Compenser la rotation terrestre pour photographier de nuit

Intro : La lune, la voie lactée, les nébuleuses, les comètes, les planètes, toutes des choses gigantesques dérivant dans notre univers. Nous n’y mettrons jamais les pieds de notre vivant mais on peut tout de même les photographier. Cette immensité me fascine et la beauté de ce qui est hors de notre portée m’éblouit. J’ai débuté la photographie nocturne en m’équipant d’optiques lumineuses et de boitiers avec une bonne gestion en haute sensibilité. Ces outils performants très sensibles à la lumière, permettent de rendre visible ce que l’œil arrive tout juste à apercevoir. Néanmoins, le matériel aussi performant soit-il, a ses limites. Les images que vous avez vues jusqu’à présent ont un rendu acceptable en petit format ou sur des supports de publication tels que FB ou Instagram. Si l’on commence à se plonger plus profondément dans l’image ou que l’on veut faire de grands tirages, le grain et la perte de détails deviennent notables.

Image trackée avec une sensibilité moins élevée à droite. Une image avec un temps d'exposition court et haut iso à gauche

La cause de cette course à la sensibilité et à la lumière est dûe à la rotation de la terre et le mouvement des astres. De ce fait, pour ne pas avoir une image floue dû à ce mouvement tel que des étoiles ressemblant plus à des traits qu’à des points, il faut une vitesse d’exposition du capteur photo plus ou moins rapide. Néanmoins, il est possible de combattre la problématique à la source. Il y a deux écoles. Ceux qui prennent pleins d’images courtes puis les superposent pour ensuite les moyenner (stacking). Ainsi le bruit sera diminué et les fins détails accentués. L’autre possibilité est de compenser le mouvement de rotation de la terre avec une monture motorisée dite équatoriale (tracking). Avec la rotation terrestre, il est possible d’augmenter significativement le temps d’exposition et ainsi diminuer la sensibilité de l’appareil et donc avoir des fichiers plus propres. Il y a aussi la possibilité de combiner les deux solutions pour un résultat encore plus propre. Comme vous l’aurez deviné avec le titre, c’est la partie tracking que nous allons détailler.   Matériel : Il en existe de toutes tailles, à tous les poids, avec contre poids, à tous les prix, à toutes les précisions, avec compensation de dérive, avec assistance à la localisation etc. Je ne connais de loin pas toutes les montures car l’astronomie est un monde à part entière mais j’ai épluché un peu le net pour trouver ce qui correspondait au mieux à mes besoins. Mon cahier des charges était le suivant.

- Abordable financièrement

- Portable et pas trop lourd pour prendre en balade.

- Pouvant supporter le poids d’un hybride avec un objectif UGA lumineux pour la voie lactée et un petit télé pour gouter au ciel profond.

- Suivi du soleil pour les éclipses

J’en ai trouvé deux qui me paraissaient intéressantes. La mini track LX3 de Omegon et la star adventurer Pro. La LX3 est une monture entièrement mécanique avec un cliquetis lorsque le système compense la rotation terrestre. Relativement compacte et légère (600 grammes), elle peut être emmenée en bivouac. Mon cœur d’horlogerie mécanique Suisse m’a fait craquer pour ce modèle. Les images trackées de cet article ont tous été prises avec cette monture. Elle a cependant de gros désavantages tels que son fonctionnement est limité à l’hémisphère nord et qu’elle ne puisse pas suivre le soleil ou la lune. La star adventurer pro viendra certainement rejoindre mon équipement lorsqu’une bonne occasion se présentera.     Utilisation : La mise en station est le terme utilisé pour aligner la monture équatoriale sur le centre de rotation de la terre. C’est une étape à ne pas négligée car la monture a beau être aussi précise que possible, si la mise en station est mal faites, la longueur du temps de pause ne sera pas maximisée. Dans l’hémisphère nord, le centre de rotation est grossièrement sur l’étoile polaire. L’étoile polaire peut facilement être trouvée avec la grande ourse qui est une constellation très facilement reconnaissable en forme de casserole et visible rapidement dès la tombée de la nuit. Il suffit de prendre le bord de la casserole opposé au manche et l’allonger de 5x sa longueur environ pour tomber sur l’étoile polaire. Un alignement rapide peut être fait avec un laser perpendiculaire à la monture. Un réglage plus fin peut être fait à l’aide d’un viseur. Il suffit de pointer le centre de la croix du viseur sur l’étoile polaire. Si le viseur n’est pas rétro éclairé, il vous faudra l’éclairer manuellement à l’aide de votre smartphone par exemple. Pour un réglage plus fin, il faut savoir que l’étoile polaire n’est pas pile poil sur l’axe de rotation de la terre. Il vous faut aligner l’étoile polaire non pas au centre, au milieu de la croix du viseur mais sur un petit cercle. Plus ou moins à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle selon l’année (car l’angle de rotation varie dans le temps). Il faut vous référencer à la documentation technique du viseur pour savoir comment le placer en fonction de l’année (mais sur le terrain, une telle précision est un peu superflue). Par contre, il faut mettre l’étoile polaire à un angle bien spécifique sur le cercle. Pour trouver cet angle, vous pouvez vous fier à l’application synscaninit par exemple. Voici les temps d’exposition max que j’ai obtenus en mettant en station la monture de manière grossière (étoile polaire au centre de la croix du viseur) : 24mm f1.4 sony 13min, 35mm f1.2 Sigma 3min     Traitement : Lorsque vous trackez les étoiles avec un temps de pause de l’ordre de la minute, vos étoiles seront nettes mais votre premier plan sera logiquement flou. Il vous faudra donc prendre au minima une autre image pour votre sol voire plusieurs si vous voulez stacker avec un premier plan proche net. Pensez à utiliser une sensibilité ainsi qu’une exposition globale de votre premier plan similaires au ciel dans un souci de cohérence. Certain préfèrent utiliser une image prise à l’heure bleue mais je préfère pour ma part utiliser une image prise à la même période que le ciel. Lorsque vous faites l’image du ciel, pensez que la monture va bouger et que le cadrage peut être un peu approximatif. Cadrer un poil plus large votre composition car vous aller perdre un peu lors du processus d’assemblage. Pour l’assemblage, l’utilisation très basique d’un soft permettant l’utilisation de calque est nécessaire. J’utilise pour ma part photoshop inclus avec l’abonnement de lightroom. Après avoir traité votre ciel et votre sol (un autre article sur le traitement de la voie lactée viendra prochainement), vous importez les deux images en tant que calque dans photoshop. Dans PS, vous alignez les deux images avec la fonction automatique sous édition. Une fois aligné, avec un masque de fusion sur l’une des deux images, vous effacez votre ciel ou votre sol avec la gomme avec un gradient grand. Vous pouvez ensuite affiner les contours avec le pinceau ou la gomme. Si la différence entre votre ciel et votre sol est trop grande, égaliser les deux images sur LR et recommencez. Maintenant un problème se présente. Votre image de ciel a le sol flou. Lors de la superposition, cela va créer une bande floue sur votre image finale plus ou moins grande selon le temps d’exposition du ciel. Soit vous avec beaucoup de pollution lumineuse et en débordant avec le masque du sol net sur le ciel, ça ne se voit pas. Mais si votre pollution lumineuse ou nuage ne permet pas de cacher le problème est que les étoiles filées du sol apparaissent dans le ciel, il vous faudra filouter selon votre niveau d’éthique.

