Avec mes débuts en spéléologie et mes cours d’accompagnement en montagne (AMM), j’ai découvert une nouvelle facette de notre monde au travers de la géologie. Cette vaste science s’intéresse notamment à la formation et à l’histoire des roches qui nous entourent. D’ailleurs une phrase d’un ami géologue en formation AMM, Manu, m’a particulièrement interpelée : « Tous les cailloux, comme chacun et chacune d'entre nous, sont des immigrés. En effet ils proviennent tous d'ailleurs. Leur voyage est le résultat de la conjonction de la tectonique des plaques et de l'érosion ». L’histoire des roches est passionnante, il faut juste apprendre à les écouter, lire entre leurs strates.
Dans ce billet de blog, nous allons nous plonger dans un réseau *karstique qui a la particularité de s’être développé dans du gypse.
Le gypse se reconnait par sa friabilité et sa blancheur
Cette roche a une longue histoire qui nous fait remonter à des temps immémoriaux. Elle commence vers la fin du Trias, il y a un peu plus de 200 millions d’années avant notre ère. À cette époque le super continent, la Pangée, n’est pas encore fragmenté. La croûte continentale qui sera prise plus tard en sandwich dans la formation des Alpes est recouverte par une mer peu profonde en périphérie de l’océan Téthys. Le climat y est chaud, ce qui favorise la formation de la roche qui nous intéresse ici : le gypse.
Il s’agit d’une évaporite, ce qui signifie que cette roche s’est formée par l’évaporation d’une eau surchargé en *sel dissout. Le gypse est un sel comme notre fameux sel de table (chlorure de sodium). Tout comme lui, il peut se dissoudre dans l’eau. L’eau a le pouvoir de casser le lien qui relie le Na (sodium) au Cl (chlorure). Ce pouvoir est limité et s’il y a trop de sel, la concentration de sel dissous atteint un maximum. Le mélange est alors saturé et le sel en trop reste solide.
Cristaux de gypse se formant sur les parois d'une mine.
Des goutes saturées en sulfate de calcium s'éclaboussent au sol et forment ces cristaux
L'eau infiltrée dans la roche a une pression permettant de dissoudre le gypse. Une fois hors de la roche, la pression et la température diminue et le sel se cristallise contre les surfaces alentour.
Les cristaux de gypse ont une forme parallélépipédique (pas en pyramide comme d'autres cristaux)
A la fin du Trias, le climat chaud et les mers peu profondes commencent à s’évaporer. En évaporant l’eau de la mer, la concentration en gypse, plus précisément sulfate de calcium (CaSO4), augmente. L’eau devient saturée et le gypse repasse à l’état solide : il précipite et s’amoncèle avec le temps en strate sur les fonds marin.
Après la formation de cette roche, au terme du Trias, le contexte tectonique se retrouve à nouveau bouleversé : une nouvelle période commence, celle du Jurassique qui s’étend de 200 à 145 millions d’années. Le climat est globalement plus chaud de 5 à 10 degrés par rapport à aujourd’hui. Le taux de CO2 est aussi dix fois plus élevé. Les dinosaures parcourent les plages, des libellules d’un demi-mètre survolent les marécages et la vie bas son plein dans les mers peu profondes en marge des continents. Au cours de ces millénaires, des générations d’ammonites, de crocodiles marins, coraux, oursins, poissons et crustacés se reproduisent, folâtrent, s’adaptent et finissent par mourir. Tout le calcium contenu dans les squelettes et les coquilles de crustacé s’accumulent en formant des strates par-dessus notre gypse. Tout ce processus de déposition va se poursuivre pendant la fermeture progressive de l’océan Téthys durant la deuxième moitié du Crétacé (145 à 65 millions d’année avant notre ère).
La formation des Alpes commence avec la collision entre le continent Européen et *l’Apulie (un microcontinent au Nord de l’Afrique) au cours du Paléogène, il y a entre 65 et 23 millions d’années. Notre couche de gypse est prise en sandwich entre différents niveaux géologiques et va subir des déformations tectoniques. Avec l’érosion des jeunes Alpes, le gypse retrouve à nouveau la lumière du soleil. Cela après un incroyable périple souterrain de près de 200 millions d’années !
C’est alors que le processus de karstification peut commencer. Contrairement au calcaire massif, le processus d’érosion sera beaucoup plus rapide dans le gypse.
Bloc de gypse en cours d'érosion dans une gouille d'eau (on remarque la poussière de gypse érodée au pied de la structure)
Il est très friable et se dissous plus facilement dans l’eau. De part cette solubilité élevée, des galeries souterraines se forment facilement par dissolution avec l’infiltration de l’eau de pluie.
Un exemple de galerie formée par l'eau dans une couche de gypse
Tout un réseau en perpétuelle transformation se met en place.
Une stalactite de gypse en cours de formation (de type cristalline)
Des concrétions s’y forment et peuvent à nouveau disparaître pour se reformer plus loin: l’eau de percolation dissout du gypse par endroit et le fait précipiter ailleurs en stalactites, stalagmites, draperies, perles ou d’autres spéléothèmes dû à la différence de pression de l’eau, de la température et du taux de concentration.
Les précipitations du gypse s’organisent en fins filaments et cristaux croissant goute après goute jusque à former une petite stalactite qui s’allongera avec le temps.
Le diamètre des filament que l'on aperçois est dans les 0.04mm soit la taille d'un cheveu.
goute après goute, les cristaux grandissent, s'entremêlent
goutte après goutte, la stalactite s'allonge
Parfois les structures semblent en équilibre, semblent défier la physique
Une fistuleuse est une concrétion tombant du plafond extrêmement fine et fragile
Des impuretés comme du pollen peuvent être pris au piège dans une concrétion
Naissance d'une stalactite. Petit à petit les cristaux de gypse se rejoignent et forme la base d'où goutera les futures gouttelettes
Le gypse se dissolvant plus facilement que le calcaire, les concrétions de gypse peuvent se former en une dizaine d'année alors qu'il faut en compter une dizaine de millier pour le calcaire.
Lorsque des goutes d'eau saturée tombe au sol, des perle des cavernes en gypse (pisolithe) peuvent se former
Ce sont des grottes dangereuses et très instables par nature. Il n’est pas rare que des pans de gypse complets collapsent et obstruent d’anciennes galeries.
Arche de gypse et bloc de gypse en cours de dissolution
Tout récemment d'ailleurs, un trou de 1m20 c'est ouvert sur une autoroute! Le gypse sous le bitume c'est dissout fragilisant le couches supérieures jusqu'à l'effondrement de la route. Par chance, le trou a été découvert avant un malheureux accident!
Si l’on rajoute encore à cela l’activité humaine à proximité avec l’extraction du gypse à coup d’explosifs pour fabriquer du plâtre, les grottes deviennent carrément dangereuses !
S’y aventurer nécessite de bien connaitre le réseau, les périodes de minage en cas d’exploitation et de ne pas oublier les règles de base en avertissant en amont des personnes de confiance et expérimentées au secours.
Toujours s'aventurer dans une grotte avec des personnes expérimentées (ici Benjamin) et appliquer les règles de sécurité de base de spéléo
Même en prenant toutes ces précautions, il y a *des dangers objectifs : le caractère très instable et friable du gypse engendre des chutes de bloc imprévisibles.
C’est en connaissance de cause et en adoptant un comportement qui minimise au maximum *les risques que l’on s’aventure dans les entrailles de la terre. Une fois arrivé à la hauteur de la nappe phréatique, tout semble figé. En l’absence de courant d’air, les petits lacs de la nappe agissent comme des miroirs.
Lac qui semble figé dans le temps d'un bleu azur. Notez les nombreux blocs rocheux tombés de la voute de la grotte.
Notez les différences de couleurs dans la roche du plafond. On distingue clairement les différentes "strates" typiques d'une roche sédimentaire/évaporite
Il devient presque impossible de différentier le reflet du fond du lac. Ce bleu cristallin, cette roche blanchâtre, ces reflets et cette pureté semblent presque irréels.
Eau de nappe phréatique formant un petit lac.
Par endroit, de fines plaques blanches flottent à la surface de l’eau.
Du gypse cristallisé sous forme de plaque en surface
En regardant plus attentivement, on discerne des petites dendrites, comme plein de petits flocons de neige accolés.
Plaque typique formée à la surface de l'eau
Vue rapprochée de plaque en formation
Cristallisation du gypse en surface formant des petits cristaux
Détail des cristaux
Il s’agit en faite du sulfate de calcium qui se recristallise à cause d’un taux de saturation en gypse trop élevé. Celui-ci se cristallise en formant ces petits flocons qui s’agglomèrent de plus en plus jusqu’à former de fines plaques.
Déchirement d'une fine plaque suite à une perturbation dans l'eau
Bulle d'air emprisonnée sous la plaque
Différentes densités de cristaux
Les plus gros cristaux font 0.15mm de long
Les plus petits cristaux font 0.04mm ce qui est ridiculement petit!
C’est un peu le même processus que les salières en bord de mer. Ces petites plaques flottent grâce à la tension superficielle de surface de l’eau. A la moindre perturbation, ceux-ci décrochent et coulent au fond de l’eau.
Le même phénomène qu’a la fin du Trias, il y a plus de 200 millions d’années, se reproduit en quelque sorte! Quel privilège de pouvoir observer ces réactions chimiques si particulières à l’état naturel.
Il n’y a pas que le cycle de l’eau avec son évaporation, ses pluies, ses glaciers, ses rivières et lacs, il y a d’autre cycle. Voir en direct une partie du cycle du calcium avec la roche sédimentaire formée il y a des millions d’années, son érosion par l’eau de pluie, ses reformations dans des stalactites, sa dissolution dans l’eau de nappe, sa recristallisation en surface et ses précipitations au fond des petits lacs souterrains me laissent pantois. Je retrouve mon âme d’enfant devant ce type de phénomène. J’en viens même à imaginer des cycles encore plus fous. Je m’imagine le cycle du méthane sur Titan, une des lunes de Saturne. Tout là-bas dans notre système solaire, du méthane liquide coule le long des rivières, forme des lacs, s’évapore et retombe sous forme de pluie de méthane. Je ne verrai probablement jamais ce cycle d’hydrocarbure mais la vue de ce cycle du calcium suffit largement à attiser ma curiosité. Cela me motive à découvrir encore plus de trésors cachés.
Toutes ces beautés naturelles sont très fragiles et doivent être préservées. En plus de la destruction de ces joyaux par l’exploitation humaine du gypse pour la fabrication de plaque de plâtre, s’ajoutent les déprédations des visiteurs peu scrupuleux. Ces grottes peuvent pour certains être facilement accessibles. Malgré le risque élevé et le danger omniprésent, des curieux et curieuses s’aventurent parfois dans ces grottes à la recherche de sensations fortes. Malheureusement, un manque de formation, d’éducation ou même parfois un coté narcissique et d’égo détruisent ces lieux.
On peut retrouver des bougies, des emballages plastiques et d’autres ordures transformant des grottes en décharges.
Emballage de "ShupaShups" en plastique trouvé dans une grotte naturelle de gypse
Une fleur en plastique "décorant" la grotte
On y trouve même parfois des foyers qui noircissent les parois de la grotte, enfument les chauves-souris ou même d’autres personnes pouvant se trouver ailleurs dans la grotte.
reste de foyer
On y trouve aussi des amoncellements de pierre formant des cernes ainsi que des déjections. On y retrouve aussi des graffitis réalisés à la bombe ou à la suie d’acétylène contre les parois marquant le passage de personnes en manque d’ego avec des noms, des dates et même des messages religieux, d’amour et de haine.
Merci Frank
Merci Claudy Moix
Merci Waser
L’histoire de l'image ci-dessus:
Il y a 130millions d'années, l'océan Téthys se forme, des animaux y vivent et y meurent augmentant le taux de sulfate calcium dans l'eau.
Il y a 80millions d'années, l'océan Téthys commence à se refermer, l'eau s'évapore et le gypse se cristallise au fond de l'océan et forme des couches.
Il y a 50millions d'années, le fond de l'océan Téthys se fait complètement écraser et expulser, pris en sandwich entre la plaque tectonique Africaine et Européenne. Les déformations dessinent les plissements que l'on voit.
Il y a 20mille ans, des glaciers, des infiltrations d'eau dissolvent le gypse créant des grottes et des éboulements
Il y a 30ans, des humains narcissiques indiquent leur passage sur une oeuvre d'art, une fresque naturelle façonnée depuis une centaine de millions d'années
Je suis bien désolé de finir sur cette note en demi-teinte mais il m’est impossible de parler des beautés de la nature sans relever le coté malsain de l’humain. Il y a malheureusement un grand manque de sensibilisation à cette problématique et j’espère apporter une petite pierre à l’édifice par cet article.
