Tétras Lyres

Je ne fus pas aussi assidu que les années précédentes pour mon suivi de la place de chant habituelle. C’est en partie dû à une semaine dans les Grisons sur les traces du grand cousin du lyres, le grand tétras.

J’ai tout de même pu passer quelques nuits à côté de ces poules des landes. Le premier affût fût plus un repérage avec un affût positionné particulièrement loin de la place de chant afin de repérer si les habitudes de parades ont changé. Il s’avère que les places ne changent que peu au fil des ans. Je profite tout de même de l’occasion pour prendre quelques images lointaines mais le but principal de la sortie et de repérer le futur emplacement de l’affût afin d’avoir un angle de vue intéressant.

Comme je remonte le soir même, je laisse tout l’affût monté sur place ainsi que le matelas et le sac de couchage. En remontant le soir vers 16h, je déplace l’entièreté de l’affût vers le nouvel emplacement. C’est en me couchant dans l’affût que je me rends compte que le point de vue particulièrement bas m’empêche de voir certaines zones de la place de chant et que quelques arolles me bloquent la vue. Il est de toute façon trop tard pour changer d’emplacement car le soir commence à tomber et des femelles ou des mâles particulièrement actifs pourraient commencer à s’approcher de la place. La soirée reste très calme mais au petit matin, les tétras sont bien actifs.

Un de males s’approche de ma ligne de mire alors que le soleil n’est pas encore levé.

On remarque sur ces images que ce mâle c’est déja bien battu, il lui manque quelques plumes autour de l’oeil. Lors des combats, ils essaient d’attaquer le point faible, à savoir les yeux!

Dans leur répertoire de chant, ils ont un gloussement. Ce gloussement raisonne dans leur coup bien épais comme on peut le constater dans l’image ne dessous.

Ils émettent aussi des chhhou-chouuchheeee en sautillant et en donnant un battement d’aile

Avec le rehaussement des températures au petit matin, de la buée apparait dans l’objectif… Je n’ai malheureusement pas pris le petit corps de chauffe pour éviter la condensation. Ca donne des images un peu féerique 🙂

Je démonte l’objectif du boitier pour essuyer la buer pour prendre quelques images maintenant que la lumière est belle

Puis, certain individus quittent la place de chant pour se nourrir et chanter au sommet des mélèzes

Comme je le craignais, les occasions pour mettre en image les danseurs sont assez rares. C’est dommage, car les conditions météos sont très changeantes entre une belle lumière, du jour blanc et même de la neige!

Il joue à cache-cache

Puis la neige s’abbat sur la place de chant. Des ambiances juste magique!

J’entends aussi quelques femelles glousser aux alentours de la place de chant mais elles ne se montreront pas de la matinée.

Je cache l’affût au pied du même arolle que les années précédentes et je laisse les courtisans vaquer à leurs occupations pendant que je pars à la recherche de son plus grand cousin, le grand tétras.

Après 4 jours d’affût consécutifs dans les forêts alpines grisonnes que je détaillais dans cet article, Lisa me rejoint. On part en vadrouille la fin de la semaine découvrir quelques paysages de l’est de la Suisse avant de revenir par le Valais. Lisa, intriguée par la description que je lui fais des parades des tétras, est bien intéressée à découvrir ce rituel printanier. On embarque un affût un peu plus grand (tragopan V5) et l’on se met en route. On décide de ne pas prendre les raquettes car la neige semble avoir passablement fondue. C’était sans compter sur les 50 derniers mètres de dénivelé qui nous prendront autant de temps à faire que les 450 m précédents. On s’enfonce dans la neige détrempée jusqu’aux anches. Petites chaussures et mes jeans de ville complètement blek (jargon local pour dire mouillé jusqu’au slip). Résultat, ces derniers 50 mètres nous donneraient « presque » l’illusion que d’avoir les raquettes sur le dos en cas de rencontre avec la neige, peut s’avérer utile. Mais bon, j’ai bien dit « presque » 😛

Il est temps d’installer l’affût. Celui-ci étant plus grand pour pouvoir y passer à deux (en se serrant), il nous faut terrasser un peu la neige. Quelques coups de pelle plus tard, on a une belle plateforme pour installer l’affût. Contrairement à la semaine dernière, nous sommes un peu en contrebas mais la vue sur la place de chant devrait être optimale si tout se passe comme prévu. Vite en slip dans l’affût pour enlever tous ces habits qui commencent à geler. Se blottir au fond du sac de couchage pour remonter la température corporelle et chauffer au mieux.

