalle régulier et une glaise ultra salissante au sol (sans parler des 98% d'humidité et des 4°C de la grotte (mon natel ne survivra pas...))! Mais ça ne nous à pas empêché de passer une super soirée et d'attaquer les crêpes à 01:00 du mat une fois tout le camp de base mis en place

Crêpes sur réchaud à gaz

La dextérité d'Oriane lors du retournement de la crêpe

  Le lendemain, il faut se réveiller, il est 9h. Le suspense est à son comble, a-t-il neigé ou plu? En cas de pluie, il est possible que nous ne puisons pas sortir en cas de crue. Mais avant ça, il nous faut se remettre dans nos combinaisons de spéléo pleine de glaise et enfiler nos chaussures détrempées. Une fois ce moment de plaisir passé, il reste le camps à démonter et tout recaser dans nos 3 sac respectifs. Il s'avère qu'il y a finalement moins d'eau que la veille dans les puits lors de la remontée! Bonne nouvelle mais il faudra s'attendre à avoir pas mal de neige à l'extérieur. La sortie est assez technique avec toutes les remontées des puits et les changement de cordes suspendu dans le vide. J'ai un peu de la peine à trouver quel éléments décrocher au bon moment et je me retrouve parfois coincé pendu au bout d'une corde et à moitier sur la suivante. Bref, mes bras sont en feu!   Après une bonne centaine de mètres de remontée, on s'approche de la sortie car on trouve de la neige sur les paroies! (et on croise aussi le bonhomme de neige construit par Lucien pendant que l'on prenait des photos) Bertrand en se rapprochant de la paroi du puits éclaire les interstices de la roche d'une lumière froide contrastant avant l'éclaire chaud de Lucien se trouvant plus haut Finalement, après les nombreux puits à remonter, les passages plus étroits où l'on a du se passer nos sacs à la chaîne, on arrive enfin proche de la surface. L'air glacial s'engouffre dans la grotte, le courant d'air gèle notre matériel, les cordes se sont rigidifiées mais ne nous empêche pas de progresser. On était complètement détrempé dans la grotte et maintenant, une fois dehors, on congèle littéralement sur place! Il a bien neigé durant la nuit, on ne voit plus nos traces de la veille. Pas de temps à perdre, on enfile les vestes laissées à l'entrée de la grotte, on met les raquettes et c'est parti pour tracer dans la poudreuse. Une fois que l'on à rejoint la route, il ne reste plus qu'a la suivre pour tomber sur la voiture qui nous attend. Nous voila arrivé à la voiture bien recouverte de neige. On se change et on empile tout notre matos à l'arrière de la voiture. Elle est dans un état pitoyable, pleine de glaise et de neige :) La descente se fait étonnamment bien, la neige fraîche ne pose pas de problème particulier, rien à voir avec la neige lourde et humide de la veille! Une sortie mythique, mon premier bivouac sous terre et mes premières grosses galères avec la voiture dans la neige, un régal! A refaire :)
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Aspirant accompagnateur en montagne