- Eclaircir manuellement la bande plus sombre floue de l’image du ciel (prend une éternité mais est la solution la plus éthique)

- Baisser légèrement l’image du ciel pour faire « disparaitre » la bande floue du ciel derrière le sol net de l’autre image (marche si les contours sont nets comme des montagnes ou des maisons mais ne marche pas vraiment pour des arbres par exemple)

- Recréer du ciel étoilé dans la bande floue de l’image étoilée.

Image du sol et image du ciel 24mm

assemblé 24mm

Image du sol et image du ciel 35mm

Assemblé 35mm (plus lumière dans la cabane de l'heure bleue)

Panorama de 4 images avec mise au point différentes pour chaque image. Ciel tracké. 35mm

Panorama assemblé

  Utilisation en ciel profond La LX3 est une tête avec une charge utile de 3kg ce qui en fait une monture légère et compact mais malheureusement difficile d'utilisation pour du ciel profond. Mais on va tout de même essayer de la pousser dans ses derniers retranchement. Le ciel profond est une discipline à part entière nécessitant bien plus que ce petit article pour faire le tour. Je suis encore très novice en la matière mais je vais tout de même donner mon point de vue. Le ciel profond comprend des galaxies, des planètes ou encore des nébuleuses. C'est corps célestes se trouve à des années lumières de la terre et sont pour la plupart peu lumineuse. Il n'y a aucune chance de tirer le portrait de ces lointaines voisines en une seul image ni même uniquement par tracking (avec une petite monture comme la mienne). Il existe des logiciels spécialisés permettant d'empiler des dizaines voir des centaines de photos ensemble afin d'en tirer le moindre détail. En plus d'additionner et sélectionner les meilleurs pixels de chaque image, ce logiciel soustrait aussi le bruit à l'aide d'image black (en mettant le bouchon sur l'objectif) et compense le vignétage à l'aide d'image très clair (photo du ciel en plein jour). Pour ma part, j'utilise le logiciel sequator fonctionnant sur windows étant libre de droit. Je laisse les réglages de base (best pixel et le seuil sur moyen). En lui donnant les différents fichiers, le logiciel va générer un tiff avec beaucoup plus d'information dans les couleurs permettant un traitement beaucoup plus poussé.

+5IL sur une image non stackée

 

+5IL sur une image stackée sur sequator

  Sur les exemples ci-dessus, on remarque que le bruit et la dynamique est massivement améliorée en stackant les images. Pour cet exemple, 99 images de 0,5sec ont été empilée donnant l'équivalent d'une image exposée pendant 47 secondes. Ces images ont été faites avec le 400mm f2.8. Je ne peux pas dépasser les 0,5sec au risque d'avoir un flou de bouger. Mais si on essayait de le monter sur la monture équatorial LX3? La monture est donnée pour un maximum de 3kg. Le 400f2.8 seul fait 2.95kg et le a7rIII+rotule boule un peu plus de 0.5kg. L'ensemble est plus lourd que la capacité maximale de ma monture mais ca vaut tout de même le coup d'essayer. Quelques nuits plus tard, je tente l'expérience à nouveau sur orion. Après une mise en station grossière, je peux prendre des images de plus de 10sec sans flou de bouger (j'ai pris 8sec par sécurité). Il m'est ainsi possible de laisser entrer 20x plus de lumière avec la rotule lx3 que sans. Je refais une 100ène d'images, les assembles sur sequator et voici la différence entre orion trackée et non trackée.

