Le grand tétras, l’enchanteur des forêts

Le printemps pointe le bout de son nez. Les crocus transpercent la fin couche de neige restante et les oiseaux chantent leurs amours à qui veut bien les entendre.
Il est temps de quitter la place de chant des tétras lyres pour rendre visite à son grand frère,  le grand tétras.
J’y avais consacré beaucoup de temps l’an dernier dans le cadre du projet de la bourse Iris. Le grand tétras était la cerise sur le gâteau du reportage sur les galinacé des Alpes. Le plus grand, imposant et impressionnant de nos poules alpines m’avait un peu laissé sur ma faim. Deux semaines de repérage et d’affut pour au final une seule image. Mais quelle image! Pour ceux qui ne l’ont pas vue, c’est par ici

Sur les traces du plus grand gallinacé de nos alpes: le grand tétras

Les tetraonidés ont leur habitude. Le repérage et l’analyse de leur comportement est la partie la plus fastidieuse et chronophage en photographie naturaliste. Mais une fois faites, le gros du travail n’est plus à faire.
Je profite donc de 4jours de congé pour m’éclipser dans les grandes étendues forestière des alpes grisonnes.
J’y retourne un poil plus tard que l’an dernier en espérant tomber pendant la période la plus active des pariades. La neige est aussi bien moindre que l’an dernier. La plupart des routes et chemins sont dégagés facilitant grandement l’accès. Arrivé sur place, pas une minutes à perdre, je prépare l’affût,  le matelas, le sac de couchage et le materiel photo. Une fois le tout empacté, je retourne sur les traces de l’an dernier.
Les premiers indices sont prometteurs. Je croises des crottes cylindriques caractéristiques du grand tétras.

Puis, c’est l’effroi! Au détour d’un contour, je vois la forêt ratiboisée.

Une coupe vient d’avoir lieu. La sciure est encore bien fraiche et l’odeur du bois coupé est bien présente. La forêt a été clairsemée, il reste des arbres ici et là. C’est le biotope parfait pour le grand tétras mais pourquoi procéder à un tel chantier pendant la période de parade du tétras ?
Est-ce que les tétras ont été derangé et ont quitté la zone? Je crains que le reperage de l’an dernier ai été vain.
Il se fait déjà tard, je réfléchirai à la question une fois dans l’affût, j’auraisplus de 52heures à attendre. Je monte la tente, gonfle le matelas et sort le sac de couchage. Une fois l’appareil photo en place, j’attend patiemment assis sur ma chaise de camping.

La nuit tombe et j’entend les gloussements des tétras qui résonnent dans la foret. Soulagé et heureux de les entendre, je tente des les apercevoir à travers les petits fenêtres de l’affût. Malgré leur gloussement et le bruit assourdissant de leur vol maladroits, je ne les vois pas. La nuit est maintenant bien là, je ne distingue plus les cailloux de l’herbe en face de moi. Juste avant de jetter l’éponge et de me glisser au fond du sac de couchage, j’entre aperçoit la silhouette d’un tétras atterissant sur la pointe d’un mêlez.

Voila donc où ils se cachent en soirée, ils restent au sommet des arbres à déguster des bourgeons de mêlez bien juteux prêt à éclore. De temps à autre, d’un mouvement de tête du bas vers le haut, les grand tétras affirme leur presence d’un gloussement du sommet de leur garde manger. Une fois le stock de bourgeons de mélèze épuisé, le tétras s’envole pour s’affairer à un autre arbre.

J’observe ce spectacle de longues minutes durant avant de me laisser aller a des rêveries au chaud dans mon sac de couchage.
Le froid me réveille a quelques reprise pendant la nuit, environ -3°C mais un environnement très humide du aux pluies de la veille. Quelques flocons se sont même deposé sur la tente pendant la nuit.
A 5h20, ce sont les gloussement des grands coqs qui m’extirpent de mon sommeil. Des petits « gloupe » comme si des goutes d’eau tombaient dans une flaque. La foret semble comment emprise de magie avec cette ambiance matinale surealiste. C’est avec une grâce comparable à une planche de bois que je pivote sur le coté de mon matelas gonflable et que je me hisse sur la chaise de camping pour scuter les tétras. Il fait encore bien trop sombre pour discerner quoi que ce soit mais c’est un moment magique ou je me laisse bercer par gloussement. Il y en a de plusieurs sortes: les gloupes, les chants de parades ainsi que les petit gloussement des femelles. Il y a du beau monde qui s’active dans le coin.