Pour ne pas en rester là, je pense organiser un nettoyage de quelques cavités pour leur rendre leur aspect naturel (en m’assurant qu’il n’y ait plus de chauve-souris en hibernation ou en train d'élever leurs portées).
Le grand rhinolophe, une espèce rare et sensible habitant pouvant habiter dans les grottes/mines de gypse
Et pourquoi ne pas sensibiliser les jeunes en organisant des conférences dans les classes d’école ?
Un grand merci pour votre lecture, ne cessez jamais de vous laisser émerveiller par la nature et laissez là aussi naturelle qu’elle est 😊
Un grand merci à Antony, Géologue en formation pour sa relecture et nombreuses précisions et complément sur la partie hydro-géologique de l’article. J’ai malheureusement dû simplifier beaucoup de détails techniques. Cependant, vous trouverez quelques précisions dans les notes et définitions ci-dessous :
* karstique : ‘’Le karst est une structure géomorphologique résultant de l'érosion hydrochimique et hydraulique de toutes roches solubles, principalement de roches carbonatées dont essentiellement des calcaires.’’ Source
*Spécificité des différents ères cités :
Trias : 250 à 200 millions d’années avant notre ère. Le climat est particulièrement chaud. La Pangée n’est pas encore fracturée. Plus de précision
Jurassique : 200 à 145 millions d’années avant notre ère. Le climat est globalement plus chaud de 5 à 10 degrés par rapport à aujourd’hui. Le taux de CO2 est aussi dix fois plus élevé. Plus de précision
Crétacé : 145 à 65 millions d’années avant notre ère. Le climat est moins chaud qu’aux périodes précédentes (Trias, Jurassique). Durant la deuxième moitié de cette période, l’océan Téthys se ferme progressivement. Plus de précision
Paléogène : 65 à 23millions d’années avant notre ère. Le climat est toujours chaud. Les Alpes commencent à se former avec la collision entre la plaque Eurasienne et Africaine au début de cette période. Plus de précision
*Mer ou Océan ?: Pour faire simple, on parle d’océan quand il y a une croûte océanique conséquente et de mer lorsque l’eau recouvre surtout de la croûte continentale (ex : la mer Méditerranée).
*sel : Le terme ‘’sel’’ regroupe ici un assemblage d’atomes ou molécules qui peuvent se retrouver sous forme ‘’aqueuse’’, c’est-à dire dissout dans l’eau et combiné avec les molécules H2O qui le compose.
*Risque: En gestion du risque en montagne, on parle du risque résiduel qui est le résultat d’une division entre les dangers et le comportement des gens vis-à-vis de ce danger. En ce sens un sentiment de sécurité dû par exemple à des années de pratique sans accident peut conduire à des comportements dangereux. Cela peut être appelé ‘’le paradoxe du sentiment de sécurité’’, puisqu’il conduit à un comportement dangereux pour soi-même et les autres, secouristes compris ! Il y a un autre type de sentiment de sécurité généré par le manque d’expérience et d’année de pratique. Or la spéléologie et les sports de montagne sont surtout des affaires d’expérience et d’années de pratique. Au final, ce qui permet d’adapter notre comportement au mieux, c’est la conscience du danger et encore plus des conséquences d’un accident)
*Danger objectif ou subjectif ?: si on peut causer la déstabilisation d’un bloc, d’une avalanche ou tomber, c’est un danger subjectif, vue que l’humain est la cause déclenchante de l’événement qui peut générer l’accident. Si la déstabilisation n’est pas causée par l’humain ou autrement dit, si l’humain n’a pas le contrôle sur ce déclenchement, on parle de danger objectif. Là, les seules stratégies, c’est d’éviter complètement le danger ou sinon au moins réduire le temps d’exposition.
Étant déjà dans le canton des Grisons pour la quête du grand tétras, je profite de l’occasion pour visiter ce beau pays en compagnie de Lisa qui me rejoint pour les 3 derniers jours.
Au programme : voir le plus haut sommet des Grisons, le Piz Bernina. C’est d’ailleurs le seul 4000 du canton. Un sommet qui est sur la liste des 4000 encore à réaliser. On entre dans la vallée de Morteratsch qui nous fait voyager dans le temps. Des panneaux indiquant la position antérieure du glacier bordent le chemin. Ces panneaux nous permettent de nous rendre compte du gigantisme du glacier d'en temps. La fonte du glacier est impressionnante, la perte de volume donne le vertige. Se dire que lors de la deuxième guerre mondiale, un seul glacier recouvrait la vallée alors que maintenant, il est fractionné en une multitude de petits glaciers fait mal au cœur. C’est aussi l’occasion d’étudier l’évolution d’un milieu mis à jour par la fonte du glacier. C’est un milieu pionnier, les dix premières années avec quelques herbes et mousses non vasculaires qui arrivent à pousser dans le limon. Puis, après 30 ans, les premiers arbres, tels que les mélèzes et les saules commencent à s’implanter avant d’être progressivement remplacés par une forêt d’aroles qui est le climax de cette zone.
Le chemin balisé s’arrête au panneau 2015. De là, le glacier a tellement reculé qu’il n’est pas possible de le voir. D’ici, on aperçoit uniquement un énorme pan de roche qui n’était pas du tout visible avant les années 2000. Cette paroi rocheuse fait passé 100m de haut et a résisté à la force d’abrasion du glacier. Ce type de topologie s'appelle un verrou glaciaire car il contraint le glacier à contourner l’obstacle. A l’ombre de cette paroi, agonise un bout de glacier complètement détaché du glacier principal. Il semble y avoir une grotte de glace, malgré les panneaux interdisant l’accès à la zone pour des risques de chutes de pierre, nous nous rendons dans cette petite grotte. Celle-ci fait à peine une dizaine de mètres de long et ne semble pas particulièrement intéressante. C’est sans compter sur les yeux aguerris de Lisa qui sait trouver de la beauté dans les recoins les plus discrets.
Dans une petite fissure du glacier, du givre a poussé et grandi.
Ce microcosme est incroyable, si on s’y plonge, on s’imagine en train de se balader sur une planète glacée avec d'énormes stalactites et stalagmites de toutes parts.
Un paysage surréaliste et glacial.
La difficulté pour capturer la beauté de ce monde miniature est de taille mais je tente de vous la partager au mieux.
On sort ensuite rapidement de cette zone qui est particulièrement instable. De beaux rochers dévalent la pente de la moraine. En moins de 10 minutes, des rivières se sont formées et coulent le long du glacier.
On décide de marcher jusqu’au pied du glacier. On gravit les 100 m du verrou glaciaire en restant le plus éloigné des bords dangereux du vallon. Une fois au sommet du verrou, on distingue une grotte de glace sur le côté du glacier.
Celle-ci est bien plus grande que la première. Dans la partie centrale, une rivière coule sous la glace.
Il y a même quelques petites cascades. Au-dessus des cascades, la glace est marquée par un beau motif d’écaille.
Plus bas dans la grotte, le sol est toujours glacé mais pas de manière uniforme. Ce sont d'énormes cristaux de glace reliés entre eux. Fragile par endroit, il a supporté mon poids la majorité du temps.
Il reste encore une troisième partie à cette grotte, plus cachée. Il faut se faufiler sous la glace en remontant la rivière.
Une petite cascade sous glaciaire cachée jaillit du glacier.
On se remet ensuite en route pour aller jusqu’à ce qui semble être la grotte de glace principale du glacier. En arrivant sur place, il s’avère que c’est en fait un champ de crevasse.
Sans matériel adapté, nous n’irons pas plus loin. De là, on aperçoit le fameux 4000 des Grisons, le Piz Bernina. On croise d’ailleurs aussi quelques skieurs, sur leur chemin du retour.
Une bien belle découverte que cette vallée qui est très accessible avec une gare au début de la vallée et un chemin allant jusqu’au fond. Cependant, on y est allé en basse saison (fin avril). En été, selon les photos satellites, ça doit être l’enfer.
Pour la suite du programme, il me tenait à cœur de visiter une arche de pierre assez peu connue dans la région. C’est une marche géologique, c’est-à-dire qu’un parcours a été défini avec différents marquages pour expliquer la géologie locale. Malheureusement, ce parcours se fait en juin lorsque toute la neige a fondu. Nous avons donc loupé la plupart des marquages et donc l’histoire géologique du lieu. Il s’agit en fait de la plaque océanique autrefois au fond de l’océan de la Téthys qui se retrouve au sommet de ce massif montagneux. On peut donc y trouver des faucilles dans les roches. Nous n’en verrons malheureusement pas à cause de la neige.
D’ailleurs, nous avons aussi failli ne pas voir l’arche tout court. Le chemin ne passant pas vraiment à côté de l’arche, c’est en se perdant un peu de nuit en raquette que l’on tombe dessus un peu par hasard. Cette arche vient d’ailleurs aussi du fond de l’océan. Elle est faite en dolomie, une roche sédimentaire qui se forme à l’abord des abysses.
On installe le camp à côté de l’arche pour la nuit et l’on profite d’un ciel encore un peu dégagé pour tenter quelques images nocturnes. Le centre de la voie lactée et la constellation du scorpion pointent juste le bout de leur nez juste avant d’être complètement obstrués par le nuage.
Cette couche nuageuse va s’intensifier durant la nuit et nous nous réveillerons le lendemain dans une ambiance totalement différente. Entre blizzard, jour blanc et nuage bas.
Constitué de dolomine, elle était au fond de l'océan de a Téthys il y a 100 millions d'années. Puis, lors de l'érection des alpes, elle a été prise en sandwich entre la plaque Eurasienne et Africaine et c'est retrouvée propulsée hors des eaux. Puis avec l'érosion, voila que ces deux morceaux de dolomie sont en équilibre, en appuis l'un contre l'autre. Le surnom de cette arche est « der Kuss » qui veut dire, le baiser. Comme si ces deux blocs de dolomie se faisaient un bisou depuis la nuit des temps. On profite de cet endroit symbolique pour aussi se faire un petit bisou :)
On attend ensuite que le temps se calme avant de se remettre en route pour rejoindre la voiture. Au début, le ciel était par endroit dégagé et les ambiances sympas. Mais plus l’on descendait vers la plaine plus le temps devenait maussade. On finira sous la pluie, trempée jusqu’au slip.
Sur la route pour rentrer au pays, on s'arrêt au bord d'un petit lac grisonnais, le Crestasee. Les relfets dans ce lac sont assez magique. Deux petits arbres en fleures semblaient nous appeler de l'autre coté de la berge.
Il y a aussi un jeu de racine tortueux.
Puis, il a fallut se résigner à rentrer. Il n'y a pas à dire, les Grisons renferme tout de même de magnifiques coins!
Je ne fus pas aussi assidu que les années précédentes pour mon suivi de la place de chant habituelle. C’est en partie dû à une semaine dans les Grisons sur les traces du grand cousin du lyres, le grand tétras.
J’ai tout de même pu passer quelques nuits à côté de ces poules des landes. Le premier affût fût plus un repérage avec un affût positionné particulièrement loin de la place de chant afin de repérer si les habitudes de parades ont changé. Il s’avère que les places ne changent que peu au fil des ans. Je profite tout de même de l’occasion pour prendre quelques images lointaines mais le but principal de la sortie et de repérer le futur emplacement de l'affût afin d’avoir un angle de vue intéressant.
Comme je remonte le soir même, je laisse tout l'affût monté sur place ainsi que le matelas et le sac de couchage. En remontant le soir vers 16h, je déplace l’entièreté de l'affût vers le nouvel emplacement. C’est en me couchant dans l'affût que je me rends compte que le point de vue particulièrement bas m’empêche de voir certaines zones de la place de chant et que quelques arolles me bloquent la vue. Il est de toute façon trop tard pour changer d’emplacement car le soir commence à tomber et des femelles ou des mâles particulièrement actifs pourraient commencer à s’approcher de la place. La soirée reste très calme mais au petit matin, les tétras sont bien actifs.
Un de males s'approche de ma ligne de mire alors que le soleil n'est pas encore levé.
On remarque sur ces images que ce mâle c'est déja bien battu, il lui manque quelques plumes autour de l'oeil. Lors des combats, ils essaient d'attaquer le point faible, à savoir les yeux!
