Glacier d’Aletsch
Le temps s’annonce radieux pour le weekend. De quoi réfléchir au prochain 4000
Toujours dans l’idée de rendre la chose plus amusante, nous cherchons une nouvelle complication. Pourquoi pas faire un 4000 en 3 jours avec 2j d’approche pour l’Aletschhorn? Faire une mini expédition avec installation d’un camp de base?
C’est décidé, le vendredi est posé en congé et on décolle pour la première étape. Un gros morceau, 15km et presque 1800m+ à faire pour rejoindre la cabane Hollandiahütte où l’on passera la première nuit.
L’avancée est pénible, 30cm de neige sont tombés. Le manteau neigeux est instable au début (le fameux Wouchh) mais se stabilise plus haut. Le circuit que l’on a choisi est volontairement assez « safe » coté avalanche (danger niveau 3/5 lors de la montée)
Le départ se fait depuis Blatten. On met les peaux et on traverse le fameux petit village de Kühematt avec sa petite chapelle que l’on retrouve sur de nombreuses peintures dans la région.
Le chemin continue de longs kilomètres durant sur la piste de ski de fond jusqu’au village de Fafleralp ou le chemin cessent. A nous de faire la trace dans les 30cm de neige fraîchement tombée.
La première pause se fera au départ du glacier Langletscher.
De quoi faire la pause de midi à l’ombre
C’est aussi le moment d’enfiler le baudrier car la suite se fera sur glacier avec des risques de chute dans des crevasses.
Le soleil tape fort, la neige commence à devenir lourd. Chaque pas se fait de plus en plus pénible et le glacier ne semble jamais s’arrêter. Son nom « Langgletscher » ne vient surement pas de rien…
Le soleil commence à disparaître derrière l’horizon tout comme mon énergie. Stéphane me motive tout de même et me traîne jusqu’au sommet du col juste à temps pour voir les derniers rayons lécher les pointes des cimes.
Image par Stephane
La vue est juste splendide. On distingue au fond la Konkordiaplatz, le centre où tous les glaciers se rencontrent pour donner naissance au plus grand glacier des alpes, le glacier d’Aletsch.
Avant que la nuit ne soit trop avancée, il nous faut encore faire les derniers mètres pour rejoindre la cabane, la Hollandiahütte. Après avoir détourné une crevasse, nous y voici, le local d’hiver nous tend les bras.
On s’étale et on se met à l’aise. Il semble faire chaud à l’intérieur ainsi protégé du vent. Nos thermomètres nous diront plus tard qu’il faisait quand même -9°C…
En attendant de faire fondre de l’eau pour manger de la semoule, on retourne dans le vent faire quelques images des montagnes sous les étoiles. Sur la droite, on voit notre objectif du weekend, l’Aletschhorn du haut de ses 4195m
Le réveil sonne, il fait -1°C dans la cabane, il faut se remettre en route. Le but du jour est de s’approcher autant que possible de l’Aletschhorn pour y installer un camp de base avant l’ascension. Il nous faut faire tout le tour soit plus de 18km.
On se prépare, remplit les gourdes d’eau fondue pendant la nuit et prépare les sacs et ajuste les battons
Et on oublie pas de noter notre passage sur le cahier de bord ainsi que donner notre destination (et payer).
Au tout début, la pente est suffisante pour esquisser quelques courbes à ski. On passe juste un peu plus bas que la veille pour passer sous la crevasse que l’on avait repérée.
On est déjà à la bourre, on pensait être à la Konkordiaplatz pour le lever du soleil. La vue est juste splendide, la galère de la veille est déjà oubliée!
C’est parti pour un long faux plat interminable. C’est une pente à 1% mais impossible de se laisser glisser, la pente est trop faible et la poudreuse trop dense.
Nous voila sur le plus long glacier des alpes. On essaye de rester à bonne distance des chaines de crevasse se trouvant tantôt à droite, tantôt à gauche et tantôt partout.
Le soleil tappe de plus en plus, le thermomètre de poche atteint même les 15°C. La neige devient très lourde et des coulées se déclenchent spontanément autour de nous. Clairement les conditions ne sont pas bonnes pour la neige (ni pour nous avec nos beaux coups de soleil). On arrive dans la vallée pour approcher l’Aletschhorn. La décision est dure à prendre, la journée est bien avancée et les conditions sont trop dangereuses. Notre expédition ne passera plus par 4195m mais se cantonnera à la traversée dans la longueurs du plus grand glacier des alpes ce qui est déja un beau challenge en soit…
On cherche un point un peu surélevé pour installer le camp de base avec si possible une jolie vue sur le glacier pour le lever et le coucher de soleil.
Pendant que l’on creuse le trou et construisons le mur de neige pour se protéger du vent, pas moins de trois coulées avalancheuses se déclenche dans la vallée du sommet. De quoi nous réconforté sur notre bonne décision. On passe le reste de l’après-midi dans la tente à se protéger du soleil caniculaire. Le coucher n’est pas bien intéressant, le ciel étant totalement dépourvu de nuage. On passe la soirée à faire fondre de la neige sur le réchaud et à déguster des pattes bolognese lyophilisée.
