Dom 4545m

Un nouveau défi, le Dom. Le Dom est le plus haut sommet entièrement en Suisse avec ses 4545m, c’est donc un sommet très symbolique.
Départ de Randa à 1400m d’altitude. Déjà là, on peut se rendre un peu compte du dénivelé qui nous attend :O
On prépare nos sacs, on se réparti naturellement le matos, Steph prend la grosse corde principale et moi la corde secondaire ainsi que la tente et le réchaud à gaz. On met nos sacs bien chargés sur le dos et on commence notre ascension dans une chaleur suffocante en ces temps de canicule. Je ne saurais pas trop dire si je transpire de l’eau salée ou de la crème solaire mais la texture n’est pas des plus agréables. Heureusement qu’une bonne partie de la montée se fait en forêt ou le soleil tape moins fort.
Après 600m de montée et avoir dépassé quelques petites familles venues marcher, on arrive à l’une des hightlite du coin, la Charles-Kuoenen Hangebrücke. Ce pont suspendu est (ou été?) le plus long pont suspendu des alpes. C’est vraiment impressionnant avec ses 500m de long (494m). Elle parait un peu posée là pour « le record » car le gain de temps avec le chemin longeant la combe ne semble pas énorme. Quoi qu’il y a quelques éboulis de pierre, le passage par le pont suspendu est assurément plus safe. On doit ralentir un peu notre progression pour laisser les familles sur le pont terminer leur selfi. La traversée de la passerelle me fait remonter des souvenirs du Népal ou ce type de construction était courant pour traverser des passages régulièrement dévastés par les crues des moussons.

Pont suspendu de Randa

Une fois le pont passé, le style de randonneur change drastiquement. Les battons de marche laissent place au piolet et la casquette cède sa place au casque. Le chemin d’accès à la Domhütte se corse un peu. Heureusement, le chemin est bien aménagé avec de nombreux câbles et échelles, peut-être un peu trop ? On se croirait dans une via ferrata ‘^^
Arrivé à la cabane à presque 3000m, un pano de signalisation nous indique que le Dom se trouve droit devant nous, nous voilà soulagé de ne pas avoir fait ce chemin pour rien 🙂 Mais ce pano indique aussi qu’à l’opposé du Dom se trouve le Weisshorn à 8km (à vol d’oiseau). Il indique aussi la direction et la distance du Fitz Roy, une montagne que j’espère bien voir un jour ainsi que le reste de la Patagonie <3 Pour remettre une couche sur les souvenirs Népalais, le panneau de signalisation montre indique aussi qu’a 6300km se trouve le sommet des Annapurna que j’ai pu admirer depuis l’ABC!

Mais pas le temps de procrastiner, enfin si, on boit quand même un bon petit thé maison pour s’hydrater sous ce soleil de plomb. A 3000, une petite brise se levant nous force même à nous couvrir les bras d’un coupe-vent. On profite d’une photo dans la cabane pour étudier la suite de notre parcours. On demande aussi à la tenancière de la cabane qu’elles sont les conditions pour la voie que l’on a prévues. Pour ne pas faire un aller-retour sur le même parcours, on pensait monter par l’arrête Fest-Grat puis redescendre par la voie normale sur le glacier. Selon ces retours, personne n’a fait cette arrête ces derniers jours. Elle nous dit qu’il faut nous attendre à un passage avec 60m de vive glace, qu’il faut prévoir pas mal de broche à glace pour s’assurer. En plus, il vient de neiger la veille, les conditions sont pour le moins hasardeuses. On verra une fois sur place si on passe par l’arrête ou si l’on choisira la version plus safe. Dans tous les cas, on devrait pouvoir le faire avec nos 5 broches à glace, crampons et piolet.
Mais il nous faut reprendre la route, non le chemin, non, à partir d’ici, il n’y a plus vraiment de chemin… Pour gagner du temps sur la journée de demain, on pousse l’ascension aussi haut que possible mais avec le moins de difficulté que nécessaire. On profite des derniers retardataires descendant du Dom pour leur demander les conditions. Visiblement, il y a pas mal de slalome a faire entre les crevasses et c’est un peu « heikel » avec la neige qui fond avec cette chaleur.
Par la force des choses, on arrive sur le glacier, on s’encorde et l’on installe les crampons sur les chaussures. On se met en route en suivant les traces des alpinistes que l’on a croisé. La fine couche de neige tombée la veille rendu le glacier tout blanc immaculé mais ce n’est largement pas suffisant pour recouvrir les crevasses. Avec la chaleur de ces derniers temps, les crevasses sont bien visibles et immenses. Je n’ai jamais vu d’aussi large, longues et profondes crevasses. Une petite image avec Stéphane pour montrer la démesure de ces crevasses.