Hello à tous, Certains le savent déjà mais j'ai entamé une formation d'accompagnateur en montagne à l'école de St-Jean. C'est une formation qui a pour but de former des professionnels dans le domaine de l'accompagnement / randonnée en montagne. C'est une formation très large qui comprend évidement les aspects sécuritaires (sécurisation de passage avec cordes) avec la planification d'une randonnée, le choix d'itinéraires ainsi que d'options en cas d'imprévu, l'orientation, la gestion de crise et autre. L'autre grande partie est orientée sur les connaissances générales naturalistes allant des plantes, champignons, forêt, géologie, faune ou encore astronomie. Des thèmes super intéressants que je me réjouis de mettre en pratique lors de futures courses. Je dois d'ailleurs réaliser 200h pour pouvoir passer le brevet fédéral, je suis donc en recherche de cobayes :) Mais si j'écris cet article, c'est surtout un prétexte pour partager avec vous quelques images du module "bivouac, gestion de groupe, guide" qui a eu lieu à Taney. Une semaine dans un décor sublime, voici quelques images. Je profite du paysage idyllique pour camper toutes les nuits ailleurs dans la vallée. Une des nuits au sommet du Alamont avec un réveil humide dans un épais brouillard. Le paysage devient presque méconnaissable avec cet épais brouillard. Mais pas de soucis, toujours sa boussole sur soi pour se retrouver!   Dans la forêt, des fougères apportent un aspect mystique. Une plante très primitive, les premières dotée un système vasculaire et se reproduisant avec des spores   Puis vient le jour tant attendu de la formation, la préparation d'un bivouac ainsi que l'accompagnement d'un groupe dans un milieu difficile (au delà du T3, la limite pour un guide de moyenne montagne sans la formation spécifique T4). Le brouillard résiduel nous transportent dans des mondes comme Avatar ou les montagnes de Chine. Un aperçu de la petite course d'arrête Nous voila arrivé à l'emplacement du bivouac. Plus qu'a monter le camp de manière très rustique! Christophe a trouvé un spot sympa! Voici mon lit pour cette nuit qui s'annonce déjà magique. Nico triche un peu avec un tarp! L'alpenglow fait sont apparition <3 Il est temps d'allumer le feu de camp pour se tenir chaud L'ambiance y est magique. Les bouteilles réchauffent l'esprit! L'ambiance devient de plus en plus folle au fur est à mesure que la nuit avance! Une soirée mémorable sous les étoiles Fin en beauté au bord du feu crépitant rythmé par le chant des aspirants   J'espère que ce petit aperçu de la formation vous aura plu. Je risque de mettre à jour cet article en fonction des images faites dans les futurs modules.   A bientôt au détour d'un chemin
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Camp spéléo GSR Wildhorn

Lors du dernier article, nous avons abordé l’approche faunistique des grottes et de la spéléologie en s’intéressant aux cavités servant de site de refuge et de swarming aux chauves-souris. L’autre aspect de la spéléologie est celui de la découverte d’un monde nouveau et inexploré, où rien n’est sûr. Benjamin prépare depuis plusieurs mois un camp de spéléologie au Wildhorn. Oriane, dont vous avez déjà aussi entendu parler quelques fois par ici, se greffe au projet. Ce camp spéléo du GSR (Groupe de Spéléologie Rhodanien) durera une semaine et a pour but d’explorer de nouvelles grottes désormais accessibles « grâce » à la fonte du glacier. Au comité organisationnel s’ajoutent Dominique (président du GSR), Rémi (responsable intendance) et moi-même (responsable audiovisuel). Nous serons sur le camp toute la semaine alors que d’autres spéléologues ou amis se joindront à l’équipe d’exploration quelques jours selon leurs disponibilités. La préparation du camp n’est pas une mince affaire. Celui-ci est perché à 2850m d’altitude au pied d’un glacier sous le sommet du Wildhorn. Le temps en montagne est très changeant, notamment à cause de « l’effet de cime ». Pour y accéder, l’approche nécessite 3h50 de marche depuis le départ des remontées mécaniques des Rousses à Anzère. Il faut de la nourriture pour 5 à 13 personnes pour la semaine. Le camp de base comporte une partie cuisine, les tentes et le matériel de bivouac des participants ainsi qu’une tente principale pour les soirées animées. Le matériel technique pour la progression verticale, l’exploration et le recensement des grottes est également primordial. Cela représente en tout est pour tout 4 bidons, 4 caisses Rako, 18 kits et 14 sacs pour un total de 840kg. Les achats de produits frais sont faits le samedi, deux jours avant le début du camp par Oriane et Benjamin. Le samedi après-midi, toutes les affaires sont contrôlées, comptées, empaquetées et pesées. Lundi matin, tout le paquetage est amené au parking du départ des remontées mécaniques des Rousses. Là, les affaires sont dispatchées dans deux filets pour être amenées sur l’emplacement du camp par un hélicoptère.

Position en Y tenue par Dominique pour aider à l'atterrissage de l'hélicoptère

 

Contrôle des filets avant l'héliportage par un assistant de vol

L'hélicoptère posé sur le parking des pistes des ski d'Anzère

On profite de la première rotation pour monter nous aussi en hélicoptère.

Benjamin donnant des informations sur l'emplacement du camp au pilote

Le fait d’être sur place avant la rotation de matériel nous permettra d’aider à décrocher les filets, les vider puis les rendre à Air Glacier. Le trajet se fait en moins de 5 minutes, juste le temps d’apprécier depuis le ciel notre terrain de jeux pour cette semaine de camp. Durant la montée, l’une des conséquences du puissant séisme de 1946 se présente à nos yeux : les marques d’un écroulement dans la face sud du Six des Eaux Froides sont toujours visibles et la zone de dépôt est jonchée de gros blocs au lieu-dit des Andins.