Dans leur répertoire de chant, ils ont un gloussement. Ce gloussement raisonne dans leur coup bien épais comme on peut le constater dans l'image ne dessous.
Ils émettent aussi des chhhou-chouuchheeee en sautillant et en donnant un battement d'aile
Avec le rehaussement des températures au petit matin, de la buée apparait dans l'objectif... Je n'ai malheureusement pas pris le petit corps de chauffe pour éviter la condensation. Ca donne des images un peu féerique :)
Je démonte l'objectif du boitier pour essuyer la buer pour prendre quelques images maintenant que la lumière est belle
Puis, certain individus quittent la place de chant pour se nourrir et chanter au sommet des mélèzes
Comme je le craignais, les occasions pour mettre en image les danseurs sont assez rares. C’est dommage, car les conditions météos sont très changeantes entre une belle lumière, du jour blanc et même de la neige!
Il joue à cache-cache
Puis la neige s'abbat sur la place de chant. Des ambiances juste magique!
J’entends aussi quelques femelles glousser aux alentours de la place de chant mais elles ne se montreront pas de la matinée.
Je cache l'affût au pied du même arolle que les années précédentes et je laisse les courtisans vaquer à leurs occupations pendant que je pars à la recherche de son plus grand cousin, le grand tétras.
Après 4 jours d'affût consécutifs dans les forêts alpines grisonnes que je détaillais dans cet article, Lisa me rejoint. On part en vadrouille la fin de la semaine découvrir quelques paysages de l’est de la Suisse avant de revenir par le Valais. Lisa, intriguée par la description que je lui fais des parades des tétras, est bien intéressée à découvrir ce rituel printanier. On embarque un affût un peu plus grand (tragopan V5) et l’on se met en route. On décide de ne pas prendre les raquettes car la neige semble avoir passablement fondue. C’était sans compter sur les 50 derniers mètres de dénivelé qui nous prendront autant de temps à faire que les 450 m précédents. On s’enfonce dans la neige détrempée jusqu’aux anches. Petites chaussures et mes jeans de ville complètement blek (jargon local pour dire mouillé jusqu’au slip). Résultat, ces derniers 50 mètres nous donneraient « presque » l’illusion que d’avoir les raquettes sur le dos en cas de rencontre avec la neige, peut s’avérer utile. Mais bon, j’ai bien dit « presque » :P
Il est temps d’installer l’affût. Celui-ci étant plus grand pour pouvoir y passer à deux (en se serrant), il nous faut terrasser un peu la neige. Quelques coups de pelle plus tard, on a une belle plateforme pour installer l'affût. Contrairement à la semaine dernière, nous sommes un peu en contrebas mais la vue sur la place de chant devrait être optimale si tout se passe comme prévu. Vite en slip dans l'affût pour enlever tous ces habits qui commencent à geler. Se blottir au fond du sac de couchage pour remonter la température corporelle et chauffer au mieux.
Un tétras chante au loin, probablement perché dans un arbre. Il n’est pas vraiment possible de le voir malgré un rapide scan aux jumelles. Un mâle chanteur attirant les autres, d’un coup, venant de nulle part, voici que 3 mâles atterrissent dans un grand fracas d’ailes au milieu de la place de chant. Un instant magique, nous voilà au cœur de l’action.
Les parades et les confrontations s’arrêtent assez vite, ils finissent par rester muets sur la place de chant en attendant que la nuit tombe. Une fois la nuit bien installée, ils décollent pour aller dormir dans les arbres en bordure de clairière. Un moment hors du temps qui promet un matin bien mouvementé car il est assez rare que les coqs soient actifs le soir. C’est aussi pourquoi il faut monter relativement tôt la veille dans l'affût pour éviter de déranger les parades du soir !
Au petit matin, les petits chhhou-chouuchheeee et gloussements d’intimidation nous sortent de notre sommeil. Les voilà au rendez-vous au petit matin sur la place de chant. Il fait encore bien sombre et l’on n’arrive pas à les distinguer dans la neige mais ils sont vraiment à côté, c’est sûr !
Les 4 mêmes coqs défendent leur petit bout de territoire. Deux sont particulièrement revendicateurs et aiment bien s’envoyer dans les plumes. Un autre parade bien plus proche de nous, lors d’un de ses passages, on a même entendu le frottement de ses plumes contre la toile de l'affût. Une proximité exceptionnelle, son chant résonne et s’amplifie à l’intérieur de l'affût. Un spectacle mémorable qui fait pétiller les yeux marrons de Lisa !
« Pour une première, je me sentie si privilégier de vivre de tels instants de spectacle aux abords de la place de chant. Au moment d’entendre les gloussements de ce mâle se rapprocher doucement de nous, puis d’entendre ses plumes frotter contre l’affût, je me sentie tel un petit chenapan. Cachée là, derrière son léger bout de tissu, à guigner les oiseaux dans leur intimité, sans qu’ils aient l’air de se soucier de notre présence. Un spectacle de la nature qui me laisse émerveillée, suspendue dans le temps. »
Les gloussements des femelles aux alentours de la place de chant se font de plus en plus présents.
Puis, incroyable, une femelle passe à droite de l'affût à moins de 2m et remonte toute la place.
Les coqs chantent de plus belle ! Puis, c’est deux mètres à gauche de l'affût qu’une poule passe.
Quelques minutes plus tard, voilà que la troisième fait son apparition sur la place.
L’intensité des parades et des combats des mâles augmente exponentiellement.
Elles se tiennent toutes les trois au beau milieu de la place de chant pendant que les mâles tentent de les impressionner en leur tournant autour. Je m’imagine même peut-être mettre en boîte mon premier accouplement de tétras !
Une des femelles se montre particulièrement agressive envers les autres, ça doit être la matriarche. Si un mâle semble un peu trop s’intéresser à une autre, une petite crise de jalousie surgit.
La femelle, comme les mâles, met les plumes de son croupion en lyre et se met à chasser les autres femelles.
Vraiment cocasse de voir ce comportement.
Malheureusement, aucune femelle n’accepte les faveurs d’un mâle, elles partent toutes doucement sur l’extérieur de la place de chant avant de s’envoler vers la forêt. Quelques minutes plus tard, une quatrième femelle fera son apparition sur la place faisant remonter le taux de testostérone des mâles mais le résultat final sera le même.
Le soleil ne restera pas bien longtemps sur la place de chant. Les nuages reprennent le dessus et l'ambiance générale passe au jour-blanc
Maintenant que toutes les femelles ont quittées la place de chant, les mâles s'en vont aussi un à un. Certains chantent encore quelques strophs et se font une petite toilette. L'un d'eux nous montre même son popotin en lyre.
On attend avec Lisa dans l'affût bien deux heures que l’activité sur la place de chant soit totalement terminée pour éviter de déranger les tétras en bordure de la place de chant. On remet les habits trempés et gelés de la veille et l’on plie l'affût. On a vraiment eu un spectacle particulièrement intense cette matinée là ! Bien heureux d’avoir pu partager ce moment de vie avec Lisa.
Maintenant, il est temps pour moi d’aller servir sous les drapeaux. Presque trois semaines d'armée. Je laisse tout de même l'affût sur place ce qui m’obligera à venir rendre visite aux tétras une dernière fois de la saison.
Le printemps pointe le bout de son nez. Les crocus transpercent la fin couche de neige restante et les oiseaux chantent leurs amours à qui veut bien les entendre.
Il est temps de quitter la place de chant des tétras lyres pour rendre visite à son grand frère, le grand tétras.
J'y avais consacré beaucoup de temps l'an dernier dans le cadre du projet de la bourse Iris. Le grand tétras était la cerise sur le gâteau du reportage sur les galinacé des Alpes. Le plus grand, imposant et impressionnant de nos poules alpines m'avait un peu laissé sur ma faim. Deux semaines de repérage et d'affut pour au final une seule image. Mais quelle image! Pour ceux qui ne l'ont pas vue, c'est par ici
https://apvl.ch/grand-tetras/
Les tetraonidés ont leur habitude. Le repérage et l'analyse de leur comportement est la partie la plus fastidieuse et chronophage en photographie naturaliste. Mais une fois faites, le gros du travail n'est plus à faire.
Je profite donc de 4jours de congé pour m'éclipser dans les grandes étendues forestière des alpes grisonnes.
J'y retourne un poil plus tard que l'an dernier en espérant tomber pendant la période la plus active des pariades. La neige est aussi bien moindre que l'an dernier. La plupart des routes et chemins sont dégagés facilitant grandement l'accès. Arrivé sur place, pas une minutes à perdre, je prépare l'affût, le matelas, le sac de couchage et le materiel photo. Une fois le tout empacté, je retourne sur les traces de l'an dernier.
Les premiers indices sont prometteurs. Je croises des crottes cylindriques caractéristiques du grand tétras.
Puis, c'est l'effroi! Au détour d'un contour, je vois la forêt ratiboisée.
Une coupe vient d'avoir lieu. La sciure est encore bien fraiche et l'odeur du bois coupé est bien présente. La forêt a été clairsemée, il reste des arbres ici et là. C'est le biotope parfait pour le grand tétras mais pourquoi procéder à un tel chantier pendant la période de parade du tétras ?
Est-ce que les tétras ont été derangé et ont quitté la zone? Je crains que le reperage de l'an dernier ai été vain.
Il se fait déjà tard, je réfléchirai à la question une fois dans l'affût, j'auraisplus de 52heures à attendre. Je monte la tente, gonfle le matelas et sort le sac de couchage. Une fois l'appareil photo en place, j'attend patiemment assis sur ma chaise de camping.
La nuit tombe et j'entend les gloussements des tétras qui résonnent dans la foret. Soulagé et heureux de les entendre, je tente des les apercevoir à travers les petits fenêtres de l'affût. Malgré leur gloussement et le bruit assourdissant de leur vol maladroits, je ne les vois pas. La nuit est maintenant bien là, je ne distingue plus les cailloux de l'herbe en face de moi. Juste avant de jetter l'éponge et de me glisser au fond du sac de couchage, j'entre aperçoit la silhouette d'un tétras atterissant sur la pointe d'un mêlez.
Voila donc où ils se cachent en soirée, ils restent au sommet des arbres à déguster des bourgeons de mêlez bien juteux prêt à éclore. De temps à autre, d'un mouvement de tête du bas vers le haut, les grand tétras affirme leur presence d'un gloussement du sommet de leur garde manger. Une fois le stock de bourgeons de mélèze épuisé, le tétras s'envole pour s'affairer à un autre arbre.
J'observe ce spectacle de longues minutes durant avant de me laisser aller a des rêveries au chaud dans mon sac de couchage.
Le froid me réveille a quelques reprise pendant la nuit, environ -3°C mais un environnement très humide du aux pluies de la veille. Quelques flocons se sont même deposé sur la tente pendant la nuit.
A 5h20, ce sont les gloussement des grands coqs qui m'extirpent de mon sommeil. Des petits "gloupe" comme si des goutes d'eau tombaient dans une flaque. La foret semble comment emprise de magie avec cette ambiance matinale surealiste. C'est avec une grâce comparable à une planche de bois que je pivote sur le coté de mon matelas gonflable et que je me hisse sur la chaise de camping pour scuter les tétras. Il fait encore bien trop sombre pour discerner quoi que ce soit mais c'est un moment magique ou je me laisse bercer par gloussement. Il y en a de plusieurs sortes: les gloupes, les chants de parades ainsi que les petit gloussement des femelles. Il y a du beau monde qui s'active dans le coin.
Au minimum quatre mâles chanteurs et deux femelles. La coupe de la forêt ne semble pas les avoir traumatisé au point de changer de parcelle de chant.
Plus facile a entendre qu'a voir mais voici que le coq de haut de la pente descend jusqu'en bordure du territoire du coq du bas de la pente. Les deux se retrouve sur la délimitation fictive de leur territoire et échangent quelques coups de bec pour bien se mettre d'accord sur la frontière. Ce petit règlement de compte c'est malheureusement passé en dehors du champ de vision de l'appareil photo mais j'ai pu immortalisé leur allé et venue.
Ils continuent ensuite à chanter à l'abris des regards caché par les sapins. Le spectacle musical continue jusqu'au premier rayon du soleil.
Le coq du haut profite de l'occasion pour chanter dans une clairière plus degagée pour mon plus grand bonheur.
Il effectue même de petits vol-planné pour bien affirmer sa présence!
Il se met même en évidence sur une souche fraichement coupée lors de la dernière éclaircie de foret
Je profite aussi de la lumière suffisante et de la haute résolution de mon appareil photo pour faire des gros plan de ce magnifique oiseau. On peut distinguer cet incroyable effet de moiré sur son plumage!