100 images de 0.5sec non trackée VS 100images de 8sec trackée

  La différence est sans appel, la combinaison du stacking et du tracking permet d'augmenter massivement la qualité de l'image finale.   J'ai ensuite voulu photographier les pléiades se trouvant plus haut dans le ciel mais les rotules boules utilisées étant soudimentionnés pour le poind de l'ensemble, il n'était pas possible d'être suffisament rigide. Voici une autre image prise pendant la même nuit. La tête de cheval, une nébuleuse faisant partie aussi de la constelation d'orion mais bien moins lumineuse.

100 images trackée (10sec) et stackée

    Monture équatorial (*LX3) VS statique

+ Image moins bruitée car augmentation du temps de pause

+ Moins de pixels chauds car sensibilité moindre

+ Traitement local plus facile (sélection automatique, réglage fin) car moins bruité

+ Plus grande dynamique entre le sombre et les clairs car sensibilité plus basse

+ Moins de coma et de vignetage car possible de fermer plus les objectifs

+ Plus économique car il n’est pas nécessaire d’avoir un boitier technologiquement à la pointe et des optiques ultra lumineuse

+ Permet d’amener ses images nocturnes à un « autre niveau »

+ Possibilité de faire du ciel profond avec des temps de pause relativement court

+ * nécessite pas d’alimentation externe

+ * poids, encombrement, prix réduit

 

- Poids et encombrement supplémentaire

- Le ciel ne doit pas avoir de nuage, les contours entre le ciel et le sol doivent être net.

- Nécessite une mise en station lente et fastidieuse

- Nécessite une connaissance un peu plus accrue du ciel et des outils astronomiques

- Post traitement obligatoire et complexe car nécessite d’assembler au minima une image du ciel avec une image du sol

- *ne permet pas de tracker la lune, le soleil ou d’être utilisée dans l’hémisphère sud

- *le viseur est souvent obstrué par le boitier lorsqu’il est monté. Il faut donc mettre en stations sans appareil. Risque accru de désalignement de l’axe de rotation lorsque le boitier en mis en place par après.

- *compensation du moment de force avec des ressorts avec un résultat un peu aléatoire.

- *viseur non rétroéclairé compliquant la mise en station

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Au chant du tétras

On est au printemps, les températures commencent à devenir douces, la neige commence à fondre. Si on se lève de bonheure et que l’on écoute à la limite de la forêt, on peut entendre des gloussements. Ce sont les tétras lyre qui après avoir survécu à l’hiver en forêt en se nourrissant exclusivement d’aiguilles de conifère et en se protégeant du froid en creusant des igloos se montrent enfin. Avant l’aube, les mâles s’envolent vers la place de chant pour y défendre leur territoire. Chaque individu défendra ses quelques dizaines de m² bec et ongles contre ses adversaires. Les frontières sont claires, des arolles parsemés délimitent le territoire de chacun. Si un mâle s’approche un peu trop, la séance d’intimidation commence. Si cela ne suffit pas, un coup de bec à la hauteur du visage est vite arrivé, l'opposant devra user de ses reflexs pour esquiver voire contre-attaquer en vol. Ce sera maintenant la 7ème année que je vis ce spectacle dans leur intimité. Vous pouvez voir le dernier article ici. L’espèce est menacée et particulièrement fragile en cette saison des amours où la survie de la descendance peut se jouer voire la survie de l’individu en cas de dérangement. Il est donc impératif de prendre toutes les mesures pour avoir un impact minimal sur leurs pariades. Le stress sur l'espèce est déjà bien assez grand entre raquettes et ski de randonnée, ils n'ont pas besoin que les naturalistes s'y mettent aussi. Cela commence par une préparation en amont. Un repérage à l’aide de jumelles et longue vue. Les femelles peuvent déjà être présentes sur les places de chant jusqu’à 1h avant les mâles. Les mâles commencent à chanter vers les 5h du matin ce qui nous oblige à être dans l’affût avant 4h du matin pour éviter tout dérangement. Le mieux est encore de passer toute la nuit sur place. Dans la vidéo ci-dessous, vous verrez la montée la veille à l’affût ainsi que son installation (et quelques images des années précédentes). https://www.youtube.com/watch?v=yjc03UfK-go C’est après avoir passé la nuit dans l’affut que l’on se réveille au chant du coq. Les premiers tétras se manifestent bien avant le lever du jour. Ils sont impossibles à voir tellement la nuit est encore présente. On sort doucement de nos rêves et on écoute les déplacements des coqs, on entend aussi les autres prétendants arriver petit à petit. Les premiers combats éclatent. Pour montrer leur présence, il existe plusieurs techniques. Celle du roucoulement en gonflant son gosier pour émettre un chant caractéristique Ce roucoulement est ensuite suivi par quelques cris plus stridents que j'appelle "crachat". Souvent accompagnés d'un petit battement d'aile voire d'un petit saut. Si cela ne suffit toujours pas pour impressionner les dames, il reste encore une technique secrète. Faire des petits vols pour bien montrer sa présence.   Cela se répète jusqu’à l’arrivée du soleil, un spectacle magique. De quoi oublier les 550m de montée dans la haute neige la veille et la nuit inconfortable passée dans l'affut. Une fois le soleil chauffant l'atmosphère de ses rayons, certains motivés continuent les combats dans une lumière magique.   D'autre retournent en foret pour y grignoter les premiers bourgeons de mélèze fraîchement éclos     Mais l’ambiance reste encore tendue. Si une femelle montre le bout de son nez, tous les coqs sautent à terre et recommencent leur joute de plus belle ! Vous retrouverez ici une galerie avec toutes les images de tétras prisent au fils des années: http://apvl.ch/tetras
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La pluie et le beau temps