Le barrage du Rawil vu depuis l'hélicoptère

Les éboulis dû au séisme de 1946 dans la vallée des Andins

Étant déjà sur place avant la première rotation, Rémi, vêtu d’une veste jaune, facilite la localisation de l’emplacement du camp. Il s’est levé plus tôt que nous pour nous rejoindre à pied, car malheureusement seulement quatre personnes peuvent prendre place dans l’hélicoptère.

Lapias du Wildhorn depuis le cockpit

Remi en jaune indiquant l'emplacement du camp

Sortie de l'hélicoptère

L'héicoptère repart chercher les deux filets de matériel

Les deux rotations de matériel se sont très bien déroulées. Les températures étaient froide. Cela a aidé à la portance de la machine, du fait de la densité supérieur de l’air frais. De plus, le maximum de poids autorisé pour chaque rotation était de 600kg, bien au-dessus de nos 2x 400kg.

Arrivée du premier filet de matériel 

Décrochage du filet une fois au sol

  Une fois le matériel déposé, pas de temps à perdre ! Nous nous séparons en petits groupes pour monter le campement.

Dominique rangeant le filet de transport

Vider le filet pour qu'il puisse repartir chez Air-Glacier

Rémi et Benjamin aménagent la partie cuisine alors que Dominique, Oriane et moi focalisons sur la recherche d’eau de fonte, montons la tente principale « de séjour » et installons les toilettes sèches ainsi que la douche solaire.

Montage de la table pour la cuisine

Mise en place de la bâche pour protéger la cuisine des intempéries

Encrage de la tente commune

Utilisation des vis à béton pouvant être démontée à la fin du camp

Finalisation des détails dans la tente commune par Dominique

Installation des toilettes (bidon dans une boite en bois)

Une fois toutes les parties communes montées, il est temps d’installer nos tentes individuelles. Comment les fixer à même le lapiaz ? Impossible de planter une sardine dans cette roche calcaire. Heureusement, le matériel de spéléo est là ! On sort les trois perceuse-frappeuse qui nous permettrons de fixer des vis à béton en guise de sardines.

Utilisation de la perceuse frappeuse pour les ancrages des tentes individuelles

Mise en place de la tente d'Oriane

Mise en place de la tente de Dominique

Ces vis peuvent être enlevées à la fin du camp, ne laissant plus que des petits trous dans la roche. Aucun corps étranger ne restera dans la roche. C’est une des améliorations technologiques intéressantes que nous allons également employer pour l’exploration des grottes. Toutes les cavités seront équipées avec des systèmes entièrement démontables comme les encrages Pulse de Petzl ou des vis à béton multi-monti. Ces systèmes sont utilisés uniquement pour de l’exploration. Ainsi, une fois que les gouffres sont équipés, topographiés, photographiés, tous les encrages sont ensuite démontés et cela permet de laisser les grottes aussi propres qu’au départ.

Noeud de fusion fixé par deux Pulse

À peine les tentes sont montées que la grêle s’abat sur le camp. On passe de 15°C en t-shirt à -3.5°C en  grosse doudoune et gortex. On se réfugie dans la tente principale et les premières bûches de sapin sont brûlées dans le fourneau acheté spécialement pour le camp.

Mise à feu du foyer

Le retour de flamme n'est pas sans risque pour les ciles

Apéro dans la tente commune

Repas du soir dans la tente commune

C’est quand même un luxe de pouvoir se réchauffer au feu de bois. Devant ce feu, nous discutons des aînés qui sont déjà venus explorer la région entre 1992 et 2006 et même dans les années 70 pour les plus anciens explorateurs. Avec la fonte progressive du glacier, chaque expédition a permis la découverte de nouveaux trous un peu plus haut dans le lapiaz. Nous avons pris le même emplacement que l’ancien camp de 2004-2006. Une de leur bâche et quelques lambourdes en bois ont d’ailleurs été réutilisée pour notre cuisine. Malheureusement, le reste du matériel laissé sur place n’a pas supporté le poids de la neige, l’humidité et les années. Les cordes sont usées et les mousquetons oxydés : la sécurité des personnes ne peut plus être garantie avec un tel matériel. Des bouteilles d’eau ainsi qu’une génératrice sont également retrouvées sur place. Tous ce vieux matériel sera descendu à la fin du camp afin de laisser le lieu nettoyé de toute trace humaine. Puis la grêle cesse aussi rapidement qu’elle a commencé. Le ciel se dégage et laisse place à un ciel étoilé avec la voie lactée pour le reste de la nuit.