Au minimum quatre mâles chanteurs et deux femelles. La coupe de la forêt ne semble pas les avoir traumatisé au point de changer de parcelle de chant.


Plus facile a entendre qu’a voir mais voici que le coq de haut de la pente descend jusqu’en bordure du territoire du coq du bas de la pente. Les deux se retrouve sur la délimitation fictive de leur territoire et échangent quelques coups de bec pour bien se mettre d’accord sur la frontière. Ce petit règlement de compte c’est malheureusement passé en dehors du champ de vision de l’appareil photo mais j’ai pu immortalisé leur allé et venue.


Ils continuent ensuite à chanter à l’abris des regards caché par les sapins. Le spectacle musical continue jusqu’au premier rayon du soleil.

Le coq du haut profite de l’occasion pour chanter dans une clairière plus degagée pour mon plus grand bonheur.

 

Il effectue même de petits vol-planné pour bien affirmer sa présence!

Il se met même en évidence sur une souche fraichement coupée lors de la dernière éclaircie de foret

Je profite aussi de la lumière suffisante et de la haute résolution de mon appareil photo pour faire des gros plan de ce magnifique oiseau. On peut distinguer cet incroyable effet de moiré sur son plumage!

Parfois il tend la tête droit au ciel lui donnant un air un peu cocasse. Avec cette position, sa petite barbiche est particulièrement visible.

La foret se calme, l’hystérie du petit matin laisse place au bruit du vent sifflant à travers les épines de sapin. Les mâles partent se reposer en foret. Les femelles probablement aussi mais elles sont si discrète que je n’en ai pas aperçu.
Ce calme dure pendant toute la période la plus chaude de la journée.  Les petits flocons posé sur mon objectif photo se sont maintenant transformé en petite gouttelettes d’eau. Vers les 16h, les mâles les plus au taquet reprennent du service.

J’ai pu en entrapercevoir un à travers les branchages de la foret depuis l’affût.

Un moment assez irréel avec cette lumière de journée qui fait scintiller l’image.


Le soir approchant, les tétras reprennent de la hauteur pour grignotter des bourgeons de mêlez. Evidement, ils choisissent des arbres qui sont forcément caché par d’autres depuis l’affût.

Après bien 2 heures de picorage de mêlez, le mâles semble intriguer par la présence d’un autre mâles.  Il s’envole pour atterir pas loin de l’affût,  derrière,  dans un sapin. De là,  il commence son petit bâle au sommet de l’arbre pour impressionner le rival. Après quelques coup de gueule, il se remet à picorrer des jeunes pousses de sapin.
Une fois la nuit bien tombée, les mâles descendent au sol pour parader. Malheureusement, il fait bien trop sombre pour y voir quoique ce soit. Je profite de ce concert comme d’une berceuse. La nuit est bien plus douce et agréable que la précédente.
Les tétras, réglé comme une horloge Suisse, me réveille à nouveau à 5h27. Pendant que je passe du matelas à la chaise enroulé dans mon sac de couchage tel une chenille, les femelles tétras motives les mâles du haut de leur arbres. J’imagine qu’elles sont dans les arbres… ce que je sais, c’est qu’elles font tourner la boule au mâles. Moi qui espérer que le male « du haut de la pente » se montre en spectacle devant l’objectif, quenini. Celui-ci attiré par les gloussements de madame descent parader en contre bas. Mais où est le mâle « d’en bas de la pente »? Il n’a pas l’air d’être là ce matin. Celui de haut parade au pied de l’arbre d’où émane les gloussements. Je tente tant bien que mal de me contorsionner pour lui tirer le portrait mais ce n’est pas bien évident.