Parfois il tend la tête droit au ciel lui donnant un air un peu cocasse. Avec cette position, sa petite barbiche est particulièrement visible.
La foret se calme, l'hystérie du petit matin laisse place au bruit du vent sifflant à travers les épines de sapin. Les mâles partent se reposer en foret. Les femelles probablement aussi mais elles sont si discrète que je n'en ai pas aperçu.
Ce calme dure pendant toute la période la plus chaude de la journée. Les petits flocons posé sur mon objectif photo se sont maintenant transformé en petite gouttelettes d'eau. Vers les 16h, les mâles les plus au taquet reprennent du service.
J'ai pu en entrapercevoir un à travers les branchages de la foret depuis l'affût.
Un moment assez irréel avec cette lumière de journée qui fait scintiller l'image.
Le soir approchant, les tétras reprennent de la hauteur pour grignotter des bourgeons de mêlez. Evidement, ils choisissent des arbres qui sont forcément caché par d'autres depuis l'affût.
Après bien 2 heures de picorage de mêlez, le mâles semble intriguer par la présence d'un autre mâles. Il s'envole pour atterir pas loin de l'affût, derrière, dans un sapin. De là, il commence son petit bâle au sommet de l'arbre pour impressionner le rival. Après quelques coup de gueule, il se remet à picorrer des jeunes pousses de sapin.
Une fois la nuit bien tombée, les mâles descendent au sol pour parader. Malheureusement, il fait bien trop sombre pour y voir quoique ce soit. Je profite de ce concert comme d'une berceuse. La nuit est bien plus douce et agréable que la précédente.
Les tétras, réglé comme une horloge Suisse, me réveille à nouveau à 5h27. Pendant que je passe du matelas à la chaise enroulé dans mon sac de couchage tel une chenille, les femelles tétras motives les mâles du haut de leur arbres. J'imagine qu'elles sont dans les arbres... ce que je sais, c'est qu'elles font tourner la boule au mâles. Moi qui espérer que le male "du haut de la pente" se montre en spectacle devant l'objectif, quenini. Celui-ci attiré par les gloussements de madame descent parader en contre bas. Mais où est le mâle "d'en bas de la pente"? Il n'a pas l'air d'être là ce matin. Celui de haut parade au pied de l'arbre d'où émane les gloussements. Je tente tant bien que mal de me contorsionner pour lui tirer le portrait mais ce n'est pas bien évident.
L'affût n'est pas placé pour photographier cette région et de plus, pleins de branchage bloque la vue.
Après bien deux heures à faire la coure, la belle n'en demore pas, elle ne se devoile pas. Par contre, voila que le mâle de bas de la pente reviens dans sa zone.
Le face à face d'intimidation ne suffit pas, ils en viennent aux pattes et au bec!
Les deux se volent dans les plumes et disparaissent en contre bas dans un brouaha de battement d'ailes. Ça n'arrête pas, quel raffut, quel remu ménage. Je m'en viens même à avoir de la peine pour eux, j'espère qu'il ne se blessent pas! J'ai presque envie de sortir de l'affût pour les séparer, leur dire que le jeu en vaut pas la chandelle? Mais pour eux, ca compte vraiment. Montrer à la dame au sommet de l'arbre qui est le plus fort des lieux. Qui sera le plus digne d'assurer la descendance. Car ce qui est certain, c'est que la survie pour les générations futures sera ardue. Depuis 1970, la population Suisse de grand tétras dans les alpes à fondue de deux tière passant de 1500 individu à moins de 500 aujourd'hui. La tendance n'est malheureusement pas en train de s'inverser, le morcellement du territoire par l'homme et la destruction des vieilles forêts pousse la population du plus grand galinacé de nos Alps dans ses derniers retranchement. Pourtant, tout n'est pas encore perdu, ici, le nombre d'individus permet encore de maintenir l'espèce contrairement au Jura ou les populations sont tellement diminuées par la pression humaine qu'il en devienne littéralement fou. Ils perdent leur comportement naturel, paradent toute l'année et deviennent agressif envers les humains.
Finalement, en pensant à la situation du tétras en Suisse, je me sens privilégié de pouvoir assister a ce combat entre deux coqs. Puis, les battements d'ailes se taisent. Je scrute en plissant les yeux à travers les filets de l'affût. Là, sur la gauche, je le vois! Le tétras d'en haut qui remonte à toute allure le talus coursé par le tétras du bas. Une scène digne de la race d'hereins. Le male avoue sa défaite et remonte dans son territoire avec une touffe de plumes en moins sur l'aile.
Le tétras du bas est maintenant seul maître des lieux et continue a parader pour impressionner la dame. Mais, de ce que j'en ai vu à travers les branchages bien épais, il ne me semble pas que madame aie succombé aux faveurs du vainqueur ! Tout n'est peut-être pas encore perdu pour le tétras du haut?
Après ce moment fort en émotions, la forêt retrouve son calme de longues heures durant. De quoi commencer à écrire le début de l'article du grand tétras dans l'affût sur mon smartphone. Et voila que j'ai ratrappé le présent. ha, encore une chose, je crois que j'ai du mettre l'affût pas loin d'un nid de fourmis car je suis en train de me faire envahir. Elles sont devenues hyperactif avec ce soleil de midi!
J'enregistre le texte, j'éteins le téléphone et j'espère continuer la suite de ce texte demain avec de nouvelles anecdotes de terrain croustillantes :)
Le lendemain, le tétras du haut était au rendez-vous. Paradant d'abord sur les hauts, invisible derrière les arbres. La luminosité augmentant, il se montre sur la pente dégagée, juste devant l'affut.
Ses roucoulement se font en donnant de violents coups de tête répétés
Il fait sa toilette et manque quelques pousses de sapin.
Quelques dizaines de minutes avant que le soleil ne perce la canopée, il descend sur la route, parade un court instant avant de disparaitre dans les bas fond de la foret pour le reste de la matinée.
Un spectacle qui restera longtemps encré dans ma mémoire. 4 jours incroyable à suivre cette espèce qui incarne nos vieilles forets, plus de 52h d'affut! Une espèce mystérieuse et emblématique qui me fond vibrer au plus profond de mon être!
Voilà que l’hiver se termine et que l’on n’a pas fait un seul 4000 de la saison ! Il faut dire que la neige n’aura pas été au rendez-vous. Pas mal de neige en tout début d’année mais pas encore assez froid et stable pour faire les sommets. Puis, il a plu à plus de 3300m vers Noël rendant impossible toute ascension. Ces conditions ont rendu le manteau neigeux très instable avec des couches très dures et d’autres très friables dû à un gradient de température élevé. En bref, il n’y a pas vraiment eu de période propice cette année mais on s’est quand même motivés pour tenter la revanche de l’Alteschhorn. Revanche car nous l’avons tenté il y a 2ans et avons dû avorter l’expédition en raison du danger d’avalanche. Vous pouvez lire le billet de blog retraçant l’historique en cliquant ici.
Contrairement à la dernière fois où l’on a traversé tout le glacier d’Aletsch du Langletscher en passant par la Konkordiaplatz, cette fois on a opté pour une approche plus directe : l’arrête sud-ouest. C’est une arrête cotée en AD (assez difficile), la cotation la plus élevée que l’on ait tenté jusqu’à maintenant !
Habituellement les alpinistes montent par ce côté ou par l’arrête est (peu difficile) et redescendent par la même voie. L’aller-retour permet de laisser du matériel de ski au pied de l’arrête et de venir le récupérer une fois l’ascension terminée. Ne faisant rien comme les autres, on décide de choisir un itinéraire peu conventionnel en montant par l’arrête AD et en redescendant par la PD. On s’oblige donc à gravir l’arrête avec les skis sur le dos ainsi que tout le matériel de bivouac (tente, matelas, sac de couchage et réchaud).
Pour couronner le tout, les conditions météo ne se montrent pas très clémentes. Il est prévu que les sommets soient pris dans les nuages à cause du foehn et que le vent puisse être très violent sur les crêtes.
Bref, pas mal de conditions en notre défaveur mais on décide tout de même de tenter l’aventure. Il faudra bien réévaluer les conditions au cours de l’expédition (technique du 3×3) et faire demi-tour si elles deviennent trop défavorables.
Ayant déjà fait la montée de Blatten à Belalp en peaux le weekend d’avant avec Lisa, on peut se permettre de prendre les remontées cette partie pour économiser quelques centaines de mètres de dénivelé. Pour rappel, nous voulons au final relier tous les 4000 des Alpes avec nos tracés GPS uniquement, par la force musculaire (et sans guide). Une fois en bas des pistes de Belalpe, on clipse nos inserts Dynafit et l’on part à plat jusqu’à l’hôtel Belalpe sous un soleil de plomb. Dur de croire la météo qui prédit un revirement drastique des conditions. Arrivés à l’hôtel, la suite semble se gâter : de toute part, des falaises et des talus descendants à pic. Il n’y a pas de trace et pour continuer il nous faut traverser ce terrain escarpé. A l’aide du tracé GPS, on s’élance vers l’inconnu en tentant une trace par le passage le moins casse gueule. En éclaireur, je scrute le terrain afin de trouver le meilleur passage pour faire la traversée. J’arrive en bordure de la falaise, il n’est plus possible de continuer plus loin. J’aperçois alors un semblant de replat, une trentaine de mètres plus bas, qui ressemble à un chemin. Ski sur le dos, on descend dans ce petit couloir pour rejoindre ce qui s’avère être le chemin d’été.
Une fois sur la bonne voie, il n’y a plus qu’à la suivre.
Une fois la paroi de rochers passée, on traverse le plateau d’Oberaletsch. Pour passer le temps, on discute du futur de la vallée. Elle devrait voir apparaître un barrage turbinant l’eau du glacier et travaillant en pompage avec le barrage de Gibidum. Il est assez fou de s’imaginer le paysage modifié par un mur d’une centaine de mètres. On croise aussi le chemin de chamois et quelques coulées d’avalanches de fonte. A force de discuter, on en vient à louper la bonne route et l’on remonte bien 150m de dénivelé positif de trop. On profite de cette montée de moraine inutile pour manger un bout avant d’attaquer 150m de descente dans une pente de 40-45 degrés voir plus.
De là, on remonte tout le glacier d’Oberaltsch en passant devant la Oberaletschhüte.
On continue notre trace jusqu’au pied de l’Aletschhorn, après un arrêt forcé suite à une diarée-éclaire.
Initialement, le pied de la face de l’Aletschhorn semblait l’endroit privilégié pour planter la tente et établir notre camp de base pour la nuit. Comme il restait encore quelques heures de lumière, on décide de gagner un peu de temps sur le trajet du lendemain : « tout ce qui est fait n’est plus à faire ». Après 12km et 1300m de dénivellation, le temps commence vraiment à changer. Nous avons la tête dans les nuages, le jour se couche et des flocons commencent à tomber.
Finalement la météo n’est pas si à l’ouest que ça… Plus on avance, moins on perçois les rochers devant nous. On devrait voir le sommet de l’Aletschhorn, mais à sa place, un épais brouillard blanc s’assombrissant de plus en plus. On suit à nouveau la trace GPS à la lettre pour éviter de trop s’écarter de l’itinéraire. Selon notre altimètre et la carte, on devrait arriver sur une sorte de replat à 3000m. Effectivement, on arrive dans un mini replat. On dépose nos affaires, monte la tente, gonfle nos matelas, ouvre nos sacs et hop, au chaud ! Monstre plaisir que de se poser un peu après cette longue journée ! Mais on sait que la journée de demain sera incomparablement plus longue et exigeante, il nous faut donc prendre des forces ! Pour éviter de déclencher une nouvelle boule de feu dans la tente, on allume le réchaud à gaz à l’extérieur. On fond de la neige et la laissons bouillir pour réhydrater les lyophilisés. En attendant que l’eau chauffe, on se repose roulés en boule dans nos sacs de couchage.
Il fait -15°C à l’extérieur et l’eau ne semble pas chauffer. En contrôlant le réchaud, il s’avère que le feu s’est même éteint ! Plus de gaz ? Après un petit moment de panique, on remarque que la bonbonne n’est pas encore vide. Est-ce que le vent à l’extérieur est trop fort et aurait soufflé la flamme ? On ramène donc le Jetboil à l’intérieur pour finir la cuisson de l’eau. La flamme semble vraiment très faiblarde mais après bien 45min, on arrive enfin à la température d’ébullition. On laisse chauffer nos lyophilisé 8min puis on digère ces 650kcalories qui nous seront vitales pour le lendemain.
