Entre le fond de l’océan et le sommet des Grisons
Étant déjà dans le canton des Grisons pour la quête du grand tétras, je profite de l’occasion pour visiter ce beau pays en compagnie de Lisa qui me rejoint pour les 3 derniers jours.
Au programme : voir le plus haut sommet des Grisons, le Piz Bernina. C’est d’ailleurs le seul 4000 du canton. Un sommet qui est sur la liste des 4000 encore à réaliser. On entre dans la vallée de Morteratsch qui nous fait voyager dans le temps. Des panneaux indiquant la position antérieure du glacier bordent le chemin. Ces panneaux nous permettent de nous rendre compte du gigantisme du glacier d’en temps. La fonte du glacier est impressionnante, la perte de volume donne le vertige. Se dire que lors de la deuxième guerre mondiale, un seul glacier recouvrait la vallée alors que maintenant, il est fractionné en une multitude de petits glaciers fait mal au cœur. C’est aussi l’occasion d’étudier l’évolution d’un milieu mis à jour par la fonte du glacier. C’est un milieu pionnier, les dix premières années avec quelques herbes et mousses non vasculaires qui arrivent à pousser dans le limon. Puis, après 30 ans, les premiers arbres, tels que les mélèzes et les saules commencent à s’implanter avant d’être progressivement remplacés par une forêt d’aroles qui est le climax de cette zone.
Le chemin balisé s’arrête au panneau 2015. De là, le glacier a tellement reculé qu’il n’est pas possible de le voir. D’ici, on aperçoit uniquement un énorme pan de roche qui n’était pas du tout visible avant les années 2000. Cette paroi rocheuse fait passé 100m de haut et a résisté à la force d’abrasion du glacier. Ce type de topologie s’appelle un verrou glaciaire car il contraint le glacier à contourner l’obstacle. A l’ombre de cette paroi, agonise un bout de glacier complètement détaché du glacier principal. Il semble y avoir une grotte de glace, malgré les panneaux interdisant l’accès à la zone pour des risques de chutes de pierre, nous nous rendons dans cette petite grotte. Celle-ci fait à peine une dizaine de mètres de long et ne semble pas particulièrement intéressante. C’est sans compter sur les yeux aguerris de Lisa qui sait trouver de la beauté dans les recoins les plus discrets.
Dans une petite fissure du glacier, du givre a poussé et grandi.
Ce microcosme est incroyable, si on s’y plonge, on s’imagine en train de se balader sur une planète glacée avec d’énormes stalactites et stalagmites de toutes parts.
Un paysage surréaliste et glacial.
La difficulté pour capturer la beauté de ce monde miniature est de taille mais je tente de vous la partager au mieux.
On sort ensuite rapidement de cette zone qui est particulièrement instable. De beaux rochers dévalent la pente de la moraine. En moins de 10 minutes, des rivières se sont formées et coulent le long du glacier.
On décide de marcher jusqu’au pied du glacier. On gravit les 100 m du verrou glaciaire en restant le plus éloigné des bords dangereux du vallon. Une fois au sommet du verrou, on distingue une grotte de glace sur le côté du glacier.
Celle-ci est bien plus grande que la première. Dans la partie centrale, une rivière coule sous la glace.
Il y a même quelques petites cascades. Au-dessus des cascades, la glace est marquée par un beau motif d’écaille.
Plus bas dans la grotte, le sol est toujours glacé mais pas de manière uniforme. Ce sont d’énormes cristaux de glace reliés entre eux. Fragile par endroit, il a supporté mon poids la majorité du temps.
Il reste encore une troisième partie à cette grotte, plus cachée. Il faut se faufiler sous la glace en remontant la rivière.
Une petite cascade sous glaciaire cachée jaillit du glacier.
On se remet ensuite en route pour aller jusqu’à ce qui semble être la grotte de glace principale du glacier. En arrivant sur place, il s’avère que c’est en fait un champ de crevasse.
Sans matériel adapté, nous n’irons pas plus loin. De là, on aperçoit le fameux 4000 des Grisons, le Piz Bernina. On croise d’ailleurs aussi quelques skieurs, sur leur chemin du retour.
Une bien belle découverte que cette vallée qui est très accessible avec une gare au début de la vallée et un chemin allant jusqu’au fond. Cependant, on y est allé en basse saison (fin avril). En été, selon les photos satellites, ça doit être l’enfer.
Pour la suite du programme, il me tenait à cœur de visiter une arche de pierre assez peu connue dans la région. C’est une marche géologique, c’est-à-dire qu’un parcours a été défini avec différents marquages pour expliquer la géologie locale. Malheureusement, ce parcours se fait en juin lorsque toute la neige a fondu. Nous avons donc loupé la plupart des marquages et donc l’histoire géologique du lieu. Il s’agit en fait de la plaque océanique autrefois au fond de l’océan de la Téthys qui se retrouve au sommet de ce massif montagneux. On peut donc y trouver des faucilles dans les roches. Nous n’en verrons malheureusement pas à cause de la neige.
D’ailleurs, nous avons aussi failli ne pas voir l’arche tout court. Le chemin ne passant pas vraiment à côté de l’arche, c’est en se perdant un peu de nuit en raquette que l’on tombe dessus un peu par hasard. Cette arche vient d’ailleurs aussi du fond de l’océan. Elle est faite en dolomie, une roche sédimentaire qui se forme à l’abord des abysses.
On installe le camp à côté de l’arche pour la nuit et l’on profite d’un ciel encore un peu dégagé pour tenter quelques images nocturnes. Le centre de la voie lactée et la constellation du scorpion pointent juste le bout de leur nez juste avant d’être complètement obstrués par le nuage.
Cette couche nuageuse va s’intensifier durant la nuit et nous nous réveillerons le lendemain dans une ambiance totalement différente. Entre blizzard, jour blanc et nuage bas.
Constitué de dolomine, elle était au fond de l’océan de a Téthys il y a 100 millions d’années. Puis, lors de l’érection des alpes, elle a été prise en sandwich entre la plaque Eurasienne et Africaine et c’est retrouvée propulsée hors des eaux. Puis avec l’érosion, voila que ces deux morceaux de dolomie sont en équilibre, en appuis l’un contre l’autre. Le surnom de cette arche est « der Kuss » qui veut dire, le baiser. Comme si ces deux blocs de dolomie se faisaient un bisou depuis la nuit des temps. On profite de cet endroit symbolique pour aussi se faire un petit bisou 🙂
On attend ensuite que le temps se calme avant de se remettre en route pour rejoindre la voiture. Au début, le ciel était par endroit dégagé et les ambiances sympas. Mais plus l’on descendait vers la plaine plus le temps devenait maussade. On finira sous la pluie, trempée jusqu’au slip.
Sur la route pour rentrer au pays, on s’arrêt au bord d’un petit lac grisonnais, le Crestasee. Les relfets dans ce lac sont assez magique. Deux petits arbres en fleures semblaient nous appeler de l’autre coté de la berge.
Il y a aussi un jeu de racine tortueux.
Puis, il a fallut se résigner à rentrer. Il n’y a pas à dire, les Grisons renferme tout de même de magnifiques coins!