La voie lactée au-dessus du camp

C’est bien fatigué que chaque membre de l’équipe de mise en place du camp rejoint son sac de couchage respectif.

Les nuits sont fraiches, le givre recouvre les tentes

Le lendemain, la matinée est consacrée à la prospection de grottes sur le lapiaz. D'anciens trous déjà explorés lors des précédents camps sont repérés. Pour certains, la descriptions de la cavité est sommaire, tandis que pour d'autres, une topographie, soit un dessin complet en coupe et en plan a été réalisé. Évidemment, la partie la plus motivante est de trouver de nouveaux gouffres jamais découverts car recouverts par le glacier ou cachés par des névés.

Lapias où de nombreuses cavités se sont creusées avec le temps

Les trous cachés par des névés sont d’ailleurs très dangereux car ils peuvent être des pièges pour les randonneurs ou skieurs. Certaines zones de failles avec des cavités sont marquées sur les cartes topographiques : Pensez donc à éviter ces lapiaz s’ils sont recouverts par la neige.  

Equipement du premier gouffre par Benjamin

Topographie du premier goufre. Antony au Disto et Oriane fait les relevés

Vue d'ensemble du premier goufre

Perçage pour un ancrage au gouffre dit "du Twix"

L’après-midi, les combinaisons de spéléologie sont enfilées. Les puits repérés par les anciens avec des notes telles que « avec potentiel » ou « à revoir » sont descendus pour être exploré. La neige bouchait certaines de ces grottes au moment de leur première visite, ce qui n’est parfois plus le cas avec le réchauffement climatique. Mais dans certains trous, les névés tiennent drôlement bien et finissent même par créer des bouchons de glace ! Stéphane, mon compagnon de cordée avec qui nous voulons gravir tous les 4000 de Suisse nous rejoint en fin de journée. On se lève le lendemain à 5h du matin pour faire l’ascension du Wildhorn, la montagne qui domine le camp.

Ascention du Wildhorn de nuit

En direction du sommet du Wildhorn visible tout à gauche

La traversée du glacier se fait en crampons

C’est un sommet avec une altitude assez modeste de 3250m mais qui se détache bien des autres sommets dans la région sur la rive droite du Rhône. On enfile les crampons mais on garde la corde dans le sac pour la traversée du glacier. Il n’y a aucune crevasse visible et le glacier semble « calme ». Nous montons sans difficulté, à la lueur de la lampe frontale. Nous profitons du lever de soleil avec une vue imprenable sur les Alpes. De l’Aletschorn au Mont-Blanc en passant par la couronne impériale. Une fois arrivés au sommet, chauffés par les premiers rayons de soleil, nous pouvons apprécier la vue sur le plateau suisse avec notamment les Gastlosen.

Une belle vue sur le sommet des Diablerets

Bien content d'être arrivé au sommet avec Stéphane

Sur le chemin du retour, Stéphane continue sa route en direction du canton de Berne pour avoir une correspondance avec les bus. De mon côté, je rejoins le camp en faisant un grand détour pour trouver de nouveaux trous. La roche du côté du Rawyl est un vrai gruyère avec pleins de jolies galeries à découvrir, mais ce sera pour une autre fois. Nous avons déjà repéré plus de nouveaux trous qu’explorables en une semaine.  

Exploration du trou dit "de la pipe"

Relevé des coordonnées GPS de la cavité

L’après-midi, il est temps d’explorer les grottes repérées la veille pour déterminer leur potentiel. Quatre équipes sont formées : une pour la topographie, deux pour l’exploration et une pour la prospection de surface. Dans les grottes explorées cette semaine, on trouve généralement une succession de puits descendant jusqu’à -30m environ. Certains gouffres distinctifs sont nommés directement sur le terrain par rapport à des anecdotes. Par exemple, dans « le gouffre du Twix », Oriane a laissé échapper un emballage de Twix pendant le repérage, nous obligeant ainsi à l’explorer plus en profondeur afin d’y récupérer le dit déchet. Un autre trou s’appelle « le gouffre du ballon rose » car Dominique y a trouvé un ballon rose au fond de celle-ci lors de son exploration. Une autre cavité s'appelle le gouffre de la pipe de par la forme de son entrée et aussi car Rémi a mis le feu à sa pipe lors de la pause de midi à l’entrée du gouffre.