Il nous faut ensuite faire fondre plus de neige pour avoir assez d’eau liquide pour le lendemain. Malheureusement, très rapidement, on se rend compte que ce ne sera pas possible. Avec le froid, les nouvelles bonbonnes de gaz de Décathlon ne brûlent que partiellement. Le mélange de gaz n’est pas adapté pour les -15°C. On aura utilisé une bonbonne de gaz complète pour deux repas… Pas d’autre choix que de remplir nos gourdes de neige et les laisser fondre la nuit au chaud dans nos sacs de couchage…
On prépare deux réveils. Un a 3h du matin pour regarder si le brouillard s’est dissipé et un deuxième à 5h. Stéphane s’est réveillé à 3h et n’a vu qu’un épais brouillard en entrouvrant la porte. Personnellement, je n’ai rien vu du tout car j’ai dormi comme un loir jusqu’au réveil de 5h.
La chance était de notre côté: en 2h les nuages se sont dissipés. On profite de ce ciel totalement dégagé pour faire quelques photos de la tente. Quel plaisir de voir le sommet de l’Aletschhorn se dressant devant nous. C’est toujours plus motivant de voir l’objectif.
Une fois la tente pliée, matelas dégonflé, sac comprimé et le tout rangé comme un Tetris dans le sac de rando, on remet les skis. On slalome doucement mais sûrement dans la montée entre les crevasses.
On profite de l’excuse du lever de soleil pour faire une petite pause et prendre quelques images.
Après un deuxième arrêt éclair et quelques traversées sur de la neige bien glacée on arrive à la fameuse arrête sud-ouest du 4000.
Changement de type de terrain, on passe du glacier à une arrête.
On troque nos skis de rando et battons pour les crampons et piolets. Comme on ne redescendra pas par la même voie, on prend tout notre matériel avec. Les skis et les battons sont fixés au sac de rando, rajoutant du poids à l’arrière et déséquilibrant passablement le tout. C’est ainsi que l’on attaque la montée, entre passages de grimpe dans les cailloux et progression dans des goulottes de neige. Puis vers 3800m, dans une goulotte entre 35-40°, Stéphane commence à ressentir le mal des montagnes. Notre rythme d’ascension change drastiquement et l’on avance pas à pas. Le rythme est si lent que je me demande si l’on arrivera vraiment à 4194m. Sans nausé particulière, on continu tout doucement la montée. La situation ne s’améliore pas vraiment avec la déshydratation dûe au manque d’eau qui commence à se faire sentir. Je commence aussi à sentir les effets de l’altitude vers les 3950m.
Pourtant le sommet n’est pas loin, on distingue clairement la croix ! On progresse par à-coups, une 20ène de mètres avant de devoir faire une pause pour reprendre notre souffle. Les derniers 100mètres doivent être les plus lents et les plus pénibles que j’ai eu à faire. Mais à force de mettre un pied devant l’autre, on arrive enfin à la croix, au sommet. On s’écroule sur la neige et l’on profite de la vue splendide !
Quel soulagement d’être arrivés et quel bonheur de contempler ce paysage ! Il est passé 13h et l’on a encore toute la descente devant nous. Je profite que l’on ait un poil de réseau pour avertir mon entourage que j’ai pris congé le lundi et que je suis au sommet de l’Aletschhorn pour qu’ils ne s’inquiètent pas trop. Le silence est interrompu par le bruit des palles d’un hélicoptère. Un super-puma de l’armée Suisse se pose 140m plus bas sur le glacier de l’Aletschhorn.
J’hésite presque à courir en bas l’arrêter pour qu’il nous prenne en stop. Ce que je ne savais pas encore c’est qu’il allait nous falloir 2h de temps pour descendre ces 140m… Heureusement, la suite est une arrête PD (peu difficile), il ne devrait pas y avoir de grosse difficulté, non ?
On attaque la descente par l’arrête PD en marchant sur une arrête en neige. Celle-ci devient progressivement rocailleuse et abrupte. On désescalade l’arrête mais il arrive un moment ou ce n’est plus possible. Plutôt que de continuer sur l’arrête, on décide de la longer à flanc de coteaux, dans le glacier suspendu. C’est vive glace, d’un bleu sombre et profond. D’une couleur magnifique mais franchement très flippante. On a très peu d’expérience en progression sur glace mais pas le choix, quand il faut y aller, faut y aller !
Sur moi, j’ai une broche de glace faisant partie de l’équipement obligatoire pour de la progression sur glacier. Heureusement que Steph en avait deux car avec une seule broche, on ne va pas loin… On visse une broche au début de la descente, Stéphane assure ma descente au demi-nœud d’amarre.
Je descends de manière pas du tout sereine dans ce glacier suspendu entre 30 et 40° de pente. Je prie pour que mes crampons automatiques ne me lâchent pas au milieu de la descente. Quelques coups de crampons et de piolet plus tard, je visse la broche à glace suivante qui me servira de déviation à la corde et je continue la progression à l’horizontal. Une fois les 3broches vissées, c’est à mon tour d’assurer la descente de Stéphane en faisant un demi-nœud d’amarre sur la dernière broche.
Dans son avancée, il récupère derrière lui les broches pour que l’on puisse les réutiliser par la suite. En cas de décrochage dans la descente, il pendulera au maximum de la distance entre lui et la prochaine broche. Une fois qu’il m’a rejoint à la dernière broche, il s’y longe aussi, me transmet les deux broches et je repars pour la suite. On réitère tout ce processus pour 3passages clefs. Ce n’était absolument pas prévu dans la planification originale et l’on sait déjà que l’on a pris bien 3h de retard.
On est enfin à la place d’atterrissage de l’hélico de l’armée qui est depuis longtemps reparti. On continue la descente sur l’arrête enneigée. Un léger voile de cirrostratus commence à se former. L’ambiance commence à changer, le soleil crée un arc-en-ciel très photogénique dans ces nuages de haute altitude.
Ce phénomène est dû à la réfraction de la lumière dans les cristaux de glace en suspension dans les nuages.
La beauté de ce phénomène s’estompe rapidement lorsque l’on se rend compte que la suite de l’arrête est à nouveau impraticable et que l’on va encore devoir descendre dans le glacier avec cette fois-ci une pente plus raide : dans les 40-45degrés. Pour ajouter une couche de difficulté, il y a la rimée à passer (démarcation très nette au départ du glacier, faisant ici dans les 3m de haut). Le problème de la paroi verticale de la rimée, c’est qu’il n’est pas possible de récupérer une des broches à glace s’il l’on descend. On ne peut pas laisser du matériel technique sur place (pollution, sécurité pour la suite et aussi parce que ça coûte un bras). Il existe une technique pour réussir à dévisser une broche à glace en enroulant précisément la corde autour de celle-ci et en tirant la corde une fois la rimée passée (« broche éjectable »). Entre savoir qu’il existe une possibilité et le faire sur le terrain sans jamais l’avoir pratiqué avant, il y a un monde. On part donc sur la même technique qu’avant pour descendre jusqu’à un pont de neige reliant le reste du glacier avec le haut de la rimée. En voyant la distance à descendre (170m en mesurant sur la carte), la motivation prend un coup. Avec 3broches à glace et une corde de 30m, il nous faudra descendre le glacier en 5fois. Le retard, la fatigue et la déshydratation commencent a devenir critiques. Heureusement, après 40m de descente et un doigt ouvert en vissant une broche, je repère un autre petit pont de neige. On descend jusqu’à la rimée en mettant du sang partout. Je mets une broche juste au-dessus et je descends sur le pont. Il a l’air de tenir. J’ajoute une deuxième broche au fond de la rimée pour assurer le coup. Je vais ensuite plus loin dans le glacier, me plante solidement dans la neige et assure, corde tendue, la descente de Stéphane dans la rimée. Tout se passe bien, le pont de neige a tenu, quel soulagement !
Une fois les deux en dehors de la zone de danger et plus dans une pente à 45°, on sort un sparadrap de la trousse de secours pour stopper le saignement de mon doigt.
Heureusement pour nous, la suite devient plus facile.
Les pentes sont moins vertigineuses et l’on arrive enfin à mettre nos skis. On dévale le Mittelaletschgletscher dans une neige bien carton qui fait chauffer les mollets. D’en bas, on voit bien les crevasses et les pentes vertigineuses de l’Aletschhorn.
L’arrête était bien galère mais descendre par une autre voie serait juste du suicide.
Le ciel se couvre de plus en plus et l’on commence à avoir le phénomène de jour blanc. On ne distingue plus bien le relief dans la neige. Dur de voir les trous et les bosses dans ces conditions.
On passe à coté de belles grottes de glace mais il faudra malheureusement remettre leur visite a une autre fois. La nuit commence à menacer. On arrive au fameux glacier d’Aletsch. On a beau l’avoir déjà traversé une fois, il est toujours aussi impressionnant. Pas le temps de traîner, il faut le traverser pendant qu’il fait encore jour. Le jour blanc est maintenant si violent qu’il me faut allumer ma lampe frontalle pour voir si le terrain monte ou descend. Après quelques demi-tours à cause de crevasses, on tombe sur une vieille trace de ski sur le glacier. On part du principe que la personne ayant fait la trace a réussi à faire la traversée du glacier en vie, on suit donc la trace. Par endroit, il faut improviser un peu car la trace a totalement été effacée par le vent. On arrive tout de même rapidement à faire la traversée du glacier (bien plus rapidement que la première fois). La nuit est définitivement tombée, il est 20h. Il nous reste encore 300m de montée pour arriver sur les pistes du domaine skiable de Bettmeralp. Ça fait 14h que l’on fait de l’alpi. Encore plus déshydratés qu’avant, on mange de temps en temps un peu de neige pour diminuer l’effet pâteux de la salive dans la bouche. On se met ensuite en route pour la dernière montée. Par endroit, la neige est très dure et les skis de rando ne crochent pas super bien. Steph devant, glisse de temps à autre. Puis, d’un coup, il dévale la pente sur une petite dizaine de mètres. Rien de grave mais je vois que la fixation avant de son ski s’est arrachée et elle est restée sur son soulier. Nous voilà avec encore 200m de montée et un ski HS. Je prends ses skis et les fixe à mon sac. Stéphane enfile les crampons et continue le reste du chemin à pied. On se rend vite compte que l’on n’y arriverait jamais. Il s’enfonce à chaque pas jusqu’aux genoux. On continue tout de même mais quelques mètres plus loin, il disparaît dans la neige et s’enfonce jusqu’aux épaules. Il devait y avoir un petit mélèze sous la neige. Après quelques minutes à se débattre pour ressortir de son igloo, il nous faut trouver une solution.
Je ne peux pas me permettre de passer une nuit de plus ici car je dois donner des cours le lendemain. Je pense à laisser la tente à Stéphane et lui faire amener des raquettes. Je pense même à appeler l’hélicoptère mais bon, ça serait un peu la honte à 200m du domaine skiable non ? En désespoir de cause, on remet le ski en état sur un pied et on laisse un crampon sur l’autre. Il avance avec un ski un peu comme avec une trottinette. En mettant tout son poids sur un ski et les battons, cela semble bien aller. On avance quelques mètres, ça va lentement mais ça avance. Je suis soulagé, on arrivera sur les pistes si l’on continue comme ça !
Quelques lacés plus tard, on est au sommet du domaine skiable. Il est 21h30 et la dernière descente de cabine pour la plaine est à 22h50, il est encore possible de rentrer (il y a un train qui retourne à Brig à 23h40). La descente des pistes avec un ski ne se révèle pas très concluante. Stéphane dévale toutes les pistes à pied ou sur les fesses par moment.
Nous voilà arrivés au départ des remontées ! Il est 22h30, juste avant le départ de la cabine. On profite pour prendre un coca au distributeur, quel bonheur après plus de 16h d’effort !
On descend en cabine, on prend le dernier train de la journée pour Brig puis on descend jusque chez moi en voiture. Heureusement, pas d’amende car j’avais payé le parking jusqu’à 18h…
Evidemment, Stéphane n’a plus de train pour rentrer sur Fribourg et comme le traditionnel McDo post-4000 n’est pas ouvert, on se rabattra sur 400 grammes de pâtes pesto à 1h30 du mat.
Un 4000m qui se transforme en journée de survie. On aura eu de tout entre escalade, arrête, traversée de glacier, descente sur broche, assurage, ski et bivouac ! Une journée bien éprouvante mais qui restera gravée à jamais dans nos mémoires. La revanche de l’Aletschhorn !
