La rencontre avec le gypa

Il y a des moments comme ça où tu te demandes ce que tu fais ? Si tout ça a un sens ?

C’est l’interrogation que j’ai eue lors de ma petite randonnée habituelle mais avec de la neige jusqu’aux genoux. Et si tout cet effort ne servait à rien et qu’au final qu’un grand désert blanc m’attendait ? Ce serait vous mentir que de vous dire que l’envie de rebrousser chemin ne m’ait pas traversé l’esprit. Le fait de m’être levé à 4h30 et d’avoir bien fait 1/3 du chemin m’a motivé à continuer. L’ascension m’aura pris 2 fois plus de temps qu’habituellement. Sans raquette ou ski de randonnée, il était plus facile d’escalader car le vent a laissé la roche à nu.

Après 3h de marche pénible dans la neige, me voici sur le plateau. La neige avec des paternes rocailleux s’étend sur des kilomètres. Le jeu « où est Charly » peut commencer. Avec de la chance une de ces taches peut être un lagopède ou encore plus chanceux, un lièvre variable ! Je ne me fais pas trop d’illusion car j’ai plus de chance d’être bredouille que de tomber sur ces as du camouflage.

Il ne fallut pas long pour oublier la pénible montée, voilà que 30m devant moi, 2 lagopèdes s’éloignent d’un air apeuré. J’arrête immédiatement mon avancée et attend que les deux compères se calment et m’oublient. Un individu est caché derrière une bosse et l’autre à juste la tête qui dépasse et surveille mes moindres faits et gestes.  Très lentement, je rampe vers un caillou qui me fera office d’écran ainsi que repose objectif.

Me voilà bien placé, il ne reste plus qu’à attendre que les perdrix des neiges m’acceptent et reprennent leur train de vie. Je me replie derrière le caillou et met les mains dans les poches car les températures sont bien fraiches. Après un bout de temps, une grande silhouette attire mon attention dans le ciel. Pas de doute possible, cet immense voilier ne peut qu’être le gypaète barbu ! Quel plaisir de le revoir dans cette région ! La dernière fois que je l’avais vu, c’était il y a exactement 8ans en 2010.

Le gypaète effectue de nombreux posés sur une arrête bien trop loin pour faire des photos mais une observation magnifique. Il a probablement trouvé une carcasse et jette les os au sol pour les briser. Lentement je bouge mon objectif pour immortaliser la scène. Après quelques minutes le gypaète s’éloigne et je perds sa trace. Il a dû repartir dans ses quartiers me dis-je.

Voilà que le deuxième lagopède qui c’était caché sort derrière la bute et se nourrit paisiblement devant moi.

Il se gratte aussi.

Et prend même la pause !

L’autre individu par contre reste de marbre et ne n’a toujours pas cligné des yeux, il me fixe toujours ! Je me dis que bien vite, voyant son collègue confiant devant lui, il s’avancera. Il se détachera ainsi sur l’arrêt et je pourrais lui tirer le portrait.

Malheureusement le gypaète n’est pas du même avis. Il a dû me repérer de loin et comme je ne bougeais pas, il est venu en personne pour déterminer si j’étais encore vivant ou si j’étais plus appétissant. Je l’ai vu à temps planer vers moi.

Mon cœur s’emballe, pas le temps de changer les réglages de l’appareil. Je prends les images à la va-vite, il s’approche dangereusement.

J’entends des bruits d’ailes, les deux lagopèdes décollent effrayés par cette masse qui pourrait être un aigle à leurs yeux.

Je continue à prendre des images, trop proche, il ne passe plus dans le cadre !

Le voilà déjà reparti, rien d’intéressant pour lui, il préfère les cadavres. Quel moment intense, je n’en reviens pas !

Maintenant, c’est sûr que ça valait bien la peine de monter jusqu’ici avec de la neige jusqu’aux genoux !

Je regarde si les lagopèdes se sont posé dans les environs. Je ne vois rien ni au sol ni dans les airs. Je continue à prospecter le plateau et tourne le regard de temps à autre vers le ciel pour espérer apercevoir la silhouette du gypa. Au loin des croassements de grand corbeau des alpes, intéressant car c’est une espèce très territoriale qui chasse tout intrus. J’ai vu juste, il houspille le gypaète.

C’est loin mais le comportement est intéressant, les attaques du corbeau oblige le gypaète à changer de trajectoire et à battre des ailes.

Il est rare de le voir battre des ailes car il est bien moins énergivore de planer et de se laisser porter par les thermiques.

Ainsi se termina cette matinée. C’est avec le sourire que je glisse les pentes sur le chemin du retour. Ma route croise encore celle d’une étagne. Comme quoi les rencontres inattendues peuvent toujours survenir ! L’effort est souvent récompensé !

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