Plus on avance et plus l’on voit l’arrête que l’on va devoir grimper au petit matin. Ce n’est pas tant l’arrête qui m’inquiète mais plutôt son accès. Il va falloir que l’on parte du glacier pour monter au col. Je commence à douter que l’on trouve la bonne voie du premier coup. Et si l’on prend la mauvaise voie pendant la nuit et que la difficulté de la montée s’en trouve décuplé ? La nature semble entendre mes préoccupations et deux étagnes de bouquetin et un cabris sont dans la parois et semble nous montrer le chemin.
L’étagne nous montrant le chemin dans la Festi-Lücke

On va installer le camp ici, sur le glacier au pied de la falaise que l’on va devoir gravir demain. On pourra ainsi tout laisser notre matériel lourd de bivouac caché derrière un caillou. Ca c’est aussi un peu prêt à cette endroit que nos chemins pour la montée et la descendre se rejoignent. On trouve un spot relativement plat et l’on casse les bourrelets de glace à coup de piolet pour aplanir la zone. Une fois la zone aplanie, on monte la tente en mode ultra-light/tarp en la fixant à l’aide de broche à glace, on gonfle les matelas et décomprime les sacs de couchage. On profite aussi de mettre une doudoune car les températures chutent drastiquement. Le bivouac est tout de même perché à 3700m sur un glacier ‘^^

Stephane repérant le passage dans la paroi du Weisshorn (4506m)

Une fois le soleil couché, les nuages se dissipent et laissent place au ciel étoilé. Pas de lune cette nuit-là, la voie lactée est bien visible.

Avant d’aller se pieuter car le réveil est prévu à 3h du mat. Je profite pour faire un panorama de la voie lactée au-dessus du Dom. On voit donc le sommet rocheux du Dom au milieu de l’image, au cœur de l’arche (le vrais sommet et caché derrière ce sommet rocheux). Sur cette image, on distingue aussi l’arrête du Festi-Grad que l’on a prévu d’escalader pour atteindre le sommet du Dom.

Il est maintenant le temps d’aller se coucher !

Pour des raisons de poids et vu que l’on était en pleine période de canicule, on a pris les sacs de couchage léger. Je suis parti avec un +2°C confort. Pour le matelas, j’ai tout de même pris celui d’hiver car je sentais bien que l’on allait dormir sur la neige/glace et ce n’est pas très agréable d’avoir le froid qui traverse dans le dos. Il y a quelque jour, l’isotherme de 0°C était monté à une altitude record de 5117 mètres de haut et les prévisions météo ne donnait pas tellement en dessous de 0°C en altitude. He bien, je dois avouer que je n’étais pas tellement mécontent de dormir avec mon petit pantalon thermique et ma doudoune. C’est au réveil à 3h du matin que je lis la température de -6.3°C sur le thermomètre !

Le temps de se hisser du lit, enfiler la gortex et les gants pour aller observer les environs. Le ciel est bien dégagé et la voie lactée est maintenant au-dessus du Cervin.

Le Festi-Joch semble toujours aussi compliqué à escalader mais la galaxie d’andromède semble nous indiquer le chemin.

On plie le camp, compresse les sacs de couchage et l’on cache tout ce qui n’est pas absolument nécessaire pour faire le sommet derrière un cailloux pour notre retour. On remet les crampons et on s’encorde pour les 10m à faire pour aller au pied de la falaise. Il y a pleins de petites crevasses en bordure du glacier et l’on doit traverser un petit pont de neige. Il vaut mieux être trop prudent que de commencer la journée par une récupération de coéquipier au fond d’une crevasse.