Tout débute pendant le cours d’accompagnateur en montagne, au module communication et marketing. En fin de journée, après des heures de cours pas forcément les plus intéressantes que l’on ait pu avoir, on fait une mini fête dans le gîte. Une dégustation de vin par Raoul, quelques bières et même un concert lyrique privé par Valérie. Bien lancé, juste ce qu’il faut, je demande à l’équipe si quelqu’un voudrait venir jusque à une grotte de glace (il est minuit passé). Comme je m’y attendais, tous le monde décline l’offre et préfère aller dormir pour être frais et dispo pour le cours du lendemain. Tout le monde sauf Lisa qui accepte. Me voilà bien embêté, moi qui pensais faire le malin, il va falloir assumer :)
Je dois avouer que j’appréhende un peu car je ne connais pas très bien Lisa qui ne vient pas de la même volée de la formation d’accompagnateur en montagne. Elle est venue dans cette section car elle ne pouvait pas participer aux dates de la deuxième section pour des raisons professionnelles.
Je ne me pose pas 36milles questions, l’alcool aidant aussi un peu, nous voilà en route pour la grotte de glace. Après quelques chemins de traverse pour économiser un peu de temps de marche, on crapahute dans les cailloux à la lueur des lampes frontales. Le chemin est assez long malgré les raccourcis qui n’en étaient peut-être pas ? Ça nous laisse le temps de papoter de tout et de rien sur le trajet. Il est 2h40 du mat, presque décuités, nous voici devant l’immense entrée de la grotte de glace. J’en profite pour laisser un message sur le groupe WhatsApp des accompagnateurs pour leur dire que l’on entre dans la grotte et qu’il faut venir à notre secours s’ils n’ont pas de nouvelles après 1h (il faut toujours avoir une personne de confiance de piquet pour des activités à risque, cependant, il ne faut surtout pas envoyer à un groupe de personne en train de dormir (et alcoolisés) comme je l’ai fait…)
J’ai souvent été un peu déçu par cette grotte pourtant prometteuse qui n’est pas très profonde mais cette fois, en se baissant un peu, accroupi, il est possible de progresser un peu sous la voute glacée. Tout au fond, se dissimule une petite cascade.
On l’immortalise à l’aide de ma petite lanterne de camping de ma voiture, pas évident de garder les pieds au sec en traversant la petite rivière.
En ressortant, quelques blocs effondrés attirent l’œil. Je tente quelques rétroéclairages de la glace avec une lampe frontal et le téléphone. La composition semble dynamique, Lisa tente tant bien que mal de monter sur les blocs de glace ultra glissant pour prendre la pose avec la lampe.
3h40, nous voilà hors de la grotte, je laisse un message sur le groupe pour dire que nous sommes sains et saufs mais en contrôlant les messages lus, il s’avère que tout le monde dort paisiblement. C’était une grotte avec particulièrement peu de risque et c’était plus pour « la blague » qu’autre chose (pas vraiment la meilleure blague mais bon, après une soirée à 2h du matin…). On dévale les rochers pour tenter de dormir quelques heures, avant la reprise des cours à 8h30 ! On n’a pas tant fait les fiers pendant le cours de communication, d’ailleurs ce n’est pas vraiment la matière où l’on excelle le plus…
Deux semaines plus tard, Benjamin me demande si je suis motivé pour aller repérer des loups dans le Jura vaudois, dans la région du Marchairuz qui a fait grand bruit cet été. Il a repéré un petit cabanon que l’on pourrait scouater pour la nuit. Après avoir demandé quelques infos au club spéléo de la région, on obtient les coordonnées précises du cabanon et on nous confirme que c’est très rustique. Il ne nous en fallait pas plus pour y aller. Je profite aussi pour organiser la journée de dimanche car Benjamin pense repartir en France au vu de la météo annoncée. N’étant pas très doué en géographie Suisse, je pensais que le Jura vaudois et le Jura tout court étaient proche. C’est pourquoi j’ai proposé à Lisa qui habite le Jura tout court que l’on s’organise un truc. Mais en attendant, place au Marchairuz. Après le bassin lémanique, j’émerge enfin du brouillard et je profite des derniers rayons de soleil sur le Mt Blanc.
Je rejoins Benjamin et Luc au petit cabanon de nuit, il me semble bien entendre quelques hurlements de loups, dans la nuit noire obscure et sombre. Mais impossible à confirmer, je ne les entendrai plus de la nuit. Je repère le cabanon grâce au halo orange du feu de bois. Après avoir bu un thé, on se glisse à l’étage du cabanon pour se réfugier au fond du sac de couchage.
Le lendemain on part à la recherche des traces de loups dans les environs, mais rien à signaler si ce n’est quelques chamois en plein rut !
Comme annoncé, le temps se gâte et tout le monde rentre à la maison. Le mauvais temps ne nous faisant pas peur, on décide d’aller visiter deux trois coins sympas avec Lisa. Après quelques mésaventures de planning et de GPS, on installe la tente à la dent de Vaulion, de nuit. Malheureusement, le lendemain la superbe vue sur le lac de Joux s’est laissée désirer. En lieu est place, un épais brouillard à couper au couteau… Mais pour mettre un peu de lueur dans cette grisaille, des chamois en rut se donnent en spectacle.
Temps gris rime avec cascade, car la faible luminosité permet d’obtenir facilement des poses lentes, donnant un effet vaporeux aux cascades, lorsqu’elles sont prises en photo. Ça tombe bien car il y a pas mal de cascades dans les environs.
Pour commencer, la cascade du Day. Le chemin qui y accède fait une boucle. Sur le chemin du haut, on passe par-dessus un petit affluant de la cascade. Les roches sont recouvertes d’une mousse verte vive qui contraste bien avec le rouge des feuilles mortes.
Puis, on longe la rivière de la cascade principale qui fait plusieurs ressauts. J’en profite aussi pour faire plusieurs images avec le moyen format argentique Alpa que j’ai en prêt.
La cascade a relativement peu de débit en cette saison et son aspect n’est pas des plus esthétique. J’ai une préférence pour le petit affluant de tantôt.
La boucle du chemin nous fait passer sous la cascade via un petit tunnel abandonné, qui devait servir à une ancienne centrale électrique. Il semble y avoir d’autres sorties sur les côtés, de la lumière y filtre. Ma curiosité me pousse à vouloir jeter un œil aux autres ouvertures. On s’enfonce jusqu’au sommet des chevilles, dans ce sol plein de boue. Sur le retour, on profite d’un petit rayon de soleil pour faire quelques plans larges de la cascade.
Pour finir la journée, on met le cap vers une autre cascade de la région, la cascade du Dart. Après une petite marche dans une foret aux couleurs automnales, la cascade apparait au détour du chemin. Visiblement, nous ne sommes pas seuls. Ça laisse un peu de temps pour chercher une composition intéressante.
La palette de couleurs entre l’eau et les feuilles mortes est intéressante. De plus, pas mal de troncs morts flottent dans les environs, permettant de créer quelques lignes directrices.
En regardant la cascade de plus près, il semble qu’il doit être possible de passer entre celle-ci et la falaise. Il n'y a qu’un seul moyen de le vérifier, on fait le tour et on crapahute pour passer derrière. C’est bel et bien possible, la vue est splendide de là et la sensation lorsque l’on passe derrière est juste magique !
Le weekend d’après, nous prenons un peu de hauteur. Crapahuter sur les versants haut-valaisans. Sur une crête, se détache un beau bouquetin sur le ciel bleu.
Il semble remonter les pants rocheux. Il est suivi par un deuxième individu plus bas. On attend qu’ils soient hors de notre champ de vision pour monter à leur rencontre, cachés derrière des rochers .
On reste dans le creux d’un petit vallon, pour éviter de les effrayer. On monte droit en haut la pente et c’est là qu’une petite boule de neige semble bouger.
Un lagopède ! On se pose et on l’observe. Inquiet au début, le lagopède semble accepter notre présence et s’arrête un peu plus loin. La vue est splendide avec derrière lui, l’Aletschhorn, haut de ses 4194m.
C’est la première fois que Lisa observe cet oiseau mythique de l’arc alpin. On le contourne pour éviter de le déranger, plus que ce qu’il a déjà été. On continue notre progression vers l’endroit supposé de nos bouquetins. Après avoir repris un peu notre souffle, il est temps de passer l’arrête. Ils ne devraient pas être bien loin.
Bingo! Il se trouve à quelques dizaines de mètres de nous. Il nous repère, se lève et s’approche de nous. Il s’approche et semble nous dévisager puis continue sa route.
On continue notre pérégrination pour trouver une petite grotte secrète que je meurs d’envie d’explorer depuis bientôt 1an maintenant. On n’a pas vraiment le bon équipement pour le faire, mais on va quand même tenter de voir ce que ce gouffre nous réserve.
L’entrée est relativement grande, avec pleins de petits trous percés dans le plafond. Par endroit, de la neige pénètre formant des cônes au sol.
Plus profondément dans la grotte, la neige laisse place la glace.
Les stalactites et les stalagmites nous font entrer dans un autre monde.
Un monde féérique où le temps semble suspendu.
La grotte ne semble pas vraiment continuer plus profondément, mais il faudrait désescalader deux mètres verticaux particulièrement glacés pour s’en assurer. A la place, on admire ces sculptures de glace.
Finalement, le froid mordant de la glacière nous fera quitter ce lieu. Une fois le portail entre les mondes franchi, nous revoila téléportés dans ce haut plateau minéral, parsemé de plaque de neige.
Le lendemain, on s’élance en direction du glacier fermant le fond de la vallée. Sur le chemin, un lac s’est temporairement transformé en patinoire.
La tentation est trop forte pour ne pas tenter quelques glissades.
Après quelques traversées, des taches plus sombres et de petites bulles attirent mon attention. Elles ne sont pas très marquées mais je tente tout de même quelques images.
Nous sommes encore loin du glacier que l’on peut apercevoir sur le haut des images. On se remet en route. Le froid mordant commence à geler l’eau, en bordure des rivières. Des motifs sont figés dans cette glace la rendant très graphique. C’est l’occasion de faire une petite pause avant de repartir.
La terre a maintenant totalement disparu. Nous déboulons dans un terrain plus nivéal avec des pierriers. Le glacier n’est plus bien loin. Après une ultime montée, voici l’entrée de la grotte qui se dresse magistralement devant nous. Malgré mes multiples visites sur place, l’effet est toujours le même : ces dimensions démesurées me ramènent instantanément à ma fragilité ; moi, humain.
Au côté du glacier, on ressent cette force de la nature qui façonne les vallées et polit les roches.
Le bleu de la glace est d’une telle pureté, d’une telle beauté qu’il est difficile de lui rendre justice en image. Mais en vrai, ces géants de glace sont bien mal en point. Ils reculent à vue d’œil et il n’est pas rare que la partie basse du glacier se détache du reste et ne devienne plus qu’un bras mort.
C’est un peu le cas ici, le bras mort n’est plus alimenté par le berceau du glacier et ne bouge plus. En étant statique, l’eau de fonte y creuse d’énormes galeries et le transforme en un gros Emmental.
C’est assez impressionnant à voir. Ici, 3galeries distinctes transpercent la langue du glacier de part en part.
Une galerie de plus de 300m s’enfonce dans l’autre sens. Avec Lisa, on prospecte un bon bout. Sur la fin, il faut progresser en rampant. Ça devient véritablement de la spéléo sous-glaciaire. On ressortira de là complètement recouverts de limon, avec de la terre dans les cheveux et pour ma part, une doudoune totalement éventrée.
Puis nous remontons encore un peu, pour rejoindre la partie « vivante » du glacier. Il faut faire plus attention et avoir le pied sûr, car nous passons à proximité de crevasses. Une centaine de mètres plus loin, nous voilà dans cette nouvelle grotte. Ici, pas de roche au sol. Nous sommes entourés de glace. Les zones dénuées de neige sont particulièrement glissantes. On explore les lieux prudemment.
Lisa découvre un espadon pris dans les glaces. Pas vraiment un espadon (ou raie manta) datant de l’océan Téthys mais plutôt un bout de glace ressemblant à une tête d’espadon avec son long museau pointu.
Quel animal se dessine ici?
Plus profondément, on découvre aussi du givre avec des formes hypnotisantes.
On parcourt ensuite des boyaux de glace.
Puis Lisa m’interpelle après avoir trouvé des formations intéressantes dans la glace. On dirait une sorte de réseau de neurones, ou plutôt un poumon glacé ? La partie centrale peut même faire penser à une toile d’araignée de la Téthys !