L’humeur fait la pluie et le beau temps. En photographie on peut penser que l’inverse est plus vrai. La météo peut fortement impacter la motivation à sortir prendre des images. Lorsqu’il pleut, que le vent nous oblige à plisser les yeux ou que le froid nous picore la peau, quoi de mieux que rester confiné à la maison ? Que nenni, il n’y a pas de mauvais temps pour la photo. Aussi loin que je me souvienne, mes plus beaux souvenirs photos sont dans des conditions météo dantesques. La scène capturée est souvent bien plus prenante et surtout, les souvenirs et le sentiment d’accomplissement n’en est que plus grand. Oui, mais… Quand on ne voit pas à 2m ou que le ciel est tellement nuageux que la lumière est plates et qu’aucun détail n’est visibles. Autant rester sous la couette non ? Je me suis bien souvent cassé les dents avec ce genre de conditions météo. Très peu de détails, très peu de dynamique d’image, vraiment pas évident. Et si justement, c’était cela la force de ces images ? C’est après avoir vu les images de Jérémie Villet ainsi qu’après avoir assisté à une de ses conférences et échangé quelques mots que le déclic c’est fait ! Si on mettait à profit cet aspect délavé au profit de l’image pour renforcer une ambiance ? Y aller à fond plutôt que vouloir cacher les défauts ou créer des détails là où il n’y en a pas ? Mettre en avant le minimalisme, la pureté et le velouté ? Voici une série d’images prisent sur 2-3J en pleine période de « jour blanc » c’est à dire très nuageux, tellement nuageux qu’il est dur de déterminer l’heure de la journée. Le but était d'aller à la rencontre du lagopède. Une des reliques glacières qui ont réussi à traverser les ages en adaptant leur plumage à l’environnement. Trouver 500 grammes de plumes blanches dans cette immensité neigeuse n'est vraiment pas aisé. Malgré leur chant d'amour qui résonne au petit matin en cette période. Parfois c'est en passant à coté d'eux en ski de rando qu'on les remarques. En voici un qui part se cacher derrière un caillou au pas de course. Heureusement que son masque noir trahi sa présence! Je le suis à bonne distance et m'approche. Le voici blotti à coté d'un arbre mort qui a encore le mérite de tenir debout dans cet environnement hostile. Je m'approche petit pas par petit pas en attendant plus d'1/4 d'heure avant de me rapprocher à nouveau d'un demi mètre. Le lagopède ma évidement remarqué avec ma doudoune bleu au milieu de la neige mais il ne m'identifie pas comme une menace. Fatigué par sa longue matinée à chanter l'amour, il s'endort devant moi. Après plus de 3h passées à ses cotés, la nuit tombe. Il me pose donc un lapin variable et part à la recherche d'une congénère.   Je dors non loin de là, dans une cabane en pierre. La neige s'est infiltrée à l'intérieur par l'interstice des rochers. Je m'endors comme une pierre et me réveille le lendemain matin comme un charme. Je regarde la montre, -2° au plus froid de la nuit. Autant dans le sac -10° c'est "comme à la maison" autant lorsqu'il faut s'habiller, on fait moins le malin. Me voila à nouveau sur les skis et je pars rejoindre mon compère le lagopède alpin de la veille. Fidèle au post, je l'entends chanter les louanges de madame. Je le vois virevolter et tomber en parachute derrière un monticule de neige. C'est le moment de s'approcher pour le photographier en train de parader. Je m'approche, bizarre, plus de bruit. M'aurait-il repéré? Pourtant je suis bien discret et encore bien loin de lui. Je continue l’approche et lève doucement la tête au dessus de la bosse pour tenter de le repérer. Quel ne fût pas ma surprise lorsque je vois Mr. Renard à l'emplacement d'où j'imaginais ma perdrix des neiges? Dans tous les cas, le renard fût aussi surpris que moi. Il disparaît en un éclaire en sautant de son rocher perchoir. Je pointe l'appareil et prend quelques images alors qu'il est déjà bien 100m plus loin. Est-ce que le lagopède est dans les parages? a-t-il fini en casse-croûte? est-il blessé? Avant de pouvoir répondre à toutes ses interrogations, j'attends un moment tapis dans la neige pour espérer voir le lagopède pointer le bout de son nez. Rien, pas un bruit, rien à part le renard qui part au loin. Je perds patience et je vais jeter un oeil sur le lieu du crime. Pas de trace, pas de sang. J'entends maintenant sur ma droite le roucoulement caractéristique de lagopède. Est-ce le même? je ne sais pas mais dans tous les cas, il virevolte toujours :) Sur le chemin du retour, j’aperçois au loin la poule. Bien plus discrète que le bruyant mâle, elle me regard passer et ne me quitte pas les yeux   La lumière n'y est pas, les images "archi net" non plus mais cela reste néanmoins des images d'un temps couvert typique montrant le mimétisme et la capacité incroyable de survie de nos espèces alpines. Sur ce, je vous souhaite de belles images par tous les temps. Bonne journée
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Strahlhorn 4195m