Oriane relevant les dimensions de la tête de puit

Jeudi, les groupes sont remixés, l’occasion pour moi d’intégrer l’équipe des dessinateurs de grottes.

Descente dans le gouffre pour le relevé topographique détaillé

relevé dimentionnel du puit

Le puit vu depuis le fond. L'humidité des parois met bien en évidence les formes de la paroi.

Avec Oriane, on topographie les puits équipés temporairement par Benjamin et Anthony. La topographie des grottes se fait de manière minutieuse. Le laser de mesure (DistoX) modifié avec une boussole et d’un inclinomètre permet de déterminer la distance, l’orientation et la pente entre chaque point de mesure dans la grotte.

Mesure de la largeur d'un puit à l'aide du Disto (mesure de distance avec l'aide d'un pointeur laser rouge)

Relevé des valeurs mesurées à l'aide du Disto (direction 175,5° par rapport au Nord, pente de -77.3°, distance de 7.65m)

Mesure au Disto par Oriane

À chaque point de mesure, on note aussi la dimension de la galerie autour du points. Ces données sont notées dans un petit calepin de spéléo et un croquis de la grotte est dessiné sur papier millimétré directement sur le terrain. On avance point par point dans la cavité, Oriane devant marque le prochain point avec du vernis à ongle rouge Ferrari puis je vise le point avec le Disto et donne les valeurs à Oriane.

Les points de mesure sont marqués à même la roche par une peinture rouge

Une fois la grotte topographiée jusqu'au "cut" (fin de la cavité), la grotte est déséquipée en retirant les Pulse de la roche.

Retrait d'un Pulse

Rangement de la corde en cours de remontée du puits dans un kit

Remontée du puits

La combinaison jaune en PVC permet d'être plus étanche dans des grottes très humides

Le soir venu, les points et valeurs relevées dans le carnet sont entrés dans un logiciel qui modélise en trois dimensions les cavités.

Retransmission des mesures sur l'ordinateur dans la tente commune

Parfois, des surprises nous attendent. Par exemple, des gouffres estimés à -50m sont finalement des trous de -26m. On a tendance à estimer la profondeur des trous selon les longueurs de cordes utilisées pour la descente. Or, certains trous ont un développement plus horizontal. Il est alors intéressant de regarder le degré d’inclinaison des pentes pour mieux comprendre la morphologie des grottes visitées. En plaçant les différentes cavités dans l’espace avec les coordonnées GPS et leur altitude, il est possible de déterminer si certains gouffres peuvent se rejoindre et ainsi former un réseau de galerie. Le graal serait de trouver un collecteur d’eau principal qui traverserait tout le lapiaz. Le soir, l'ambiance est toujours bonne enfant au camp. Le planning des repas du soir est bien varié et organisé.

Préparation du repas du soir

Le petit foyer dans la tente commune permet de garder le repas au chaud en attendant d'être servi

Service des différentes portions pour le repas du soir

Vendredi matin, le jour se lève sur le camp. La semaine s’écoule à une vitesse folle. Il nous reste tellement de grottes à explorer. Je remplace Anthony qui doit redescendre en plaine et rejoint Benjamin pour équiper les puits. Armé d’une perceuse-frappeuse à accu, il fixe les amarrages.