L’affût n’est pas placé pour photographier cette région et de plus, pleins de branchage bloque la vue.


Après bien deux heures à faire la coure, la belle n’en demore pas, elle ne se devoile pas. Par contre, voila que le mâle de bas de la pente reviens dans sa zone.

Le face à face d’intimidation ne suffit pas, ils en viennent aux pattes et au bec!

Les deux se volent dans les plumes et disparaissent en contre bas dans un brouaha de battement d’ailes. Ça n’arrête pas, quel raffut,  quel remu ménage. Je m’en viens même à avoir de la peine pour eux, j’espère qu’il ne se blessent pas! J’ai presque envie de sortir de l’affût pour les séparer,  leur dire que le jeu en vaut pas la chandelle? Mais pour eux, ca compte vraiment. Montrer à la dame au sommet de l’arbre qui est le plus fort des lieux. Qui sera le plus digne d’assurer la descendance. Car ce qui est certain, c’est que la survie pour les générations futures sera ardue. Depuis 1970, la population Suisse de grand tétras dans les alpes à fondue de deux tière passant de 1500 individu à moins de 500 aujourd’hui.  La tendance n’est malheureusement pas en train de s’inverser, le morcellement du territoire par l’homme et la destruction des vieilles forêts pousse la population du plus grand galinacé de nos Alps dans ses derniers retranchement. Pourtant, tout n’est pas encore perdu, ici, le nombre d’individus permet encore de maintenir l’espèce contrairement au Jura ou les populations sont tellement diminuées par la pression humaine qu’il en devienne littéralement fou. Ils perdent leur comportement naturel, paradent toute l’année et deviennent agressif envers les humains.
Finalement,  en pensant à la situation du tétras en Suisse, je me sens privilégié de pouvoir assister a ce combat entre deux coqs. Puis, les battements d’ailes se taisent. Je scrute en plissant les yeux à travers les filets de l’affût. Là, sur la gauche, je le vois! Le tétras d’en haut qui remonte à toute allure le talus coursé par le tétras du bas. Une scène digne de la race d’hereins. Le male avoue sa défaite et remonte dans son territoire avec une touffe de plumes en moins sur l’aile.

Le tétras du bas est maintenant seul maître des lieux et continue a parader pour impressionner la dame. Mais, de ce que j’en ai vu à travers les branchages bien épais, il ne me semble pas que madame aie succombé aux faveurs du vainqueur ! Tout n’est peut-être pas encore perdu pour le tétras du haut?
Après ce moment fort en émotions,  la forêt retrouve son calme de longues heures durant. De quoi commencer à écrire le début de l’article du grand tétras dans l’affût sur mon smartphone. Et voila que j’ai ratrappé le présent. ha, encore une chose, je crois que j’ai du mettre l’affût pas loin d’un nid de fourmis car je suis en train de me faire envahir. Elles sont devenues hyperactif avec ce soleil de midi!
J’enregistre le texte, j’éteins le téléphone et j’espère continuer la suite de ce texte demain avec de nouvelles anecdotes de terrain croustillantes 🙂

Le lendemain, le tétras du haut était au rendez-vous. Paradant d’abord sur les hauts, invisible derrière les arbres. La luminosité augmentant, il se montre sur la pente dégagée, juste devant l’affut.

Ses roucoulement se font en donnant de violents coups de tête répétés

Il fait sa toilette et manque quelques pousses de sapin.

Quelques dizaines de minutes avant que le soleil ne perce la canopée, il descend sur la route, parade un court instant avant de disparaitre dans les bas fond de la foret pour le reste de la matinée.

Un spectacle qui restera longtemps encré dans ma mémoire. 4 jours incroyable à suivre cette espèce qui incarne nos vieilles forets, plus de 52h d’affut! Une espèce mystérieuse et emblématique qui me fond vibrer au plus profond de mon être!

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