La liste des autres 4000m Une petite suite après "l'échec" de l'Aletschhorn. Une sortie un peu moins ambitieuse, le Strahlhorn (4195m). On triche un peu en profitant des remontées mécaniques de Saas-Fee pour économiser quelques mètres de dénivelé. Le trajet fait en remontée a déjà été parcouru lors de l'ascension de l'Alalinhorn. Le but étant de relier tous les 4000 sans moyen de locomotion sur une carte globale. Bref, pour ne pas faire comme les autres, on décide de dormir sous tente plutôt qu'à la cabane Britannia. En jetant un oeil sur la station météo de la région, on se rend quand même compte qu'il ne va pas faire très chaud... En plus de l'équipement habituel, je compacte au fond du sac l'énorme doudoune utilisée pour le Svalbard. Le temps est radieux, on fait la queue pour prendre le ticket des remontées. La station est blindée, un checker-Corona à plein poumon. Nous voila à la station intermédiaire. L'autoroute est bien tracée jusqu’à la cabane. Après avoir grignoté un sandwich, on s'équipe, on s'encorde et on s’aventure sur le glacier. De là, les traces se font plus rar et partent même dans la mauvaise direction. Nous voila donc en train de faire la trace entre les crevasses. L'appareil reste au fond du sac, la lumière est dure. De là, on aperçois bien le Strahlhorn ainsi que le col Adler Pass (3785m). Comme on évolue rapidement sur le glacier, on pense bivouaquer à proximité du col. J'arrive presque à convaincre Stephane de poser la tente sur l'arrête du col pour une meilleur vue. Nous voila à une 100aines de mètres du col et il nous faut prendre une décision. On remarque rapidement que dormir sur le col ne sera pas possible. Le col ressemble à une apocalypse. Des rafales de vent monstrueuses balaient l'arrête et les températures sont à peine soutenables. Même dans le replat où nous sommes, les rafales de vent nous font perdre parfois l'équilibre. C'est sûr, si l'on veut survivre à la nuit qui s'annonce très fraîche et venteuse, il faudra mettre de coté le coté esthétique de l'emplacement de la tente pour choisir un endroit le plus à l'abris du vent possible. Pour se protéger du vent, pas de miracle dans la neige, il faut creuser. Contrairement au mur de neige au camp de base de l'Aletschhorn, celui-ci est réfléchi pour protéger du vent et non pas pour le style :) petite pause à l'abris du vent La tente est collée contre le mur de neige et un trou pour l’abscisse est creusé afin d'avoir un coin protégé de la neige pour y déposer nos affaires. Le coucher de soleil est dans 1h30 et notre versant du col se trouve plongé dans l'ombre. Les températures chutes drastiquement et nos membres s'engourdissent. On décide d’attendre le coucher du soleil tranquillement dans la tente. Le froid est tel que même habillé dans la tente protégé du vent, on grelotte. On ouvre nos sac de couchage et les utilisions comme couverture. Stephane jette un coup d’œil à la température, -21° et la nuit n'est pas encore tombée. On se regarde et l'on sait d'avance que la nuit sera compliquée... Il est l'heure, Stephane ne tient plus en place, il veut monter au col pour se réchauffer. Une fois la tête dehors de la tente, on reprend avec un plaisir très modéré les rafales de vents nous giflant le visage. On s'équipe, on s'encorde, on met les ski et hop là! Frost bite! La narine gauche de Stephane est devenue toute blanche, c'est le premier stade de la gelure. Rien de bien grave heureusement. Après avoir mis sa main quelques secondes sur son nez, voici que sa narine retrouve sa couleur normale. C'est dans ces cas là que l'on se sent bête d'avoir laissé la cagoule protégeant le visage à la maison... On monte tout doucement jusqu'au col pour éviter de transpirer. Ca peut paraître paradoxal mais comme il fait tellement froid, nous avons tous nos habits les plus chauds sur nous. Il n'y a pas pire que la transpiration de l'effort dans un environnement très froid. Arrivée au col Une fois au col, le froid, le vent, l'effort, tout est oublié. La vue est juste superbe avec le soleil se couchant à droite du Cervin. J'ai tout de même une boule au cœur en imaginant la photo de la tente avec cet arrière plan. Il faut rester raisonnable... Petit selfi au col Le vent se déchaîne par moment Les derniers rayons lèchent le col Et finalement, une accalmie Un petit panorama de 18 images Une fois le soleil couché, nous rejoignons la tente. La routine commence à venir avec tous ces 4000: fondre de la neige avec le réchaud pour faire gonfler de la semoule avec un carré de bouillon. Malheureusement, impossible d'allumer le réchaud, il fait tellement froid que le gaz sort très mal, car le butane reste liquide, seul le propane est brûlé ce qui donne un très mauvais rendement. Pour enflammer le gaz, je couvre le réchaud de mes mains et lorsque la concentration de gaz est suffisante, une boule de feu impressionnant se crée allumant ainsi le réchaud (et faisant fondre un peu mes gants). Tout devient plus difficile avec le froid mordant. Les trois premières bouchées de semoule étaient encore chaudes, le reste des 500 grammes sera malheureusement bien vite froid mais ce n'est pas pour autant qu'il reste quelque chose à la fin! Le sommeil ne fut pas très réparateur. Entre le froid et l'altitude, nous avons du dormir une 10aines de fois 20minutes. C'est un nouveau record pour moi sous tente. 3700m d'altitude et une température sous les -21°C. Le réveil sonne, il est temps de plier la tente et de se mettre en route pour le sommet. On se croirait en plein été, la température au petit matin est étonnamment chaude, -15°C! Le vent s'est aussi bien calmé, les grosses doudounes resteront dans le sac si jamais le temps venait à se gâter. Après le sommet, nous redescendrons sur Zermatt au niveau du col. Nous laissons donc les affaires de bivouac au col derrière un caillou à l'abris du vent avec nos ski. On peut ainsi faire le sommet avec un sac plus léger sans matelas, tente, sac de couchage et réchaud. L'arrête est bien soufflée, la glace est bien apparente et on peut même apercevoir de belles crevasses que l'on se contentera de regarder de loin. La montée se fait assez bien sans accroc majeur. On aperçoit bientôt le sommet avec sa croix. Ce sont les dernières mètres qui se compliquent. Un mur de glace de 20m se tient devant moi. Stéphane attaque le glacier confiant en plantant les pointes de ses crampons et piolet.