Chaque trou est marqué avec une petite rondelle inox

insertion d'un ancrage Pulse

Selon la topologie du terrain, une main courante est aménagée. Puis, il faut se faufiler dans le gouffre et le sécuriser. Afin de sécurisé le passage pour l’exploration et la topographie, les parois sont nettoyées de tous les cailloux instables. Ce sont des kilos de cailloux qu’il faut purger, en les mettant plus bas ou en les sortant de la grotte. Cette étape est primordiale dans l’exploration d’une grotte car tout est en équilibre et le moindre caillou peut vous désarçonner, rendre invalide ou vous tuer sur le coup. Malheureusement, certains cailloux ainsi déplacés viennent boucher les passages plus étroits en profondeur et nous obligent à rebrousser chemin. Malgré le nettoyage effectué, il faut sans cesse observer les environs pour déceler de potentiels dangers. L’alternance gel – dégel au fil des saisons a tendance à ouvrir toujours plus certaines fractures, ce qui fragilise la roche. Heureusement peu d’accident à déclarer au cours de la semaine, si ce n’est un ou deux doigts un peu écrasés dans la précipitation des explorations. Il y a eu quelques « close call » par exemple lorsque, en posant le pied sur un caillou que je pensais stable, celui-ci s’est décroché en direction de mon coéquipier. J’ai alors juste pu le plaquer contre la paroi du puits et ai réussi à le maintenir le temps que Benjamin se mette plus ou moins en sécurité après que je lui ai braillé « planque toi !». Le rocher, avec les ricochés dans le puits, ne lui passa pas bien loin… Comme expliqué plus haut, les puits sont équipés avec le système d’amarrage démontable Pulse. Ainsi, une fois la topo terminée, la grotte peut être déséquipée sans laisser de traces.   On profite d’équiper un joli puits pour faire descendre Rémi dans un bougan.

Installation d'une main courante pour un accès facilité au puits

Le bougan est sa manière de dire gouffre dans le patois d’Isérables. C’est d’ailleurs ainsi que nous nommons ce trou. Rémi est monté toute la semaine pour s’occuper de l’intendance du camp et profiter de la bonne humeur de l’équipe. Contrairement au reste du groupe, il n’est pas vraiment spéléo dans l’âme mais une petite descente sur corde dans un bougan est tout de même un passage obligé.  

Descente dans le bougan par Remi

Rémi a passé toutes les nuits de la semaine contre vents et marrées, ou plutôt contre grêle et températures glaciales sous sa tente en carrés militaires.

Tente tarpe en carré militaire

Remi défaisant ses chaussures à la lueur d'une lampe à pétrole avant de se glisser dans le sac de couchage militaire

Il a monté les 1100m jusqu’au camp avec les anciennes chaussures de ski de l’armée. Dans son quotidien, il n’a pas de télé, smartphone ni d’ordinateur, il faut lui envoyer des lettres à la place de mail. C’est vraiment un personnage qui inspire le respect dans un monde où tout s’emballe et où le futile remplace l’utile. Profiter de la vie, simplement. Un grand merci à lui qui a su transmettre sa philosophie de vie dans ce camp inoubliable ! Sans lui, pas de gnocchi avec sauce mijotée pendant 3h, pas de permanence radio en cas de problème et surtout pas la même ambiance.   Au fur et a mesure que la semaine s'écoule, de plus en plus de monde viennent nous rendre visite. De 5 nous voila maintenant 13. Des tentes s'ajoutent au camp.

De nouvelles tentes se sont ajoutées au camp au fil de la semaine

Le camp au petit matin avec la cuisine à gauche et la tente commune à droite

Les premiers rayons réveillant les spéléo

Une vue d'ensemble sur tout le camp ainsi que de nombreux 4000m

Le soir, dans la tente commune, le poêle à bois nous réchauffe.

Repas du soir dans la tente commune

Attention, interdiction d’y mettre du charbon de bois au risque de faire fondre la tôle, nous met en garde Dom. Il n’y aura pas besoin de charbon pour le rendre rouge vif.

Le poele devenant légèrement incendéscent lorsque le tirage est trop grand

Tirage à fond et quelques bouts de sapin et voilà qu’il éclaire la pièce de son rouge sombre. En fin de soirée, en plus du poêle, le génépi de Chab nous apporte aussi un peu de chaleur. Les matins suivants, je profite des premiers rayons de soleil pour faire quelques vols avec le drone et profiter du lever de soleil sur le lapiaz.

Lever du jour

Lever du jour avec une vue sur le lac et la cabane des Audannes

Pendant ces petites balades en dehors des sentiers battus, il n’est pas rare de trouver des munitions DCA tirés par l’armée.