Au petit matin, le réveil sonne. Un petit coup d’œil par l’ouverture de la tente, les nuages sont déjà légèrement mauve alors que le lever de soleil est seulement dans 1h. Ca indique un lever de soleil prometteur. On se montive, enfile les chaussettes glacées. Le ciel prend des couleurs vraiment particulières, de quoi prendre quelques images de la tente.
J’arrive même à motiver Stéphane à pointer le bout du nez à l’extérieur contrairement à la veille
Image par Stephane
Le ciel devient de plus en plus rose et derrière nous les nuages prennent des couleurs. Stéphane me lance en rigolant: l’Aletschhorn doit être bien éclairé maintenant. Il faut savoir que l’on a pausé la tente un peu plus loin que la vallée du sommet nous empéchant de le voir. On me le dit pas deux fois, me voila au pas de cours en train de dévaler la poudreuse à pied sur plus de 600m pour prendre en photo l’Aletschhorn que l’on ne voyait pas.
Le sommet que l’on ne fera pas aujourd’hui se tient fièrement devant moi, me narguant du haut de ses 4195m.
Je me retourne et n’en crois pas mes yeux. Le ciel devient de plus en plus dément, tout devient rose. Me revoila en train de recourir dans la haute neige jusqu’à mi-cuisse pour rejoindre la tente et faire les compositions imaginées plus tôt. Plus je monte et plus le ciel devient fou, absolument tout est rose, à l’oeil la neige ressemble plus à de la barbapapa. Le doute s’installe en moi, serais-je assez rapide pour remonter et prendre les images avec ce ciel?
Me voila presque en haut, Stéphane mitraille déja
Je m’avance sur mon promontoire à bout de souffle et commence à prendre mon panorama avec les crevasses du glacier en premier plan. C’est juste magique!
Le ciel s’éteint aussi rapidement qu’il c’est embrasé. Le feu s’est étendu sur des kilomètres, un collègue sur St-Gall m’envoie des images de ce ciel quelques minutes plus tard. Vraiment des conditions exceptionnelles.
Pas de quoi trop s’attarder. On ne fait certe pas l’ascension du 4000m mais une des parties les plus techniques de la traversée nous attend. Il nous faut rejoindre l’autre coté de la vallée alors que le glacier est un vrai Gruyère. Les températures vont rapidement augmenter rendant les ponts de neige sur les crevasses plus instables.
Le glacier est vivant, il coule dans la vallée. Les chaines de crevasses se déplacent telles des vagues au fil des années. Il n’y a pas de trace ou de route pour traverser le glacier tout le temps changeant. En bref, il faut nous fier à notre instinct pour trouver le chemin vers l’autre bout tout en espérant qu’il y en ait bien un. Le doute s’est emparé de nous lorsque l’on est arrivés dans un cul de sac. Impossible de continuer, le terrain est miné de partout, bien trop dangereux. Il nous faut repartir sur nos pas pour trouver une autre voie. On voit d’ailleur notre détour sur la carte gps de la sortie.
Plus d’une fois, il nous faudra traverser des ponts de neige surplombant des crevasses. La corde bien tendue et l’équipement prêt pour le pire. Si on avait un doute sur la solidité d’un pont de neige, on met en place un ancrage. L’ancrage consiste à enneiger un piolet profondément dans la neige gelée perpendiculairement à la direction de marche. La corde solidement fixée autour du piolet, en cas de chute, le piolet se « plante » sous la neige et assure le malheureux au bout de la corde de ne pas s’écraser au fond de la crevasse mais de seulement être suspendu dans le vide après avoir fait du ping pong contre les parois de glace.
Mais bon, nous avons choisi la bonne route, tous les ponts ont tenu et nous n’avons pas eu besoin de mettre à profit nos ancrages… Secrètement, je rêvais de ne plus pouvoir avancer et de devoir prendre l’élan pour sauter par dessus une crevasse piolet à la main 🙂
Nous voila de l’autre coté, enfin sur la terre ferme. On peut se désancorder et remonter les derniers 350m pour rejoindre les pistes de ski de Bettmeralp. Là, un fanclub nous attendait, plus d’une vingtaine de personnes nous regarder monter. A moins qu’ils apprécient la vue sur le glacier d’Aletsch peut-être?
Une sortie pas totalement comme prévue. La montée sur le 4000 à été remise à plus tard car les conditions étaient trop dangereuses et le timing trop juste. Mais cette expédition sur trois jours aura tout de même étaient magique. Des paysages incroyables, une course de plus de 50km sur le plus grand des glaciers des alpes et une expédition de 3 jours sans croiser personne en plein weekend d’hiver en haute saison de ski!
Simplement grandioses. Merci pour ce magnifique reportage. On vit l’aventure avec vous. On attend la suite
C’est vraiment grandiose. Magnifiques photos
Quelles couleurs ! !
Et bien commenté
Ça fait rêver…