A force de procrastiner dans le glacier, on en vient presque à oublier l’heure. Nous avons encore une bonne dizaine de kilomètres à redescendre. Une belle journée bien remplie, mais ce n’est pas encore terminé. Dans le faisceau des phares de la voiture, on distingue une grosse silhouette qui s’envole d’un champ. En se rapprochant, on a l’honneur de voir un grand-duc !
Celui-ci patientera même le temps que je prenne une photo à travers le pare-brise avant de décoller pour aller chasser !
Le weekend suivant, je profite d’un trajet vers Zurich pour faire un petit crochet dans le Jura. Bon, je me suis un peu trompé de village car il y en avait un du même nom dans le canton de Fribourg. Un petit détour d’environ 3h :)
Mais pas le temps de Niaiser. Le lendemain, on part pour l’ascension d’un des sommets les plus proéminents de la région, le Chasseral.
La neige fraichement tombée magnifie le paysage, on passe au centre des falaises de la Combe Grède saupoudrées de neige. On se sent tout petit dans ce vallon aux parois vertigineuses. C’est dans cet environnement que l’on croise les maîtres incontestés des lieux, les chamois. Comme un poisson dans l’eau, un chamois saute les 3-4 mètres de falaise pour se réfugier dans la forêt pour le reste de la journée. Le petit cabri, lui est bien plus hésitant à suivre sa mère mais finira tout de même par sauter le pas.
On continue à faire la trace dans la neige fraiche, puis nous gravissons quelques échelles afin de nous extirper des falaises. Nous arrivons dans des pâturages et marchons jusqu’à une cavité qui était anciennement utilisée comme garde-manger. A l’époque où les frigos n’existaient pas, certains utilisaient des « frigos » naturels pour stocker leurs vivres. En été, selon la topologie du terrain, l’air froid est plus dense que l’air chaud et « coule » dans des creux de doline pour y stagner ensuite. L’eau de la fonte de la neige de surface s’écoule également dans ces dolines et gèle une fois en contact avec l’air froid. Des structures de glace telles que des piliers ou des lacs gelés peuvent s’y former. Malheureusement, celle que nous visitons est totalement sèche.
Avec le recul, ce n’est pas forcément étonnant car nous sommes au début de l’hiver (fin novembre). Toute la glace a fondu pendant la période estivale et il faudra attendre la fonte de la neige, au printemps, pour reproduire ce phénomène naturel si particulier. On y retournera !
Le temps presse, le soleil commence à bien descendre sur l’horizon et nous sommes encore bien loin de notre but : le sommet du Chasseral ! Plutôt que de suivre la route qui nous ajouterait quelques km au trajet, on trace à travers la forêt : droit en haut la dérupe pour rejoindre la crête. Ce n’était pas forcément la plus brillante des idées car c’était une forêt pleine d’arbres… Après un bon coup de chaud et quelques galères dans les petits buissons cachés par la neige, on arrive au sommet de la crête avec une vue dégagée. De là, on voit notre objectif : le sommet du Chasseral. On voit aussi surtout que l’on est très à découvert par rapport au vent. Le souffle nous fouette le visage avec des grésillons. Il faudra que l’on trouve un coin un peu abrité du vent pour poser notre tente, si l’on ne veut pas se réveiller au beau milieu du lac de Neuchâtel. Après encore une bonne petite heure de marche contre le vent, avec autant de petites montées que de descentes, nous voilà sur le sommet.
On installe la tente juste à temps pour profiter des derniers rayons de soleil. Les arbres crépis de neige par le vent s’illuminent de mille feux.
La vue sur les lacs du plateau et le soleil disparaissant derrière la crête nous font presque oublier le froid mordant !
Mais sitôt que le soleil s’estompe, le froid pénétrant refait son apparition. C’est le moment de se cacher à l’abri dans la tente.
Lisa a pensé à tout : un caquelon dans le sac, un peu d’ail, un mélange de fromage et un peu de bière. Rien de mieux qu’une fondue sur le réchaud à gaz pour réchauffer nos cœurs d’artichauts par -7°C.
C’est le ventre bien rempli que l’on enlace les bras de Morphée. Elle ne nous retiendra pas bien longtemps car un réveil strident nous extirpe de notre sommeil. C’est le téléphone qui nous avertit du lever de soleil imminent. Un zip de fermeture éclair plus tard, la tente s’entrouvre et laisse apercevoir une impressionnante mer de brouillard. Le ciel s’éclairci de plus en plus jusqu’à ce que le soleil émerge et fasse rougir les eaux de la mer.
On se sent privilégiés avec cette vue sur l’océan. Le soleil réchauffe les eaux qui deviennent de plus en plus tumultueuses. La marée devient montante et en quelques dizaines de minutes, nous voilà noyés sous les flots. On ne voit plus à deux mètres dans ces eaux troubles. On referme le hublot et l’on récupère le sommeil volé par le réveil jusqu’au début de l’après-midi, avant de plier les voiles et de partir au large.
Un nouveau module de la formation d’accompagnateur va débuter. Nous ne sommes pas dans la même volée mais les deux semaines de formation se suivent. La parfaite excuse pour des sorties en montagne pendant les weekends. Quelques jours plus tôt, j’ai vu passer des images de grottes de glace avec des sols totalement gelés. Après une courte investigation, le lieu de notre prochaine balade est connu ! Une heure de route plus tard, on triche un peu en gagnant quelques centaines de mètres de D+ en prenant les remontées mécaniques.
De la cabine, on observe attentivement le glacier pour trouver l’entrée de la grotte à explorer. Puis, dans notre dos, on entend : « regarde, c’est là l’entrée de la grotte de glace noire ». Ils pointent du doigt en direction du glacier. Bah parfait, l’entrée est déjà toute trouvée ! En revanche son accès ne semble pas si simple. Elle n’est pas en fin de glacier, comme habituellement, mais en plein milieux. Il y a une bonne petite montée à faire en peau et de la cabine on voit de belles crevasses. Il y a aussi quelques traces de free-rider qui slaloment entre les crevasses. On repère le passage le plus sûr avec des traces de skis et sans trop de crevasses.
Une fois arrivés au sommet, on met les peaux et on commence à faire des conversions dans la pente du glacier, sur les traces des skieurs. Il y a une très fine couche de poudreuse d’environ 4-5cm. Dessous, la neige est ultra dure à cause de la pluie qui est tombée jusqu’à 3500m quelques jours plus tôt. Dès que la pente est un peu plus raide, il faut taper fortement les skis pour avoir un minimum d’adhérence. La montée est bien galère et pour arranger le tout, en faisant la trace, un pont de neige cède devant mes skis et laisse entrevoir une petite crevasse. Elle n’est pas bien large. On pourrait facilement l’enjamber, mais elle n’est pas dans le bon sens de la pente. Je décide de reculer de 3m et de faire une conversion plus tôt (et plus raide) pour la contourner.
Après une montée plus chargée émotionnellement et physiquement que prévu, nous voilà devant la grotte.
Une chose est sûre en la voyant, ce n’est clairement pas la bonne grotte ‘^^ : le sol n’est pas beau lisse comme une patinoire. Non, ici ce sont de gros blocs de glace qui jonchent le sol. Mais elle n’en reste pas moins belle pour autant ! L’entrée est impressionnante par sa taille et l’on peut même voir une falaise en serpentine, coté montagne.
Cette roche nous vient de la plaque océanique, qui se trouvait sous l’océan de la Téthys il y a 200millions d’année. Une roche qui était autrefois dans les profondeurs océaniques, se retrouvant aujourd’hui à 3000m d’altitude, sous un glacier.
Bref, il est temps de mettre les crampons et de descendre voir cette grotte ! Elle n’est pas bien profonde, mais les blocs de glace au sol brillants tels des diamants donnent un côté magique à la grotte.
La magie est de temps en temps balayée pas un craquement sourd et profond du glacier en mouvement qui nous rappelle qu’il ne faut pas trop-trop trainer dans ce genre d’endroit.
Certaines parois de la grotte sont légèrement nervurées, faisant penser à du marbre blanc. C’est extrêmement beau à voir, mais ce genre de détails est très dur à retranscrire en photo. A la place je vous montre une image de moi, bronzant au chaud devant cette fameuse parois.
Une fois ressortis de cette grotte, on se dit que l’on va tout de même essayer de trouver la grotte que l’on est venu chercher à la base ? Mais avant ça, il est temps d’aller manger deux trois bricoles au resto des pistes ! Une fois rassasiés, on reprend les remontées mécaniques et cette fois, on redouble de vigilance pour trouver la fameuse entrée de la grotte. Cette fois-ci, c’est bon : elle est définitivement repérée. Elle n’est vraiment pas loin du domaine skiable, ce n’est finalement pas un mal d’y aller aussi tard dans l’après-midi. On est moins dérangés par les autres curieux.
Recouverte d’une épaisse couche de glace, la grotte est splendide ! Des lignes se dessinent au sol et font penser à des courbes de niveau. J’ai de quoi tenter quelques images graphiques.
Pendant que je m’extasie devant les lignes blanches de la glace, Lisa profite pour explorer la grotte de glace.
Elle trouve un petit tunnel partant dans une autre direction. Elle y trouve une belle structure de givre en demi-cercle. Je la rejoins et tente quelques images mais ce n’est pas évident de trouver un angle mettant la structure en valeur, d’autant plus qu’il y a très peu de lumière. Ce bout de grotte est aussi bien plus humide, la glace est complètement trempée et l’on est obligés de se déplacer en rampant. En effet, il ne doit pas faire plus de 1m30 par ici. Finalement, on décide de fixer une lampe frontale au plafond avec une broche à glace pour rétro éclairer et faire ressortir les structures du givre.
Bref, c’est complètement trempé que nous ressortons de cette grotte, après le coucher du soleil. Sans habits de rechange, on grelotte un peu. Le froid fait son effet. Plus que mouillés, nous sommes maintenant complètement gelés. Nos vêtements craquent un peu lorsque l’on bouge.
On descend les pistes à la lueur de la frontale. On profite d’une trace de dameuse remontée un peu plus tôt, pour skier sur une piste fraîche, quel bonheur. L’after en station avec l’après-ski n’était pas en reste mais je n’ai pas d’image à vous montrer :)
Il est temps d’aller faire un petit contrôle hivernal de la cabane de chasse. Voir si la neige s’y est infiltrée et si les souris ont saccagé l’intérieur. Pour y arriver, deux bonnes heures de ski de rando sont nécessaires. D’abord une belle montée, puis un long bout de plat. Une fois devant la cabane, il faut dégager la porte d’entrée. Cette année il n’y a pas tant de neige, quelques coups de pelles et nous voilà à l’intérieur. Pas de neige, pas de souris, rien, la cabane est comme on l’a laissée à l’automne. On sort la table et une chaise longue à l’extérieur pour profiter du soleil radieux et casser la graine.
Avant que l’ombre des montagnes nous refroidisse avec le soleil couchant, on se remet en route pour sillonner les crêtes de la région.
De là, on admire le coucher de soleil.
Tout devient rose, le Bietchhorn se pare de superbes couleurs avec quelques restes de nuages lenticulaires.
Une fois que les lenticulaires passent dans l’ombre de la terre, seuls les nuages stratosphériques captent les couleurs rosées du soir. Ce contraste entre ombre et lumière me fait penser aux nébuleuses sombres que l’on peut observer dans la nébuleuse tête de cheval par exemple.
Ces nuages de gaz bloquent les rayons cosmiques derrière eux, les faisant ressortir par effet « contre-jour » comme des ombres chinoises avec de magnifiques drapés gazeux.
Une fois le soleil définitivement disparu derrière les montagnes, on attaque la pénible descente à ski. La neige est super soufflée et très dure. Heureusement, une fois les pentes moins exposées rejointes, le ski devient bien plus agréable.
Pendant que l’eau des pâtes au pesto chauffe, je profite pour mettre en boîte la cabane de chasse sous un ciel étoilé avec d’un côté Orion et de l’autre la Grande Ourse.
Toujours l’occasion de remettre les choses en perspective. D’un côté l’immensément énorme et de l’autre l’insignifiant minuscule !