Munitions DCA trouvées dans le lapias

La plupart des pièces sont encore intacts. Sûrement qu’ils ont atterris dans l’épaisse couche de neige ou dans le glacier lorsqu’il était plus en aval. Les munitions ayant touchés la roche ne ressemblent plus à grand-chose. On en ramène une bonne vingtaine par jour au camp. Un matin, je suis revenu avec 19 pièces rajoutant pas loin de 20kg à mon sac. Pas de panique, ces ogives-là sont inertes, elles sont faites pour traverser la carlingue des avions par inertie. Cependant, restez vigilants et dans le doute ne touchez pas aux munitions de l’armée, il vaut mieux les avertir directement. Je ne suis pas le seul à me lever le matin. Parfois, on peut entendre la flûte de Chab au loin chanter l’hymne des montagnes.

Chab enchantant le lapias d'une douce mélodie

Il est aussi possible de croiser Oriane en train de dessiner le camp et les montagnes aux alentours.

Croquis sur le terrain

Oriane esquissant la vue depuis le camp

Après le petit déjeuner et un court débriefing, les équipes pour la journée sont reformées et chaque groupe part augmenter les connaissances souterraines de la région. Certains gouffres nous réservent des surprises, comme ceux où il pleut à nous mouiller jusqu’au slip.

Gouffre pouvant être humide avec la fonte des névés et du glacier

Dans d’autres, l’humidité et les températures glaciales transforment notre souffle en vapeur.

Le souffle du taureau

L'air expiré condence rapidement

Dans d'autres encore, ce sont carrément des glaciers sous-terrain ou de dangereux névés suspendus qui nous attendent.

Glacier suspendu

Justin passant par dessus la glace en suspension

Dans d’autres grottes, on trouve beaucoup de cristaux de calcite.

cristaux de calcite trouvé dans une veine souterraine par Oriane

La calcite est le principal élément constitutif des roches calcaires et des coquillages ou microfossile qui la composent. Mais elle peut aussi se manifester à l’état pure sous forme de petits cristaux blancs ou transparent.

cristaux de calcite rétro-éclairé dans une grotte

Ces cristaux parviennent souvent à se former dans les failles des roches calcaires. Plus la faille est grande, plus il aura de place pour former de beaux et gros cristaux. S’il se trouve à l’étroit, il ne forme que des lignes blanches dans la matrice grise du calcaire. Contrairement au quartz qui frome des cristaux hexagonaux, la calcite prend le plus souvent la forme de parallélépipède. Elle est aussi généralement moins transparent. Il existe cependant des formes très pur quasiment transparent. Lorsque c’est le cas, la calcite a des propriétés de diffraction étonnante de la lumière : il peut dédoubler des lignes ou générer localement des « arc en ciel ». Des fossiles de coquillages et d'huîtres abondent souvent au sein de la matrice rocheuse. Il me semble même avoir vu des ammonites mais Elme, une géologue de passage au camp, pense plutôt à une sorte de crevette. Mais comment se fait-il que ces animaux marins se retrouvent à 2900m d’altitude au pied d’un glacier ?

Différentes couches de calcaire sédimentaire superposées

Il y a plus de 250 millions d’années, la Pangée, un super continent, sortait des eaux. Dans notre région, l’océan Téthys naît de l’espace libéré par deux plaques tectoniques divergentes, à la suite de la dislocation de la Pangée. Sous l’océan, dans les zones peu profondes, non loin des continents, la vie grouillait avec des mollusques et coquillages de toutes sortes. Ils naissent, folâtrent, traficotent et meurent. Les débris de coquilles s’empilent dans les fonds marins formant ainsi des strates ou autrement dit, des couches sédimentaires. Les récifs de corail dans les eaux les moins profondes sont aussi responsables de la formation de grands bancs calcaires. Puis le mouvement des plaques s’inverse, une phase de convergence commence. Avec le temps, la plaque tectonique du continent Africain se rapproche du continent Européen. L’océan se referme gentiment. Il y a 40 millions d'années, l’océan Téthys est rayé de la carte. Les couches calcaires déposé sont alors comprimé et pris en sandwich et se voit progressivement soumis à des conditions de pression et température élevé. Cela a pour effet de cimenter et consolider la roche calcaire avec les résidus d’animaux marins. Cette consolidation du calcaire s’apparente en quelque sorte à la cuisson d’un gâteau au four (un peu comme les gâteaux qu’Anthony nous a amené mardi soir :P ). Lorsque la contrainte devient trop forte, ces unités calcaire glissent comme un savon serré dans la paume d’une main et sont étalées sous forme de nappes (Un peu comme si on étal le nutella sur la tartine lors du déjeuner au camp du Wildhorn). Ces roches sédimentées aux abords du continent Européen et aujourd’hui empilé et érodé au Nord des Alpes centrales constituent les nappes dites Helvétique. En tout, trois nappes se sont empilées les unes sur les autres : la nappe de Morcles, celle des Diablerets et au sommet celle du Wildhorn. Au cours de leurs formations, les Alpes ont été soumis à l’érosion, mettant ainsi au grand jour ces unités Helvétiques avec le relief tel qu’on le connait aujourd’hui. Autant dire que ces coquillages fossilisés qui se trouvent maintenant au sommet des Alpes sont bien loin de leur fond marin d’origine.