Image par Stephane

C'est avec un peu plus d’incertitudes que je le suis dans la pente vertigineuse. Comme on le dit, il faut avoir confiance en son matériel. Si je décroche, c'est un beau toboggan digne des meilleurs parcs d'attraction qui m'attend. Bien crispé, les mollets brûlent mais me voila arrivé à la dernière arrête! La croix est à portée de main! Le vent au sommet souffle fort et les membres s'engourdissent rapidement. Pas trop le temps d’apprécier la vue au sommet que l'on commence déjà à mettre en place un rappel autour de la croix pour redescendre dans les rochers. Sur le chemin du retour, nous croiserons quelques autres alpinistes faisant aussi le sommet venant de la cabane Britania. Arrivés au col, on remballe toutes nos affaires et redescendons à ski sur Zermatt. Les quelques premiers mètres me font quelques frayeurs, un de mes pieds disparaît dans une crevasse :O Mais je m'en sors facilement car le pont de neige n'a pas totalement cédé. 20km plus tard après une descente de glacier à ski, du replat et une dernière partie ski de rando pour rejoindre le domaine skiable de Zermatt, nous voila à la fin de notre 3ème 4000m!
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La tête dans les étoiles avec Sigma

C’est le printemps, les températures sont en hausses, les oiseaux se mettent à chanter, le rhume des foins pourrit mais journée mais le centre de la voie lactée montre le bout de son nez. C’est le moment de dépoussiérer le matériel de bivouac et aller profiter de la voûte céleste. Le sac de couchage est poussé au fond du sac, la tente sur le côté, reste à y mettre le matériel photo. Quel objectif accompagnera le Sony a7rIII avec ses gourmand 42mpx ? Je regarde la gamme ART Sigma, il me faut un grand angle lumineux. Je ne suis pas sortie de l’auberge entre les 14, 20, 24, 28 et 35mm ultra ouvert… Bon, on ne va pas trop loin, prenons-les tous !

14mm f1.8 25sec 6400iso panorama de 4 images

On enfile les chaussures, empoigne les bâtons de marche. Trépied sur l’épaule, gravissons les montagnes dans la nuit pour immortaliser l’immensité, rendre visible l’invisible ! Le 14mm est vissé, à travers le viseur, le monde prend une tout autre dimension. Un peu dur à appréhender au début, les horizons se retrouvent repousser bien loin à l’arrière-plan. Il faut savoir jouer avec les perspectives impressionnantes de cet objectif en composant soigneusement ses premiers plans. Cette vue ultra large permet de capturer toute la beauté de la voie lactée en une prise. L’ouverture de f1.8 exceptionnelle pour ce type d’optique permet d’obtenir des détails incroyables dans la voie lactée couplée à un temps de pause pouvant aller jusqu’à 30secondes !

14mm f1.8 30sec 6400iso

On peut aussi se prendre au jeu et créer des panoramas monstrueux montrant l’immensité d’une scène. Ici un colosse de glace donnant naissance à la voie lactée contre balancer par la grande ourse sur la droite.

14mm f2.2 30sec 800iso assemblage de 22 images

Le prochain objectif est aussi un bijou optique. Le 20mm f1.4 fait aussi partie des optiques ulta grand angle les plus lumineuses du marché. Comme pour le 14mm, il faudra cependant un système de porte filtre spécifique si vous en avait le besoin. Cette fois, on s’envole pour des paysages à la hauteur de l’optique. Le mythique Cervin nous attend bien ancré à la croûte terrestre. Un coup d’œil sur l’application calculant la position de la voie lactée. Pas de stress, celle-ci sera au-dessus du Cervin vers 4-5h le lendemain. Elle se lèvera d’abord sur le glacier du mon rose. Le jour s’éteint dans les alpes et les étoiles pointent le bout de leur nez. Comme prévu, mon rencard avec la voie lactée à lieu. Le centre de la voie lactée dépasse des cimes et dérive doucement en direction du Cervin au fur et a mesure du temps.

20mm f1.8 20sec 6400iso assemblage de 29 images

Une fois le panorama capturé, il est temps d’aller dormir 2-3h avant de se relever un peu à contre cœur. La motivation revient rapidement en voyant le spectacle devant nous. Le centre de la voie lactée est certes plus visible mais la traînée d’étoiles magnifiant la scène. On aperçoit même des couleurs rosées signe d’un soleil timide.

20mm f2 20s 6400iso

  Nos rêves nous transportent plus loin dans les Dolomites. Ici le Cervin laisse place aux Treecimes, des montagnes tout aussi magiques. Le 20mm f1.4 laisse place au 24mmf1.4. Ce n’est pas le meilleur 24mm pour l’astrophotographie ni le plus léger pour du tout-venant. Par contre, une chose qui est sûr, c’est un excellent rapport qualité/prix pour un 24mm très lumineux et avec auto focus. Les trois pointes s’allument comme des bougies avec la voie lactée !