A la fin du mois de février, un ami ayant fait les deux écoles de recrue en même temps que moi (fractionné) partira pour plus d’un an en Amérique du Sud. Avant qu’il parte, on organise une petite sortie par chez lui pour marquer son départ. Le seul hic, c’est qu’il ne sait pas trop quoi faire par chez lui. C’est donc parti pour un brainstorming sur les choses à faire dans la région de St-Gall en hiver. Pas évident d’organiser un weekend sans vraiment connaître les conditions dans une région à plus de 4h de route. Finalement, c’est un bon exercice d’accompagnateur en montagne :) Le planning retenu est : une montée sur le sommet du Riggi le vendredi soir avec bivouac, rejoindre Corsin le samedi midi pour faire le sommet du Chäserrug, profiter du coucher de soleil sur le Wallensee et bivouaquer dans un Igloo. On profiterait aussi de visiter quelques cascades sympas dans la région.
Une fois planifié, il ne reste plus qu’à réaliser en espérant que les conditions sur place correspondent aux conditions anticipées avant la sortie (principe du 3x3). Après 3h30 de route, j’arrive au point de rendez-vous au pied du Riggi côté nord. Lisa est toujours motivée pour monter au sommet, malgré qu’il pleuvine, qu’il n’y a pas tant de neige et qu’il fait déjà nuit noire, obscure et sombre. On commence la montée en peau et l’on prend un raccourci dans la forêt. Rapidement, la neige est insuffisante et il faut porter les skis. En montant, la pluie se transforme doucement en neige, un peu plus agréable. Un fois hors de la forêt, le vent prend de l’ampleur et la neige commence à bien fouetter au visage. La neige béton et les pentes très raides nous empêchent de monter en peaux en faisant des conversions classiques. Le plus simple et d’attaquer droit en haut les pentes en priant que les peaux adhèrent. Sur la fin, le brouillard fait son apparition et l’on ne voit plus grand chose. On finira finalement sur le mauvais sommet du Riggi (Riggi Schneidegg à la place de Riggi Kulm (changement de plan en raison du timing)) mais ça ne changera pas grand-chose car avec l’épais brouillard, on n’y voit de toute façon rien.
Le montage de la tente est un peu tendu avec ce vent. La tente Samaya est ultra light (1,5kg pour une tente 4 saison). Si elle n’est pas maintenue, bye, bye pour elle. Il faut aussi faire attention avec les arceaux qui sont fins et fragiles. Une fois la tente montée, on la tend avec des ficelles à nos battons retournés et skis plantés dans la neige. Ça permet de répartir la tension des arceaux dans les skis et éviter la casse. Le temps de monter sur le sommet, installer la tente, voilà qu’il est déjà 1h du matin. Les nuits sont généralement courtes ‘^^
Au petit matin, le brouillard s’est légèrement dissipé. On n’a pas vraiment le temps de trainer car nous avons rendez-vous avec Corsin à midi, en plaine, au bord du Wallensee. Lisa a amené un super déjeuner avec un muesli et une petite bouteille de lait.
On y rajoute des tranches de bananes et des carrés de pommes pour le museli royal.
Puis on plie le camp et l’on se fait quelques jolies descentes avant de devoir à nouveau porter les skis dans la forêt par manque de neige.
Après avoir mangé typiquement Suisse-Allemand chez mon ami Corsin (riz au lait avec compote de pomme), on décide de la suite du programme. L’un ayant uniquement des raquettes et l’autre ayant récupéré une paire de ski de rando à une amie, on décide de ne pas faire la montée jusqu’au sommet du Chäserrugg en ski comme prévu. Faire 1300m de D+ avec tout le matériel de bivouac et un équipement mal adapté ne nous aurait jamais permis d’arriver dans les temps et le but est aussi de prendre du plaisir !
Après m’être fait arnaquer sur le prix de la remontée, nous voilà au sommet du Chäserrugg à 2261m d’altitude. Du sommet, on ne voit pas vraiment le Wallensee qui est caché par d’autres massifs. Le vent souffle fortement sur les crêtes. En regardant les stations météo alentours sur l’application de météo suisse, les rafales de vent sont données entre 80 et 103 km/h. Un vent qui peut sérieusement nous déséquilibrer et qui nous met un peu le doute quant à la suite. Je propose d’aller sur le sommet du Hinderrugg qui devrait nous permettre d’avoir une belle vue. Il y a cependant une petite arrête enneigée à traverser. De loin, elle parait assez dangereuse car elle est bien exposée au vent et il y a une centaine de mètres de vide des deux côtés. Après un petit repérage, il s’avère que la crête est assez large et le risque bien limité. Après de longues discussions pédagogiques pour convaincre tout le monde, on se met en route en ski de rando et raquettes pour traverser cette petite crête et arriver au sommet du Hinderrugg à 2306m. De là, la vue est sublime mais le vent souffle vraiment à décorner des bœufs !
Il est temps de trouver le bon spot pour creuser un igloo. La question de poser nos tentes ne se pose pas. Avec ce vent, les arceaux cèderont à coup sûr ! Sur l’arrière du sommet, le vent a formé de massives corniches de neige, de quoi creuser un igloo très facilement. Le hic c’est que l’on n’a pas la vue directement sur le lac ni sur le massif des Churfirsten. Lisa, ayant pensé à tout, a pris son matériel d’avalanche au complet. On utilise donc la sonde d’avalanche pour tâter la neige afin de trouver un spot avec assez de profondeur pour y creuser un igloo et avec une vue imprenable sur la région. La plupart des sondages indiquent entre 90cm et 1m10 de neige. Puis, sorti de nulle part, sur un terrain pourtant plat, la sonde s’enfonce jusqu’à plus de 2m ! Quelques coups de sonde supplémentaires pour délimiter la zone de neige profonde et voilà, c’est fait. On a notre emplacement. Il ne nous reste plus qu’à creuser. On a pris qu’une seule pelle, on se relaie donc régulièrement. Ceux qui n’ont pas la pelle dégagent la neige pour éviter d’accumuler dans l’igloo. Corsin est dans son élément, lui qui adore se dépenser en faisant du cross-fit se donne à cœur joie en creusant l’igloo.
Il y va même un peu trop à fond, en descendant dans l’igloo pour le remplacer, on se croirait dans un sauna. Un léger brouillard c’est formé dans l’igloo et il doit bien faire 15°C !
On creuse l’igloo en découpant des blocs qui seront réutilisés pour certains dans la construction d’un muret à l’entrée.
On profite du coucher de soleil pour faire une petite pause et admirer le paysage.
Après 2h de creusage intensif, la nuit commence à s’installer et il est temps d’établir le camp dans l’igloo.
On gonfle les matelas et l’on sort les sacs de couchage. A l’extérieur, c’est l’apocalypse : le vent semble souffler toujours plus fort. On est bien à l’intérieur de l’igloo totalement protégés du vent. Pendant que Lisa chauffe l’eau pour les pâtes pesto du soir et moi qui chauffe l’eau pour le thé, Corsin meurt de froid sur place. Évidement en transpirant comme un bœuf en creusant l’igloo, il s’est totalement trempé et n’a pas de vêtement de rechange. Dans ce genre de cas, il vaut mieux enlever les habits les plus mouillés et garder les plus secs. Il se cache ensuite au fond du sac de couchage pour sécher et se réchauffer au mieux.
Le pesto et le thé chauds sont servis, de quoi se réchauffer un peu de l’intérieur. Il fait tout de même -9°C à l’extérieur de l’igloo. Ensuite, il est temps d’éteindre les lampes frontales et passer notre première nuit à tous dans un igloo.
Au petit matin, avec Lisa, on se lève un peu plus tôt pour aller voir le lever de soleil.
Le vent est toujours dantesque, on regrette presque le petit lit douillet dans l’igloo sans vent ni grésillon fouettant le visage. Heureusement, le ciel prend feu et fait presque oublier le vent désarçonnant.
On est même rejoint par les deux marmottes qui viennent aussi profiter du lever.
A peine le soleil sorti que les nuages le cachent et le vent souffle de plus belles. On décide de plier le camp. On porte ensuite les skis jusqu’au sommet des pistes avant de les dévaler. Évidemment, Corsin ne fait pas comme les autres et descend sur une luge monoski.
Pas de soucis même sur les pistes noires verglacées. Bon après discussion avec Lisa, on est d’accord pour déclarer que ce ne sont pas vraiment des pistes noires :) On continue avec la suite du programme du weekend, avec la visite de quelques cascades. Malheureusement celle-ci est à sec au beau milieu de l’hiver… Il n’y a que quelques petites gouilles gelées.
Puis, après une petite visite du Patriafite et quelques autres cascades, on se remet en route chacun chez soi. Un bien beau weekend avec une première. L’aventure avec un igloo est à refaire absolument ! Mais il nous faudra plus qu’une pelle comme matériel et quelques habits de rechange !
Vous êtes encore là? Je dois vous avouer un truc, ça me prend énormément de temps de tout écrire. Comme on fait beaucoup de sorties avec Lisa, je n’arrive pas toujours à suivre la cadence… On va donc passer en narration plus allégée, j’espère que vous ne m’en voudrez pas trop?
Lisa veut sortir de sa zone de confort et vivre de nouvelles expériences de vie plus proches de la terre. Elle décide de trouver un nouveau travail auprès de familles paysannes. Elle cherche un alpage pour la saison d’été, l’excuse parfaite pour aller visiter des paysages façonés par l’agriculture de montagne. On met le cap vers Gstaad et part en peaux de phoque vers un col, pour tenter notre première nuit en hamac. On est partis un peu trop à l’arrache : le coucher de soleil arrive bien avant que l’on passe le col. Le ciel prend de superbes teintes roses. Alors que je sors mon appareil photo du sac, Lisa file en direction du gros rocher, pour profiter de la vue.
Une fois au sommet du col, on descend un poil dans la forêt pour se mettre à la recherche de deux arbres propices au montage d’un hamac. On trouve un coin sympa, mais l’un des deux mâts de fortune me paraît faiblard. On se fixe sur deux de ses branches principales, pour répartir la force. Malgré notre installation de compétition, on doit se rendre à l’évidence : il ne sera pas possible de dormir dans le hamac. Heureusement, le plan B était prévu. Pendant que Lisa monte la tente, je terrasse la neige, dans la pente. On se rend alors compte que l’on a oublié les pâtes, pour les traditionnels spaghettis pesto (on avait le pesto). Dans l’intervalle, l’appareil photo capture pleins d’images en time laps.
A force de ramper sous les glaciers et sous terre, Lisa semble apprécier de plus en plus la spéléo. Elle connaît Vanessa du club spéléo du Jura, qui l’invite à faire une initiation dans une galerie souterraine, de presque 5km de long. Une rivière y coule et le but et de la remonter à contre-courant. Pas d’hésitation, nous voilà dans le Jura aussi frais que possible (visiblement, carnaval dure plus longtemps au Nord de la Suisse).
Comme c’est une grotte très aquatique, on enfile nos combinaisons néoprène (merci Oriane pour le prêt de la combi !). Puis, il est temps de s’élancer dans la traversée de la grotte. On est beaucoup donc on se sépare en trois groupes. Le nôtre est plus orienté photo et vise l’exploration d’une zone peu connue du parcours.
Sur l’image au-dessus, on voit une bonne partie de l’équipe. Malheureusement, on ne trouvera pas la petite galerie que l’on a pourtant bien cherché. On ne reste cependant pas sur notre faim car la grotte est splendide, avec pleins des petites cascades.
C’est sûr qu’on reviendra, en y faisant un bivouac. La traversée est un spectacle indescriptible qui mérite que l’on s’y attarde plus.
Il y a quelques semaines en arrière, après une journée de formation, on a voulu partir en peaux repérer des grottes de glaces. Malheureusement, le lendemain on reprenait les cours à 8h et il n’a pas été possible d’y aller. Un peu frustrés de ce demi-tour forcé, on y retourne sur un weekend. Sur le chemin de l’aller, on croise deux loups qui nous passent devant les skis en courant ! Un moment magique… Lisa voulait même redescendre pour voir si on ne pouvait pas les débusquer. Après de longs faux-plats bien ennuyeux, on arrive au pied du glacier. On installe la tente et l’on se chauffe des pâtes pesto. D’ailleurs on a eu quelques mésaventures avec le réchaud à gaz : il n’y a pas que les pâtes au pesto qui ont chauffées…
Le lendemain, on a tout le temps pour visiter le glacier et ses différentes grottes. Sur les trois découvertes, une est esthétiquement plus intéressante :
J’éclaire deux blocs de glace avec une lampe et mon téléphone, pour donner cet effet translucide, presque surréaliste.
Voilà 4mois de balade avec Lisa résumés en un seul article. Il est particulièrement long, je m’en excuse. Promis, les prochains seront plus courts
J’espère néanmoins que vous avez bien apprécié.
A la prochaine !