On gravit prudemment la falaise en cherchant des petits splits dans la roche ou des relais nous indiquant un passage fréquent. Par endroit, je passe la corde dans un split avec un mousqueton pour nous assurer en cas de chute. Sur la montée, on voit les lampes frontales grouiller dans le pierrier entre la cabane et le glacier, les alpinistes sont en route !

Une fois au sommet du petit col, on se décide à monter au sommet du Dom par l’arrête comme initialement prévu. Elle semble assez peu enneigée et accessible. Seras-ton les seuls à faire cette voie ? il y a bien 7-8 cordées qui nous suivent, peut-être qu’en voyant nos traces, ils se décideront à nous suivre ?

On attaque l’arrêt qui se fait très bien dans l’ensemble. Quelques passages un peu plus techniques avec quelques mouvements de grimpe et quelques passages un peu exposé ou l’on assure la montée en passant la corde derrière un rocher.

La plupart des groupes semblent effectivement monter par la voie normale, sur le glacier. Il y a cependant un alpiniste en solo qui commence à gagner du terrain sur nous. On le voit d’ailleurs en retrait sur cette image un peu plus bas sur l’arrête.

Il finira par arriver à notre hauteur. On discute deux-trois mots car il parle français alors que l’on est plutôt dans une zone germanophone (vallée de Zermatt). Le fait qu’il soit seul, sans corde et sans casque nous parait un peu bizarre, on lui propose de rejoindre notre cordée si l’on n’est pas trop séparé une fois au sommet. Il accepte car sans équipement adapté, il aurait dû redescendre par l’arrêt, faire la boucle en redescendant sur le glacier (voie normal) est bien plus intéressant.

 

On se tire un peu la bourre sur la montée mais il nous dépassera finalement lors du lever de soleil pendant que l’on profite du paysage absolument superbe !

Sur la montée, l’autre alpiniste quitte l’arrêt et veut retourner rejoindre la voie normale. Il y a un grand passage à revers sur le glacier avec pas mal de neige fraîche soufflée (hauteur des genoux quasiment) et il y a surtout un champ de crevasse à traverser. On lui fait des signes pour lui dire que selon nous, il vaut mieux monter sur l’arrête car ce passage semble un peu risqué. Avec Steph, on le prend un peu pour un fou de s’aventurer dans ce champ de mine sans être encordé. Dans tous les cas, on monte l’arrêt qui est bien gelée et verticale mais se grimpe bien avec les crampons. L’autre alpiniste change d’avis et revient aussi sur l’arrête. Avec Stéphane, on se sent un peu soulagé de le savoir plus en sécurité.

La montée se fait bien malgré le fait que l’on ait déjà dépassé la barre des 4000m depuis un petit moment. Le vent se lève aussi nous obligeant à faire une petite pause pour remettre notre gortex. Nous voilà au bout de l’arrête, on traverse maintenant le glacier pour rejoindre la voie normale pour les derniers 100m+. On voit la croix, on y est bientôt ! par contre, celui que l’on voit plus, c’est celui qui a pris la même voie que nous, j’espère qu’il ne lui ai pas arrivé malheur ? S’il n’est pas là une fois que l’on aura fait le sommet, il va falloir redescendre l’arrête pour voir ce qui lui est arrivé…

On a rejoint la voie normale, le chemin est maintenant bien marqué. Pas après pas, on s’approche du sommet, le vent se lève et commence à sérieusement refroidir les mains. Mes petits gants en polaire trempé par l’escalade de l’arrête commencent à geler. On arrive à la croix, nous voilà à 4545m d’altitude, le plus haut sommet entièrement en Suisse. Cerise sur le gâteau, on est les premiers sur la cime. De là, la vue est incroyable ! On récite les différents sommets que l’on voit sur l’horizon. On reconnait aussi les sommets que l’on a déjà gravit.

Un autre soulagement, on voit l’autre alpiniste arriver sur la voie normale, il est sain et sauf !

On ne reste pas trop longtemps sur le sommet car le vent commence à bien nous refroidir. On ajoute toutes nos couches, je change de gant pour mettre des sec et l’on attaque la redescente. En croisant l’autre alpiniste sur la descente, on lui dit que l’on attendra quelques mètres plus bas et qu’il peut nous rejoindre pour la suite. Pendant qu’il monte au sommet, on mange quelques noix et raisin sec pour reprendre des forces. C’est aussi à ce moment-là que les premiers aillant fait la voie normale arrive. On reconnait quelques guides avec qui on avait discuté la veille à la cabane.