24mm f1.4 25sec 6400iso panorama de 3 images

Voilà que le 28mm arrive. Une optique superlative en tout point ! Malheureusement, la météo n’est pas toujours avec nous et je n’ai pas pu le pointer vers le ciel. Soyez patient, il est possible qu’une surprise arrive sous peux ;) On quitte notre monde bucolique avec un concours de circonstance. Le 35mm f1.4, pas vraiment l’optique que l’on conseillerait pour de la photo astronomique. Parfois ce n’est pas le matériel qui fait l’image mais la chance et le culot. En montant de nuit, je crois un bouquetin se détachant sur l’arrête. Trop sombre pour lui tirer le portrait, je décide de le détacher en ombre chinoise sur la voûte céleste.

35mm, F1,4, 1/30, iso6400

Je rêve de tenter la même avec le dernier 35mm f1.2 Sigma <3 Un grand merci d’avoir pris part à mes rêveries. Le printemps approche, l’aventure repartira de plus belle !
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Glacier d’Aletsch

La liste des autres 4000m Le temps s'annonce radieux pour le weekend. De quoi réfléchir au prochain 4000 Toujours dans l'idée de rendre la chose plus amusante, nous cherchons une nouvelle complication. Pourquoi pas faire un 4000 en 3 jours avec 2j d’approche pour l'Aletschhorn? Faire une mini expédition avec installation d'un camp de base? C'est décidé, le vendredi est posé en congé et on décolle pour la première étape. Un gros morceau, 15km et presque 1800m+ à faire pour rejoindre la cabane Hollandiahütte où l'on passera la première nuit. L'avancée est pénible, 30cm de neige sont tombés. Le manteau neigeux est instable au début (le fameux Wouchh) mais se stabilise plus haut. Le circuit que l'on a choisi est volontairement assez "safe" coté avalanche (danger niveau 3/5 lors de la montée) Le départ se fait depuis Blatten. On met les peaux et on traverse le fameux petit village de Kühematt avec sa petite chapelle que l'on retrouve sur de nombreuses peintures dans la région.   Le chemin continue de longs kilomètres durant sur la piste de ski de fond jusqu'au village de Fafleralp ou le chemin cessent. A nous de faire la trace dans les 30cm de neige fraîchement tombée. La première pause se fera au départ du glacier Langletscher. De quoi faire la pause de midi à l'ombre C'est aussi le moment d'enfiler le baudrier car la suite se fera sur glacier avec des risques de chute dans des crevasses. Le soleil tape fort, la neige commence à devenir lourd. Chaque pas se fait de plus en plus pénible et le glacier ne semble jamais s'arrêter. Son nom "Langgletscher" ne vient surement pas de rien... Le soleil commence à disparaître derrière l'horizon tout comme mon énergie. Stéphane me motive tout de même et me traîne jusqu'au sommet du col juste à temps pour voir les derniers rayons lécher les pointes des cimes.

Image par Stephane

La vue est juste splendide. On distingue au fond la Konkordiaplatz, le centre où tous les glaciers se rencontrent pour donner naissance au plus grand glacier des alpes, le glacier d'Aletsch. Avant que la nuit ne soit trop avancée, il nous faut encore faire les derniers mètres pour rejoindre la cabane, la Hollandiahütte. Après avoir détourné une crevasse, nous y voici, le local d'hiver nous tend les bras. On s’étale et on se met à l'aise. Il semble faire chaud à l'intérieur ainsi protégé du vent. Nos thermomètres nous diront plus tard qu'il faisait quand même -9°C... En attendant de faire fondre de l'eau pour manger de la semoule, on retourne dans le vent faire quelques images des montagnes sous les étoiles. Sur la droite, on voit notre objectif du weekend, l'Aletschhorn du haut de ses 4195m Le réveil sonne, il fait -1°C dans la cabane, il faut se remettre en route. Le but du jour est de s'approcher autant que possible de l'Aletschhorn pour y installer un camp de base avant l’ascension. Il nous faut faire tout le tour soit plus de 18km. On se prépare, remplit les gourdes d'eau fondue pendant la nuit et prépare les sacs et ajuste les battons Et on oublie pas de noter notre passage sur le cahier de bord ainsi que donner notre destination (et payer). Au tout début, la pente est suffisante pour esquisser quelques courbes à ski. On passe juste un peu plus bas que la veille pour passer sous la crevasse que l'on avait repérée. On est déjà à la bourre, on pensait être à la Konkordiaplatz pour le lever du soleil. La vue est juste splendide, la galère de la veille est déjà oubliée! C'est parti pour un long faux plat interminable. C'est une pente à 1% mais impossible de se laisser glisser, la pente est trop faible et la poudreuse trop dense. Nous voila sur le plus long glacier des alpes. On essaye de rester à bonne distance des chaines de crevasse se trouvant tantôt à droite, tantôt à gauche et tantôt partout. Le soleil tappe de plus en plus, le thermomètre de poche atteint même les 15°C. La neige devient très lourde et des coulées se déclenchent spontanément autour de nous. Clairement les conditions ne sont pas bonnes pour la neige (ni pour nous avec nos beaux coups de soleil). On arrive dans la vallée pour approcher l'Aletschhorn. La décision est dure à prendre, la journée est bien avancée et les conditions sont trop dangereuses. Notre expédition ne passera plus par 4195m mais se cantonnera à la traversée dans la longueurs du plus grand glacier des alpes ce qui est déja un beau challenge en soit... On cherche un point un peu surélevé pour installer le camp de base avec si possible une jolie vue sur le glacier pour le lever et le coucher de soleil. Pendant que l'on creuse le trou et construisons le mur de neige pour se protéger du vent, pas moins de trois coulées avalancheuses se déclenche dans la vallée du sommet. De quoi nous réconforté sur notre bonne décision. On passe le reste de l'après-midi dans la tente à se protéger du soleil caniculaire. Le coucher n'est pas bien intéressant, le ciel étant totalement dépourvu de nuage. On passe la soirée à faire fondre de la neige sur le réchaud et à déguster des pattes bolognese lyophilisée. Au petit matin, le réveil sonne. Un petit coup d’œil par l'ouverture de la tente, les nuages sont déjà légèrement mauve alors que le lever de soleil est seulement dans 1h. Ca indique un lever de soleil prometteur. On se montive, enfile les chaussettes glacées. Le ciel prend des couleurs vraiment particulières, de quoi prendre quelques images de la tente. J'arrive même à motiver Stéphane à pointer le bout du nez à l'extérieur contrairement à la veille