Un tétras chante au loin, probablement perché dans un arbre. Il n’est pas vraiment possible de le voir malgré un rapide scan aux jumelles. Un mâle chanteur attirant les autres, d’un coup, venant de nulle part, voici que 3 mâles atterrissent dans un grand fracas d’ailes au milieu de la place de chant. Un instant magique, nous voilà au cœur de l’action.

Les parades et les confrontations s’arrêtent assez vite, ils finissent par rester muets sur la place de chant en attendant que la nuit tombe. Une fois la nuit bien installée, ils décollent pour aller dormir dans les arbres en bordure de clairière. Un moment hors du temps qui promet un matin bien mouvementé car il est assez rare que les coqs soient actifs le soir. C’est aussi pourquoi il faut monter relativement tôt la veille dans l’affût pour éviter de déranger les parades du soir !

Au petit matin, les petits chhhou-chouuchheeee et gloussements d’intimidation nous sortent de notre sommeil. Les voilà au rendez-vous au petit matin sur la place de chant. Il fait encore bien sombre et l’on n’arrive pas à les distinguer dans la neige mais ils sont vraiment à côté, c’est sûr !

Les 4 mêmes coqs défendent leur petit bout de territoire. Deux sont particulièrement revendicateurs et aiment bien s’envoyer dans les plumes. Un autre parade bien plus proche de nous, lors d’un de ses passages, on a même entendu le frottement de ses plumes contre la toile de l’affût. Une proximité exceptionnelle, son chant résonne et s’amplifie à l’intérieur de l’affût. Un spectacle mémorable qui fait pétiller les yeux marrons de Lisa !

« Pour une première, je me sentie si privilégier de vivre de tels instants de spectacle aux abords de la place de chant. Au moment d’entendre les gloussements de ce mâle se rapprocher doucement de nous, puis d’entendre ses plumes frotter contre l’affût, je me sentie tel un petit chenapan. Cachée là, derrière son léger bout de tissu, à guigner les oiseaux dans leur intimité, sans qu’ils aient l’air de se soucier de notre présence. Un spectacle de la nature qui me laisse émerveillée, suspendue dans le temps. »

Les gloussements des femelles aux alentours de la place de chant se font de plus en plus présents.

Puis, incroyable, une femelle passe à droite de l’affût à moins de 2m et remonte toute la place.

Les coqs chantent de plus belle ! Puis, c’est deux mètres à gauche de l’affût qu’une poule passe.

 

Quelques minutes plus tard, voilà que la troisième fait son apparition sur la place.

L’intensité des parades et des combats des mâles augmente exponentiellement.

 

Elles se tiennent toutes les trois au beau milieu de la place de chant pendant que les mâles tentent de les impressionner en leur tournant autour. Je m’imagine même peut-être mettre en boîte mon premier accouplement de tétras !

 

Une des femelles se montre particulièrement agressive envers les autres, ça doit être la matriarche. Si un mâle semble un peu trop s’intéresser à une autre, une petite crise de jalousie surgit.

La femelle, comme les mâles, met les plumes de son croupion en lyre et se met à chasser les autres femelles.

Vraiment cocasse de voir ce comportement.

Malheureusement, aucune femelle n’accepte les faveurs d’un mâle, elles partent toutes doucement sur l’extérieur de la place de chant avant de s’envoler vers la forêt. Quelques minutes plus tard, une quatrième femelle fera son apparition sur la place faisant remonter le taux de testostérone des mâles mais le résultat final sera le même.

 

Le soleil ne restera pas bien longtemps sur la place de chant. Les nuages reprennent le dessus et l’ambiance générale passe au jour-blanc

 

Maintenant que toutes les femelles ont quittées la place de chant, les mâles s’en vont aussi un à un. Certains chantent encore quelques strophs et se font une petite toilette. L’un d’eux nous montre même son popotin en lyre.

On attend avec Lisa dans l’affût bien deux heures que l’activité sur la place de chant soit totalement terminée pour éviter de déranger les tétras en bordure de la place de chant. On remet les habits trempés et gelés de la veille et l’on plie l’affût. On a vraiment eu un spectacle particulièrement intense cette matinée là ! Bien heureux d’avoir pu partager ce moment de vie avec Lisa.

Maintenant, il est temps pour moi d’aller servir sous les drapeaux. Presque trois semaines d’armée. Je laisse tout de même l’affût sur place ce qui m’obligera à venir rendre visite aux tétras une dernière fois de la saison.

*svp remplissez toutes les cases. Merci!