Fossiles emprisonnés dans la roche calcaire

Fossiles exposés à la lumière du jour après un incroyable voyage sous-terrain

Tout cet immense versant calcaire, que nous avons exploré, a été sculpté par le glacier et les eaux. Le glacier provoque une érosion dite ‘’mécanique’’ : elle polit la roche, arrache des blocs et surcreuse des vallons. L’eau quant à elle provoque surtout une érosion dite ‘’chimique’’ : le gaz carbonique présent dans l’atmosphère se dissout dans l’eau et forme avec cette dernière de l’acide carbonique, un peu comme dans les bouteilles d’eau gazeuse. Or cet acide carbonique a la capacité de dissoudre la calcite, minéral essentiel des roches calcaires. Ainsi, lentement mais inlassablement, l’eau va petit à petit creuser en surface des cannelures, rendre la roche très abrasive et parfois même coupante. Il faut faire attention de ne pas glisser sur cette roche au risque de s’ouvrir un genou ! Mais cela ne s’arrête pas en surface ! Pour le plus grand bonheur des spéléologues, cette eau peu s’infiltrer à travers les fractures préexistantes, agrandissant au sein de ces dernières des passages. Cette eau peut aussi se glisser entre les couches de calcaires et provoque ainsi l’apparition de galerie orienté en fonction de la disposition des couches géologiques. Les couches de calcaire de la région sont disposées avec une certaine inclinaison et sont coupées de toutes part de failles verticales. Il en résulte une prédominance de puits subverticaux avec quelques passages plus ou moins horizontaux.

Calcaire lissé par le glacier, creusé par le ruissellement avec des petites veines blanche de calcite. Des plantes pionnières commencent aussi à coloniser ce terrain récemment libre des glaces

Sachant que la présence humaine ne représente qu’une fraction de seconde à l’échelle géologique (3 million d’années), nous sommes bien peu de choses en foulant les lapiaz chargé d’une telle histoire… Oui, je suis conscient que j’aurais dû expliquer la formation des lapiaz en début d’article mais avouez que vous aurez décroché, non ? D’ailleurs est-ce que quelqu’un lit encore l’article ? Si oui, alors sache que tu es le meilleur 😊 Puis, il est temps de ranger le campement en prévision de la descente du matériel en hélicoptère le lundi.

Démontage de la tente commune

Dévissage des vis à béton par Chab pour ne laisser aucun corps étranger dans la roche

Retournement de la tente pour la faire sécher au soleil

Centralisation du matériel

Pour résumer, une superbe semaine d’exploration à la recherche de gouffres fraîchement mis en lumière par le retrait du glacier. Une super ambiance de groupe sans accident majeur. Une organisation au poil avec, pour résultats, des cartes augmentant notre connaissance du monde souterrain encore largement méconnu.

L'équipe d'organisation du camp en image. De gauche à droite: Lionel, Dominique, Oriane, Benjamin et Remi

Merci pour votre patience et votre lecture. Un grand merci à tous les organisateurs de cette superbe semaine: Benjamin Roh, Oriane Albanèse, Dominique Preisig et Remi Jacquemettaz. Un grand merci aussi à tous les participants qui sont venu sur le camp: Chab Lathion, Fred Bétrisey, Anouk Athanasiades, Louis Stählin, Ludo Savoy, Elme Rusillon, Stéphane Weissbaum, Justin Worni, Frédéric Worni, Armand Bassin et Antony Salamin. Merci aussi au soutien financier du Groupe de Spéléologie Rhodanien Merci au relecteur : Benjamin, Oriane ainsi que Anthony pour la partie géologie A bientôt pour d'autres sorties underground!  
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