Voilà que notre alpiniste en solo nous rejoint. On se met en corde longue pour la descente du glacier et le nouveau compagnon de cordée se fixe au milieu de la corde a l’aide d’un prussique. On entame la descente par la voie normale et l’on papote un peu. Il s’avère que l’alpiniste solitaire s’appelle José et qu’il a plein d’anecdote montagnarde intéressante à raconter.

On fait un petit crocher pour aller sur un petit col (Lenzjoch) qui est la voie d’approche pour faire une arrête assez cossue pour monter à la Lenzspitze (4293m). De là, on observe la Dirruhorn (4035), Hobärghorn (4218m), Stecknadelhorn (4240m) et le Nadelhorn (4327m).

Ce sont tous des sommets que l’on va devoir faire et qui s’on faisable d’une traite via l’arrête du Galengrat. Ce sera pour une prochaine fois.

On rejoint ensuite la voie normale. Sur la descente du glacier, on croise encore quelques cordées en route pour le Dom. S’ensuit un slalome entre des crevasses. Elles sont encore plus impressionnantes que celles de la veille, certaines semblent sans font ! Je dois avouer que ceux qui ont ouvert le passage à travers les crevasses ont un sacré culot et pas froid aux fesses pour le faire ! Nous ne faisons que suivre les traces bien marquées par les différentes cordées passé par là quelques heures plus tôt.

La boucle est bouclée, nous voici de retour sur la falaise qui m’avait bien fait douter la veille. On descend en rappel pour éviter de glissement bêtement en desescaladant à cause de la fatigue. L’occasion pour moi de réviser comment utiliser le reverso. On a un petit débat avec José pour savoir s’il faut mettre le prussique pour assurer le reverso plus haut ou plus bas. On amorce la descente mais d’autres alpinistes Tschèque un peu plus pressé décident de descendre sur le même relais en même temps que nous. C’est un peu le foutoir avec ce passage qui fait un peu effet goulot. C’est là que je ne regrette pas de faire les 4000m hors saison lorsque tout est fermé. Après 4 descentes en rappel, on arrive à l’emplacement de notre bivouac, on récupère les affaires, on bourre tout dans nos sacs et on entame la descente du glacier en direction de la cabane. Entre deux sauts de crevasses, on papote entre nous. Il s’avère que notre alpiniste solitaire sans corde ni casque est en fait un guide de montagne. Il devait faire le sommet avec un client qui a annulé au dernier moment. Il a donc décider de faire le sommet quand même par l’arrête car c’était une voie qu’il n’avait jamais eu l’occasion de faire. Il nous raconte pleins d’autres anecdotes montagnardes.

Nos chemins se sépare une fois à la cabane. Lui reste passer la nuit alors que nous redescendons directement après avoir mangée une croûte au fromage et des röstis complets.

La descente commence à bien se faire sentir. Mon talon et la paume du pied sont en feu et pour l’instant, on est descendu seulement 1/3 du dénivelé total. Pour ne pas aider, je n’ai pas de semelle dans mes chaussures, j’ai dû oublier de les remettre en place la dernière fois que je les aie faites sécher… On redescend les échelles et l’on dévale la pente jusqu’à retrouver le fameux pont de Randa. De là, on prend un autre chemin plus direct dans la forêt pour retourner aux voitures qui nous attendent sagement. La descente est un vrai calvaire entre les pieds qui brûlent et tous les muscles des cuisses qui font mal. C’est un vrai supplice, 3200m de descente d’une traite, c’est quand même quelque chose. La descente est plus difficile que l’ascension du Dom au final… Tout cela s’ajoute à la chaleur oppressante de la plaine mais Steph a un remède pour ça. Sur le chemin du retour, on s’arrête pour s’acheter une petite glace !

Les souvenirs de ce bivouac sur glacier et plus haut sommet de Suisse resteront gravés dans ma mémoire bien plus longtemps que les 4j de courbatures qui on suivit la descente 🙂

 

 

*svp remplissez toutes les cases. Merci!