Image par Stephane

Le ciel devient de plus en plus rose et derrière nous les nuages prennent des couleurs. Stéphane me lance en rigolant: l'Aletschhorn doit être bien éclairé maintenant. Il faut savoir que l'on a pausé la tente un peu plus loin que la vallée du sommet nous empéchant de le voir. On me le dit pas deux fois, me voila au pas de cours en train de dévaler la poudreuse à pied sur plus de 600m pour prendre en photo l'Aletschhorn que l'on ne voyait pas. Le sommet que l'on ne fera pas aujourd'hui se tient fièrement devant moi, me narguant du haut de ses 4195m. Je me retourne et n'en crois pas mes yeux. Le ciel devient de plus en plus dément, tout devient rose. Me revoila en train de recourir dans la haute neige jusqu’à mi-cuisse pour rejoindre la tente et faire les compositions imaginées plus tôt. Plus je monte et plus le ciel devient fou, absolument tout est rose, à l'oeil la neige ressemble plus à de la barbapapa. Le doute s'installe en moi, serais-je assez rapide pour remonter et prendre les images avec ce ciel? Me voila presque en haut, Stéphane mitraille déja Je m'avance sur mon promontoire à bout de souffle et commence à prendre mon panorama avec les crevasses du glacier en premier plan. C'est juste magique! Le ciel s'éteint aussi rapidement qu'il c'est embrasé. Le feu s'est étendu sur des kilomètres, un collègue sur St-Gall m'envoie des images de ce ciel quelques minutes plus tard. Vraiment des conditions exceptionnelles. Pas de quoi trop s'attarder. On ne fait certe pas l’ascension du 4000m mais une des parties les plus techniques de la traversée nous attend. Il nous faut rejoindre l'autre coté de la vallée alors que le glacier est un vrai Gruyère. Les températures vont rapidement augmenter rendant les ponts de neige sur les crevasses plus instables. Le glacier est vivant, il coule dans la vallée. Les chaines de crevasses se déplacent telles des vagues au fil des années. Il n'y a pas de trace ou de route pour traverser le glacier tout le temps changeant. En bref, il faut nous fier à notre instinct pour trouver le chemin vers l'autre bout tout en espérant qu'il y en ait bien un. Le doute s'est emparé de nous lorsque l'on est arrivés dans un cul de sac. Impossible de continuer, le terrain est miné de partout, bien trop dangereux. Il nous faut repartir sur nos pas pour trouver une autre voie. On voit d'ailleur notre détour sur la carte gps de la sortie. Plus d'une fois, il nous faudra traverser des ponts de neige surplombant des crevasses. La corde bien tendue et l'équipement prêt pour le pire. Si on avait un doute sur la solidité d'un pont de neige, on met en place un ancrage. L'ancrage consiste à enneiger un piolet profondément dans la neige gelée perpendiculairement à la direction de marche. La corde solidement fixée autour du piolet, en cas de chute, le piolet se "plante" sous la neige et assure le malheureux au bout de la corde de ne pas s'écraser au fond de la crevasse mais de seulement être suspendu dans le vide après avoir fait du ping pong contre les parois de glace. Mais bon, nous avons choisi la bonne route, tous les ponts ont tenu et nous n'avons pas eu besoin de mettre à profit nos ancrages... Secrètement, je rêvais de ne plus pouvoir avancer et de devoir prendre l'élan pour sauter par dessus une crevasse piolet à la main :) Nous voila de l'autre coté, enfin sur la terre ferme. On peut se désancorder et remonter les derniers 350m pour rejoindre les pistes de ski de Bettmeralp. Là, un fanclub nous attendait, plus d'une vingtaine de personnes nous regarder monter. A moins qu'ils apprécient la vue sur le glacier d'Aletsch peut-être? Une sortie pas totalement comme prévue. La montée sur le 4000 à été remise à plus tard car les conditions étaient trop dangereuses et le timing trop juste. Mais cette expédition sur trois jours aura tout de même étaient magique. Des paysages incroyables, une course de plus de 50km sur le plus grand des glaciers des alpes et une expédition de 3 jours sans croiser personne en plein weekend d'hiver en haute saison de ski!  
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